Avec 56 % des voix, Dilma Rousseff est la huitième femme élue présidente en Amérique latine, après une campagne bâtie méticuleusement sur la popularité de Lula da Silva, candidat sortant. Cette réussite doit aussi à l’habileté du Parti des travailleurs (PT) qui, depuis plusieurs décennies, s’allie à des secteurs représentatifs de la bourgeoisie, sans s’éloigner totalement du prolétariat brésilien.
Parmi les dix partis politiques de la coalition 2010 qui porte Roussef au gouvernement, sept sont de droite. Ce n’est donc pas par hasard si, le soir de sa victoire, le 31 octobre, elle a promis de poursuivre la politique de son prédécesseur : ouverture aux capitaux et marchés internationaux, simplification et assouplissement fiscaux, initiatives en faveur des entrepreneurs, renforcement de certains instruments économiques de régulation.
Lié par son histoire, le PT ne peut cependant pas abandonner sa base sociale et certaines des exigences des mouvements sociaux, sans toucher aux revendications de classe. Rousseff s’en est tenu à des annonces vagues et générales : « éradication de la misère », liberté de la presse, « garantie des droits humains, droit à l’alimentation, à l’emploi, à un revenu et au logement »… Déterminée à gagner les élections à tout prix, elle a été capable de changer de position vis-à-vis du droit à l’avortement à quelques heures des élections, en abandonnant la possibilité de sa dépénalisation, afin de gagner les votes conservateurs des Églises…
Du côté des syndicats, presque tous sont influencés par les partis politiques de la coalition. Il n’est ainsi pas étonnant que cinq centrales syndicales aient offert leur soutien explicite à la candidate. Au cours de la campagne, une quinzaine d’organisations du mouvement social – les peuples touchés par les barrages hydroélectriques, les femmes paysannes, la Marche mondiale des femmes, Via Campesina, le mouvement des afro-descendants, l
e Mouvement des sans-terre – ont décidé de lancer un manifeste contre la candidature néolibérale de centre-droit, « pour élire le plus grand nombre de candidats identifiés avec les aspirations des travailleurs ». Au deuxième tour, ces organisations ont publié un autre manifeste, en avançant leurs revendications spécifiques. Ce texte souligne les insuffisances du gouvernement Lula, tout en appuyant la candidature du PT, et critique la participation de partis politiques « opposés à leurs demandes sociales » au sein de la coalition.
Cependant, bien que le vote soit obligatoire, plus de 20 % d’électeurs se sont abstenus. Sans aucun doute, de larges couches du prolétariat ont appuyé l’élection de l’actuelle présidente. Pourtant, les classes populaires devront affronter les mêmes problèmes qu’avant les élections. Les pays dits « émergents » comme le Brésil n’échappent pas aux phénomènes engendrés par le néolibéralisme. Comme le soulignait un économiste en septembre, la dette intérieure du Brésil est de 1 618 milliards de réals (943 milliards de dollars), soit 48 % du PIB : « 80 % des titres sont détenus par vingt mille familles brésiliennes dont la rémunération sous forme de rente financière représente 30 % du budget fédéral. Une situation préoccupante car moins de 5 % du budget fédéral va à la santé et moins de 3 % à l’éducation en 2009. Les spéculateurs en jouant sur les taux de change dollar/real réalisent des taux de rendement de 30 % sur leurs achats des titres brésiliens ». [1]
Devant une telle situation, le futur gouvernement sera amené à prendre des mesures de rigueur, sur le dos des travailleurs, afin d’atténuer ses dettes. Il faut d’ores et déjà envisager un large mouvement de résistance qui inverse la logique capitaliste pour mettre au centre de la politique les intérêts des travailleurs et de la majorité de la population.