Édition du 12 novembre 2024

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Monde du travail et syndicalisme

Belarus : Femmes syndicalistes en prison

Depuis près de trois décennies, le Bélarus est le champion du monde des violations des droits humains fondamentaux, notamment du droit des travailleur·euses à la liberté d’association.

Tiré de Entre les lignes et les mots

Le Bélarus est cité parmi les 10 pires pays pour les travailleur·euses. Lors du soulèvement massif des Bélarus contre Loukachenko et son régime en 2020, les travailleur·euses ont défié la dictature en brandissant la menace d’une grève générale. Le régime a déployé des répressions exceptionnelles contre la société civile, les travailleur·euses et leurs syndicats. De plus, Loukachenko a entraîné le Bélarus dans la guerre en soutenant un autre dictateur, Poutine, contre le peuple ukrainien. Et c’est l’organisation démocratique des travailleurs, le Congrès bélarus des syndicats démocratiques, qui a exprimé la ferme position anti-guerre des travailleur·euses bélarus. Les conséquences ont été des arrestations massives et des accusations criminelles à l’encontre des dirigeants des syndicats et des travailleur·euses en avril 2022. En outre, le Bélarus est devenu un pays sans syndicats depuis juillet 2022, date à laquelle tous les syndicats démocratiques ont été liquidés. La dictature au Bélarus, où toute activité est qualifiée d’extrémisme et de terrorisme, connait une répression sans limites contre la société civile.

Syndicalistes en prison

47 de nos camarades bélarus se trouvent dans des prisons et des colonies pénitentiaires, condamné·es pour haute trahison, diffamation de l’État, participation et soutien à des activités extrémistes, avec des peines allant jusqu’à 15 ans d’emprisonnement. Parmi eux se trouvent des figures syndicales bien connues, comme Aliaksandr Yarashuk, président du BKDP, vice-président de la CSI et membre du conseil d’administration de l’Organisation internationale du travail.

Parmi les personnes emprisonnées, on trouve des femmes syndicalistes et des personnes âgées. Nombre d’entre elles sont qualifiées d’extrémistes, voire de terroristes. Les robes des prisonnières politiques sont également étiquetées : avec des étiquettes jaunes. Les prisonnières politiques subissent constamment des tortures, des punitions sévères en restant à l’isolement dans des cellules glaciales. Le travail forcé des prisonnières politiques, sans égard quant à leur santé et la sécurité au travail, souvent dans l’industrie du bois et du textile, est largement utilisé dans les colonies pénitentiaires pour convertir les prisonnières en citoyennes obéissantes à la loi, selon l’État.

Femmes syndicalistes, prisonnières politiques

Selon l’organisation de défense des droits humains Viasna, au 25 décembre 2023, il y avait 1 496 prisonnier·es politiques en Bélarus, dont 174 femmes. Depuis 2020, au moins 895 femmes ont été poursuivies pour des raisons politiques.

Aujourd’hui, parmi ces prisonnières politiques, au moins huit militantes et dirigeantes de syndicats indépendants sont détenues dans des prisons et des colonies pénitentiaires : Hanna Ablab, Zinaida Mikhniuk, Volha Brytsikava, Volha Barushka, Hanna Karneyenka, Sviatlana Sakovich, Palina Sharenda-Panasiuk et Halina Smirnova.

Elles ont perdu leur liberté à cause de leurs activités. Comme beaucoup de femmes bélarus, elles se sont rebellées contre l’injustice et la dictature. En 2020, de nombreuses femmes ont manifesté au premier rang après les élections truquées, lors des manifestations contre la fraude électorale, dans la lutte contre le dictateur, dans la lutte pour la liberté. Elles ne réclamaient pas seulement des élections libres, mais aussi l’abolition des structures autoritaires, la fin d’un virilisme répressif qui fait partie de l’idéologie et de la base du pouvoir de Loukashenko. Leur protestation portait sur l’égalité, le respect et l’autodétermination.

Elles ont été condamnées à des peines de prison allant de 2 à 11 ans pour leur protestation. Notre solidarité et notre soutien mondial les aident, ainsi que leurs familles, dans cette période difficile, alors que le régime les enferme en prison et ne veut rien de moins que le monde les oublie, elles et leurs noms.

Nous partageons ici les histoires de nos sœurs

Palina Sharenda-Panasiuk
Palina est une militante syndicale de Brest, qui a été détenue le 3 janvier 2021. Cette mère de deux fils mineurs a été condamnée en vertu de plusieurs articles du code pénal. Fin février 2022, une procédure pénale a été ouverte à son encontre en vertu de la partie 2 de l’article 411 du code pénal (désobéissance malveillante à l’administration de la colonie). Le 9 octobre 2023, le tribunal a déclaré Palina coupable en vertu de la partie 2 de l’article 411 du code pénal et l’a condamnée à une année supplémentaire de colonie pénitentiaire en plus des trois ans en 2021. Lors de la première audience du tribunal, elle a déclaré avoir été battue dans la colonie pénitentiaire de Zarečanskaya : son visage et ses organes internes ont été gravement endommagés.

