Montréal, le 22 juillet 2022. Plus de 50 éminent.es
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Canadiens et Canadiennes, profondément
préoccupés par le recul de la démocratie en Inde, ont signé des lettres
adressées au président de l’Inde, Ram Nath Kovind, et au juge en chef de la
Cour suprême de l’Inde, N.V. Ramana, demandant la libération immédiate de
Teesta Setalvad, connue pour son activisme pour la défense des droits de la
personne et journaliste indienne, et de R.B. Sreekumar, un policier d’une
grande intégrité.
Naomi Klein, Peter Leuprecht, Margaret Atwood, Judy Rebick, Yavar Hameed et
Rohinton Mistry figurent parmi les signataires, auprès de juristes,
écrivains, artistes, organisateurs et organisatrices communautaires et
intellectuels publics. Les lettres et les noms des signataires [1] ont été
rendus publics lors d’une conférence de presse organisée hier au Canada.
Dans leurs lettres au président et au juge en chef, ces éminents Canadiens
notent que les circonstances entourant l’arrestation et la détention de
Setalvad et de Sreekumar, indiquent que que le processus judiciaire et le
militantisme politique ont été confondus de manière troublante et que de
tels actes menacent la réputation internationale de l’Inde. L’Inde est
pourtant respectée depuis des décennies comme une république laïque et
démocratique et un État de droit.
Ces lettres sont envoyées suite à l’arrestation et la détention alarmantes
de Teesta Setalvad, célèbre activiste pour la défense des droits humains et
journaliste indienne, et de R.B. Sreekumar, ancien directeur général
adjoint de la police (à Godhra, dans l’État du Gujarat). Ces arrestations
et détentions ont eu lieu suite à une décision de la Cour suprême de l’Inde
ordonnant aux autorités de les détenir. Or, la décision de la Cour suprême
viole les normes de la procédure judiciaire, selon lesquelles un tribunal
ne doit pas être influencé par la politique et doit être guidé uniquement
par la règle de droit. L’arrêt de la Cour suprême révèle qu’en Inde
aujourd’hui, se battre pour des droits constitutionnels ou demander des
comptes au gouvernement est devenu un crime.
Les arrestations ont eu lieu après que la Cour suprême de l’Inde a rendu
une décision effroyable dans une affaire liée aux événements du Gujarat de
2002. Ces événement ont été largement considéré comme un pogrom ou un
génocide contre les musulmans et musulmanes à Gujarat. Zakia Jafri, dont le
mari, Eshsan Jafri, a été tailladé membre par membre puis brûlé vif en
2002, avait adressé une pétition aux tribunaux avec le soutien de Teesta
Setalvad. Il a fallu presque deux décennies, pour que la pétition arrive
enfin à la Cour suprême. Le 24 juin 2022, la Cour a rejeté la pétition,
qualifiant les revendications de "fausses" et "motivées" et a réprimandé
Setalvad pour son "audace à mettre en doute l’intégrité de chaque
fonctionnaire impliqué". Dans un tournant alarmant, le tribunal a déclaré
que les pétitionnaires étaient ceux qui "devaient être sur le banc des
accusés" ; dans les 24 heures, Setalvad et Sreekumar ont été arrêtés par la
brigade antiterroriste du Gujarat et accusés de "conspiration" pour "ternir
l’image de l’administration du Gujarat".
Au moment de l’arrestation, Indira Jaising, une avocate indienne très
respectée, connue pour son activisme juridique en faveur des droits
humains, a écrit : "L’affaire contre Teesta révèle un plan pour la
dissuader d’aider les victimes des émeutes de 2002 au Gujarat. [...] la
disproportion de la procédure judiciaire, le moment choisi et l’insistance
de l’accusation sur l’interrogatoire en garde à vue, tout cela sent la
vendetta."
La rapporteuse spéciale des Nations unies sur les défenseurs des droits de
l’homme, Mary Lawlor, a également exprimé sa "profonde préoccupation"
concernant la détention de Mme Setalvad. "Défendre les droits humains n’est
pas un crime". La directrice de Human Rights Watch pour l’Asie du Sud,
Meenakshi Ganguly, a déclaré : "Ces arrestations sont clairement des
représailles pour avoir rendu justice aux victimes des émeutes du Gujarat
et tenté de demander des comptes à ceux qui étaient au pouvoir".
