Le programme à travers duquel ces travailleuses sont venues au Québec fait partie des programmes fédéraux de travailleurs étrangers temporaires, cependant il est distinct des autres en matière d’accès à la résidence temporaire. En effet, les personnes admises dans le programme ont accès à la résidence permanente après quelques années de service via le Programme régulier de travailleurs qualifiés.
Toutes ces travailleuses ont entamé le processus pour obtenir la résidence permanente. Or, bien qu’elles aient reçu, il y a longtemps, une lettre d’éligibilité pour le dépôt de demande pour la résidence permanente de la part du Ministère de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté Canada (IRCC), leurs demandes ont été suspendues ou ralenties par le projet de loi n˚ 9.
L’envoi des formulaires de demande pour le certificat de sélection du Québec (CSQ), qui est censé d’être fait par le Ministère de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion Québec (MIDI) à la suite de l’émission de la lettre d’éligibilité par l’IRCC, a été suspendu depuis décembre 2018. Les personnes ayant déposé la demande du CSQ ont reçu un courriel du MIDI annonçant une suspension du traitement de leur dossier le 7 février, la date où le projet de loi n˚ 9 a été déposé. Après l’émission d’une injonction de la Cour supérieure, le MIDI a commencé à traiter les dossiers reçus avant le 2 août. C’est pourtant seulement après le dépôt de plainte auprès du MIDI que certaines de ces travailleuses ont reçu des documents. La situation concrète est en effet variée : certaines ont reçu le CSQ pour elles-mêmes à titre de requérant principal, mais pas pour leurs membres de famille, tandis que d’autres n’ont pas reçu le CSQ, après avoir déposé une demande, ou n’ont même pas reçu les formulaires de demande du MIDI requis pour demander le CSQ.
« Nous sommes ici au Québec depuis au moins quatre ans et nous avons travaillé fort pour des familles québécoises, des enfants et des personnes âgées. Nous voulons rester au Québec avec notre famille et continuer à contribuer à cette société », dit Jennifer Rentiquiano. Parmi ce groupe, la majorité s’occupe d’enfants ou de personnes âgées. « Toutes les personnes, les agences et le personnel du gouvernement du Canada, ont dit qu’on pourrait obtenir la résidence permanente, et j’ai fait tout ce que je devais faire. Mon accouchement est prévu en juillet, et je m’inquiète de mon statut. Sans un statut assuré, qu’est-ce que je peux faire pour mon enfant ? » déplore Genie Zonoria Tagalogon. Au sein du groupe, une autre travailleuse est enceinte, et plusieurs autres ont des enfants aux Philippines qui attendent de rejoindre leur mère qu’ils n’ont pas pu voir durant des années. « Nous sommes la seule source de revenu de notre famille dans notre pays d’origine. Nous avons accompli toutes les exigences requises pour obtenir le droit de rester, et nous avons reçu la lettre d’éligibilité du gouvernement du Canada. Nous avons travaillé fort en espérant que nous pourrions rester dans ce pays.
Nous faisons maintenant face à la nouvelle inattendue de la suspension de notre dossier. Ce n’est pas juste et c’est contradictoire à l’image que nous avons de cette société », dit Baby Aurea Santos Albay. Selon Jasmin de la Calzada, représentant de PINAY (Organisation des femmes philippines du Québec), « Depuis le début du XXe siècle, le Canada dépend largement des travailleuses migrantes pour la garde de la famille, surtout des enfants. Ces travailleuses sont venues au Canada et y ont travaillé fort dans l’espoir d’un meilleur avenir pour leurs enfants. Elles ont d’ailleurs une forte volonté d’intégration dans la société québécoise. Par ailleurs, il faut noter qu’elles représentent une partie de la population affectée par le projet de loi n˚ 9. Un simple rejet ou une suspension sur le plan administratif peut signifier un effondrement d’un projet de vie, même pour sa famille ».
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