Édition du 12 novembre 2024

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En Inde, la plus grande grève de l’histoire mondiale

250 millions de travailleurs participent depuis fin novembre à la plus grande grève de l’histoire mondiale contre la révision des lois sur le travail et la libéralisation de l’agriculture. Sous pression, le premier ministre nationaliste Narendra Modi avance les négociations avec les agriculteurs indiens.

Vendredi 27 Novembre 2020 | tiré du site du journal L’Humanité

Une fois n’est pas coutume, la police a dressé des barricades. À la frontière entre les États indiens de l’Haryana et de Delhi, les agriculteurs qui tentaient, jeudi, de pénétrer le territoire de la capitale ont été repoussés par les forces de police à grand renfort de canons à eau, gaz lacrymogène, drones de surveillance et d’arrestations massives. Le même scénario s’est répété dans l’Uttar Pradesh et l’Uttarakhand, deux autres États dirigés par le Parti du peuple indien (BJP) du premier ministre nationaliste Narendra Modi.

La crise du Covid-19 a fait apparaître au grand jour la réalité de sa politique ultralibérale et autoritaire contre laquelle se lèvent les travailleurs indiens dans une grève générale de deux jours, la seconde journée d’action la plus importante après celle du 8 janvier, qui vit déjà converger 200 millions de personnes. Ils auraient été 250 millions, jeudi, soit la plus grande grève de l’histoire mondiale. Seul le syndicat Bharatiya Mazdoor Sangh (BMS), proche du pouvoir, reste en retrait du mouvement. L’intersyndicale, réunissant les fédérations de l’acier, du charbon, des ports, des télécommunications, du BTP, des banques, des assurances, du transport et de l’électricité demande notamment le retrait des réformes du travail, la fin des privatisations, des pensions de retraite et l’augmentation du salaire minimum.

La pauvreté de masse fait craindre le retour des famines

En septembre, trois textes législatifs majeurs sur le travail ont été adoptés sans discussion au Parlement. En Inde, le monde d’après a des relents de dérégulation : la flexibilisation du marché du travail, la facilitation des licenciements viennent s’ajouter à une tentative de neutralisation des syndicats, à qui l’on demande désormais de représenter 75 % des effectifs d’une entreprise pour être reconnus. Une atteinte aux conventions de l’Organisation internationale du travail. Au printemps, plusieurs États gouvernés par le BJP suspendaient pour trois ans le Code du travail au nom de la relance économique et de l’attraction des capitaux étrangers.
66 % des travailleurs interrogés ont perdu leur emploi durant le confinement, 77 % des ménages consomment moins de nourriture qu’avant et 64 % ont vu leurs revenus diminuer.

Depuis mars, les tensions ne cessent de s’exacerber. Ainsi, le confinement décidé dans la précipitation a-t-il plongé l’Inde dans le chômage et la pauvreté, alors même que 80 % de la population active relevaient déjà du secteur informel et que le précariat demeure la seule issue pour des millions d’invisibles. La pauvreté de masse fait craindre le retour des famines, dont le pays s’était somme toute affranchi. Selon une enquête du Centre pour l’emploi durable de l’université Azim Premji (­Karnataka), 66 % des travailleurs interrogés ont perdu leur emploi durant le confinement, 77 % des ménages consomment moins de nourriture qu’avant et 64 % ont vu leurs revenus diminuer. « Nous sommes à peine capables de survivre entre la hausse des prix d’une part et les bas salaires d’autre part. La révision des lois du travail nous asphyxie un peu plus », témoigne Sukhdev Prasad, un ouvrier de Ghaziabad, cité par le site indien d’information Newsclick.

Crise politique

Depuis septembre, les paysans, qui représentent 50 % de la population, sont également vent debout contre le gouvernement et la loi de libéralisation de la commercialisation des produits agricoles. Jusqu’alors, les agriculteurs vendaient leurs récoltes sur les marchés régionaux, régulés par les autorités locales. La loi élargit désormais la vente – à prix libres – aux entreprises, qui pourront passer des contrats d’exclusivité avec les producteurs. Rien n’empêche ainsi les compagnies de stocker les denrées pour une durée illimitée et d’organiser la spéculation. Une crise sociale qui n’a pas tardé à se muer en crise politique depuis la démission de la ministre de la Transformation alimentaire, ­Harsimrat Kaur Badal, issue du Shiromani Akali Dal, formation de centre droit partie prenante de la coalition, au nom d’une législation « anti-agriculteurs » . ​​​​​​​Au ­Parlement, lors du vote du texte, certains députés ont déchiré des copies du projet de loi et cassé des micros dans un chaos innommable. Huit d’entre eux ont été suspendus jusqu’à la fin de la session parlementaire.

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