Édition du 17 décembre 2024

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Services de garde privés : concurrence déloyale

Les services de garde au Québec : champ libre au privé est le titre de la dernière étude de l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques (IRIS) sur les services de garde au Québec et il est assez révélateur. La stratégie qui y est décrite pour laisser toute la place aux garderies commerciales privées est l’élimination des services de garde publics du portrait.

Éliminer la concurrence

Quelle est la meilleure façon de s’assurer une part importante d’un marché donné ? Éliminer la concurrence est une méthode éprouvée. Prenons le cas d’Uber : en ne jouant pas le jeu avec les mêmes règles que l’industrie du taxi et en offrant artificiellement des prix concurrentiels et une rémunération alléchante à ses chauffeurs, le transporteur s’assure d’affamer ses concurrents.

Une fois la concurrence affaiblie ou complètement disparue, le champ est libre pour augmenter ses prix, baisser radicalement la rémunération des chauffeurs et encaisser de juteux profits.

Et pour les services de garde privés ?

L’étude de l’IRIS explique comment le gouvernement libéral a créé de toutes pièces le « marché » des garderies commerciales privées en subventionnant les parents et en mettant des bâtons dans les roues des services de garde éducatifs à la petite enfance publics. On parle ici d’une augmentation de 1 042 % des places en garderie commerciale privée en à peine 10 ans !

Deux poids, deux mesures

Les règles ne sont tout simplement pas les mêmes pour qui veut ouvrir une garderie commerciale : son personnel est moins bien payé que dans le secteur public, elle n’est pas soumise à des inspections surprises et n’a pas à suivre les règles en matière de programme éducatif ni de guide nutritionnel. Les garderies commerciales privées peuvent (et ne se gênent pas pour le faire) demander une myriade de frais en extra.

Pendant ce temps, le gouvernement impose de nouvelles compressions budgétaires et une nouvelle réglementation plus que restrictive aux centres de la petite enfance (CPE), en plus de ne pas permettre la création de nouvelles places subventionnées tant en milieu familial qu’en installation. Le jeu est truqué et c’est l’arbitre qui orchestre la tricherie.

Le coût caché du privé

On entend souvent les gens justifier ce recours au privé en disant que c’est « parce qu’il manque de place en CPE de toute façon ». Eh bien, c’est justement la prolifération des places au privé qui empêche la création de nouvelles places dans le réseau public ! Dans un mémoire que la CSQ a déposé lors des consultations prébudgétaires, nous l’expliquons assez bien :

Le [ministère des Finances du Québec] MFQ estime que le Québec investit 2,4 milliards de dollars pour les 220 000 places en service de garde à contribution réduite (en 2014). Cela représente un investissement annuel de 10,9 M$ par 1 000 places. En 2014, la part du crédit d’impôt pour les services de garde à la petite enfance représente environ 450 M$ sur les 589 M$ qu’a couté le crédit d’impôt pour frais de garde d’enfants (le reste pour les pensionnats, les camps de jour, etc.). Ces 450 M$ permettraient donc la création d’environ 41 000 places à contribution réduite (450 ÷ 10,9 X 1 000 = 41 284).

Mettons fin à la mascarade

Quelle est la qualité des services que nous désirons offrir collectivement à nos tout-petits ? Quand nous avons mis en place le réseau public de services de garde en 1997, c’était pour favoriser le développement de nos enfants. On se rend compte depuis que tout cela contribue grandement au dépistage précoce des difficultés d’apprentissage.

Dans le modèle que le gouvernement Couillard est en train d’implanter, de plus en plus d’enfants évoluent dans des services commerciaux où, bien souvent, la vision mercantile des propriétaires prime sur la qualité des services offerts. Le but de l’entreprise privée, ce n’est pas de favoriser l’égalité des chances de réussite à l’école plus tard. Le but d’une garderie commerciale privée, c’est d’être rentable.

On veut plus que ça pour nos enfants, non ? L’explosion des places en garderie commerciale privée doit cesser. Le ministère de la Famille doit colmater la fuite et imposer un moratoire. Si l’éducation et l’avenir des générations futures lui tiennent réellement à cœur, le gouvernement Couillard doit également annuler rapidement les compressions imposées aux CPE et rétablir les tarifs réduits universels pour les services de garde.

Louise Chabot

Présidente de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) (depuis 2012)

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