C’est cet aspect qui est alarmant et qui a attiré l’attention des éminent.es
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Canadien.es signataires des lettres demandant la
libération immédiate des deux détenus. Lors de la conférence de presse
d’aujourd’hui, Pearl Eliadis, avocate des droits humains, de renommée
internationale, et l’une des signataires des lettres, a déclaré que la
solidarité internationale contre la répression, comme l’envoi de ces
lettres, est une des actions les plus importantes. L’État de droit et la
capacité de défendre les droits humains sont au cœur des démocraties. Et le
maintien de la démocratie en Inde, en raison de sa proéminence et de son
importance en tant que leader de la démocratie dans le Sud global, est très
important. Elle a fait l’éloge de cette initiative parce qu’il est très
important que des principes tels que le rassemblement pacifique, la liberté
d’expression, la liberté d’association, le droit à la dissidence, le droit
d’adresser des pétitions aux tribunaux, le type de travail dans lequel
Teesta Setalvad s’est engagée, soient protégés et que les gouvernements ne
les utilisent pas comme motifs de représailles. "Il est extrêmement
important que les gouvernements soient tenus responsables. Le meilleur
moyen d’y parvenir est de braquer sur eux le projecteur international de la
responsabilité pour s’assurer qu’il n’y a pas d’impunité pour les graves
violations des droits humains qui ont eu lieu dans ce cas particulier", a
souligné M. Eliadis.
Sam Boskey, un autre signataire des lettres qui était présent à la
conférence de presse a déclaré : "Si la suppression et le déni des droits
humains dans de nombreux pays n’ont rien de nouveau, ces arrestations
particulières de militants de haut niveau font partie d’une stratégie de
légitimation et de normalisation de ces attaques." M. Boskey a également
souligné qu’"il est essentiel que la désapprobation de ces actions soit
exprimée dans le monde entier, en particulier par des pays tels que le
Canada, vers lequel l’Inde souhaite se tourner pour obtenir un soutien dans
ses divers projets internationaux".
Le sentiment dominant de la conférence de presse était que la dissidence
est une marque de la démocratie, inscrite dans les constitutions
démocratiques et la gouvernance démocratique, et il a été espéré que des
initiatives comme celle-ci atteignent les autorités et les persuadent
d’abandonner les poursuites contre Teesta et Sreekumar et de les libérer
sous caution immédiatement.
Il a également été noté que les médias doivent jouer un rôle dans la
diffusion de cette information. Alors que nous vivons à une époque où la
répression contre les dissidents dans des pays comme la Russie est
largement couverte par les médias, la violence et l’impunité auxquelles
sont confrontés les militants sur le terrain en Inde, qui luttent pour que
l’Inde reste une démocratie, sont relativement non rapportées par les média
et demeurent inconnues. Les arrestations de Setalvad et Sreekumar ont eu
lieu dans un contexte où les institutions de la démocratie en Inde sont en
train d’être vidées de leur substance ; la séparation entre le législatif,
l’exécutif et le judiciaire, ainsi que les contrôles et les équilibres
qu’elle garantit, sont en train d’être supprimés. Si leur détention a
suscité une profonde inquiétude, c’est parce qu’il s’agit de l’action la
plus récente et la plus effroyable visant à étouffer la dissidence, à
intimider la population et à démanteler la société civile en Inde.
"Aujourd’hui, l’Inde ressemble à l’Allemagne des années 30", a déclaré
Jooneed Khan, le modérateur de la conférence de presse. L’histoire montre
comment, en l’espace de quatre ans, l’Allemagne est passée d’une démocratie
libérale à une dictature dirigée par Hitler. L’appel ouvert et public au
génocide des musulmans lors de plusieurs rassemblements de masse (Dharma
Sansads ou parlements hindous) par la droite Hindutva en Inde constitue un
événement alarmant dans le passé récent. Contrairement aux arrestations de
Setalvad et Sreekumar, ces incitations à la violence de masse n’ont pas été
réprimandées par les autorités de l’État.
[1] Les lettres et les noms des signataires :
https://docs.google.com/document/d/1bdS3sg9b791nhQbCBEWV_mxlSSR9Y4HRpCz83eKKf-c/edit?usp=sharing
*Source* :
Collectif d’action de la diaspora sud-asiatique (SADAC/CADSA)
CERAS (South Asia Forum)
Comité ad hoc de Canadiens préoccupés qui voient l’urgence de protéger la
démocratie en Inde
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