La famille de Palina a dû quitter le Bélarus et s’est réfugiée en Lituanie. Elle se bat pour que son cas soit connu du public et pour qu’elle soit libérée plus rapidement.

Il est prouvé que les prisonnières politiques sont périodiquement placées dans un pénitencier – dans une cellule à basse température où elles sont privées de correspondance, de colis de la famille ou d’objets personnels, de vêtements chauds et de draps de lit. Bien que les détails exacts ne soient pas toujours connus, et qu’il ne soit parfois pas possible d’en parler publiquement, ces informations parviennent à l’extérieur de la prison.

Le statut que Paline s’est vue infligé – celui de « malveillante » – impose des restrictions supplémentaires, dont la principale est la réduction des « achats en prison » à deux valeurs de base (74 roubles ou 20 euros par mois). Comme le font remarquer les prisonnières, il est très difficile de survivre sans argent, sans salaire et avec la privation de colis de la famille.

Hanna Karneyenka
Hanna est membre du syndicat libre des travailleur·euses de la métallurgie et ancienne comptable de l’usine électrotechnique de Minsk, qui porte le nom de Vavilov. Elle a été licenciée à la suite de manifestations sur son lieu de travail en 2020 et son syndicat a intenté un procès à l’entreprise pour licenciement illégal. Hanna a été condamnée à cinq ans de colonie pénitentiaire pour avoir divulgué des données personnelles concernant des agents de l’État. Elle a été placée en détention alors que son nouveau-né avait trois mois. Son mari fait de son mieux pour s’occuper seul de leurs deux enfants. Hanna figure sur la liste des terroristes.

Volha Brytsikava

Volha est la présidente du syndicat indépendant bélarus des mineurs et des travailleur·euses de l’industrie chimique d’une raffinerie de pétrole, Naftan. En 2022, au début de la guerre en Ukraine, Volha a été arrêtée pour sa position anti-guerre et mise en prison. Pendant son incarcération, elle a été condamnée 5 fois à 15 jours de prison à chaque fois.

Après sa libération, elle a continué à aider ses camarades. Lors de la liquidation de tous les syndicats indépendants, elle a été l’un·e des rares dirigeant·es syndicaux à ne pas quitter le pays. En août 2023, le régime l’a arrêtée, ainsi que quelques autres camarades. Aujourd’hui, elle fait l’objet d’une enquête criminelle dans une prison du KGB à Minsk et risque au moins 6 ans de prison. Depuis, il n’y a pas beaucoup d’informations sur elle. Les arrestations de travailleur·euses de Naftan se poursuivent et les camarades de Volha font le lien avec son cas.

Hanna Ablab
Parmi nos camarades, Hanna est celle qui a été condamnée le plus durement – 11 ans pour haute trahison et diffamation de l’État. Elle travaillait pour les chemins de fer bélarus et faisait partie de l’Initiative des travailleur·euses Rabochy Rukh. Hanna a nié sa culpabilité lors de l’audience. Mère de trois enfants, elle a récemment été transférée de la prison préventive à l’une des colonies pénitentiaires pour femmes.

Colonies pénales ou camps de travail forcé
Les lieux où sont détenues les prisonnières politiques sont des colonies pénitentiaires où elles sont censées travailler. Le travail des prisonnières politiques ne devrait être qualifié de rien d’autre que de travail forcé, sans règles sanitaires et de sécurité, sans rémunération appropriée (souvent moins d’un euro par mois), le plus souvent dans l’industrie textile. Dans le cas des femmes détenues, il s’agit d’un travail de huit heures dans un atelier de couture fabriquant des uniformes pour l’armée, très probablement l’armée russe, ou pour la police bélarus.

Syndicat en exil

De nombreux syndicalistes ont dû fuir le régime dictatorial et poursuivre leur travail en exil. Ainsi, dans la ville libre de Brême en Allemagne, ils et elles ont fondé une association, appelée Salidarnast (solidarité en bélarus), pour soutenir les syndicalistes arrêté·es et condamné·es par le régime de Loukachenko. Leur slogan est « Le militantisme syndical n’est pas de l’extrémisme ». Ils et elles font campagne pour la libération de leurs camarades, diffusent les nouvelles sur le Bélarus, collectent des dons pour un fonds de solidarité destiné à aider les familles et les enfants des camarades bélarus, entretiennent des réseaux et commencent à dispenser une formation syndicale.

La liberté n’est pas une chose acquise une fois pour toutes. Nous devons constamment nous battre pour elle. Il en va de même pour la liberté d’association. C’est un grand défi pour les Bélarus et le mouvement international des travailleur·euses d’agir ensemble avec les employeurs et leurs gouvernements respectifs pour faire pression sur le régime au Bélarus. La libération de tous les prisonniers politiques devrait être la condition préalable à tout dialogue avec Loukachenko.

Salidarnast – Trad. Patrick Le Trehondat, 12 janvier 2024
L’association Salidarnast a été fondée par des dirigeant·es et des militant·es syndicaux du Bélarus, qui ont été contraint·es de quitter le pays après la liquidation et la répression des syndicats démocratiques. Cette association est en Allemagne et basée à Brême.
https://laboursolidarity.org/fr/n/3019/femmes-syndicalistes-en-prison

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