Au-delà de la pénurie, c’est principalement à une crise de l’abordabilité à laquelle les locataires du Québec doivent maintenant faire face, alerte le FRAPRU. Selon le dernier rapport sur le marché locatif de la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL), si le taux d’inoccupation a légèrement remonté (1,9%), les logements vacants se font de plus en plus rares dans les segments de loyers les plus abordables. Pendant ce temps, les prix des loyers poursuivent leur course folle. Le loyer moyen a augmenté de près de 30% en seulement trois ans, atteignant 1 119 $ par mois en 2024. Ces données corroborent l’analyse du FRAPRU selon laquelle simplement favoriser la construction de logements locatifs sans égard à leur prix accentue la crise d’inabordabilité.
« En ne prenant pas les mesures suffisantes pour lutter contre l’inabordabilité du logement, l’État québécois faillit à respecter son engagement à mettre progressivement en œuvre le droit à un logement adéquat », déplore Véronique Laflamme, porte-parole du FRAPRU. Pour ne pas se trouver sans-logis, plusieurs ménages consentent à louer des logements en mauvais état, ou ne correspondant pas à leurs besoins, remarque l’organisation. De plus en plus de locataires doivent recourir aux banques alimentaires pour finir le mois. « Présentement, le principal pourvoyeur de logement est le marché privé qui possède pratiquement 90% du parc locatif. Le manque d’alternatives tel que le logement social endette, précarise et jette à la rue les locataires », dénonce Véronique Laflamme.
La construction d’un nombre significatif de logements sociaux sous différentes formes (HLM, OSBL et de coopératives d’habitation) est plus que jamais essentielle pour limiter l’effet inflationniste des logements privés neufs qui se construiront dans les prochaines années, insiste le FRAPRU. Or, la récente Stratégie gouvernementale en habitation vise la construction de 560 000 logements locatifs en 10 ans, mais ne prévoit aucune cible de logements sociaux à construire sur la même période. Selon le FRAPRU, il est primordial que le budget 2025-2026 se dote d’objectifs chiffrés, afin de planifier le développement du logement social sur plusieurs années.
L’insuffisance et le manque de prévisibilité du financement du logement social ralentit le développement de nouveaux projets et maintient un climat d’incertitude contreproductif, insiste le FRAPRU. Les unités annoncées dans la mise à jour économique de novembre 2023 sont les seules à avoir été attribuées dans la dernière année et depuis 18 mois il n’y a eu aucun appel de projet du Programme d’habitation abordable Québec. Les annonces récentes de mises en chantier de logements sociaux étaient de bonnes nouvelles, mais ces unités sont attendues depuis 3, 5, voire plus de 10 ans. Le FRAPRU rappelle l’importance de mettre fin à cette dynamique où l’on doit attendre chaque budget ou énoncé économique pour connaître le nombre d’unités financées. L’attribution de fonds publics par décret gouvernemental s’est généralisée dans les derniers mois. Or, afin de garantir abordabilité et pérennité des projets, ceux-ci doivent être développés via des programmes gouvernementaux suffisamment financés, comprenant des balises claires qui sont les mêmes pour tous.
Afin de répondre aux besoins les plus urgents, le FRAPRU demande le financement d’au moins 10 000 logements sociaux dans le budget 2025-2026. Pour supporter une vision à long terme, nécessaire pour enrayer durablement la crise, le Québec devrait se doter de cet objectif minimal chaque année pour les 15 prochaines années, affirme l’organisme dans son mémoire.
Enfin, alors que le ministère des Finances achève sa révision des dépenses fiscales dans un contexte qui laisse craindre un retour à l’austérité, le FRAPRU a mis en lumière plusieurs mesures fiscales qui permettraient de lutter contre les inégalités sociales, creusées par la crise du logement, et de renforcer le filet social. Parmi ces mesures, l’organisme plaide pour la pleine imposition des gains en capital au même titre que les revenus de travail, un impôt sur le patrimoine des plus riches, la réintroduction de la taxe sur le capital des banques, l’augmentation du nombre de paliers d’imposition afin d’assurer une contribution plus équitable des plus riches. Ces réformes pourraient générer plusieurs milliards de dollars par an et garantir un financement plus stable pour le logement social.
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