Pourquoi paradoxalement ? Parce qu’en Irlande, l’homosexualité n’a été dépénalisée qu’en 1993. Parce que le droit au divorce, rejeté par référendum en 1986, n’a été obtenu qu’en 1995, et par une courte majorité de 9000 votant.es. L’évolution de la société a donc été extrêmement rapide, et la rupture avec l’Eglise catholique sans appel, dans un Etat à l’origine quasiment théocratique. Les principaux partis politiques ne s’y sont pas trompés, qui soutenaient tous le « oui », même les plus conservateurs.
Les bouleversements économiques d’avant la crise ont secoué une Irlande où les jeunes s’installaient enfin, au lieu de fuir vers des destinations plus clémentes en matière d’emploi. Les scandales à répétition concernant la pédophilie des prêtres ont été autant de coups de boutoir contre l’autorité de l’Eglise, qui a pourtant encore en charge la quasi-totalité des écoles, privées et publiques.
Au cours d’une campagne très militante, ce sont les défenseurs du « oui » qui ont tenu le haut du pavé, tant et si bien qu’on craignait un afflux de « non silencieux ». C’est l’inverse qui s’est produit. La proclamation des résultats du vote a provoqué des scènes de liesse collective dans les grandes villes. La constitution va être modifiée dans les prochains jours, et les premiers mariages entre deux personnes du même sexe devraient avoir lieu dès le mois de septembre.
Il faut maintenant espérer que la mobilisation qui a permis ce résultat et les transformations profondes de la société qu’elle traduit puissent se prolonger.
Déjà, certain.es se plaisent à rêver d’un assouplissement de la constitution concernant le droit à l’avortement. Rappelons que l’Irlande demeure l’un des derniers pays européens où il est interdit, sauf lorsque la vie de la mère est en danger. Cette précision est d’ailleurs pour l’heure sans effet dans la pratique : en 2012, on a refusé le droit d’avorter à Savita Happanavar, gravement malade, au prétexte que les battements de cœur provenant du fœtus n’étaient pas interrompus. Savita en est morte et le pays en fut tourneboulé. En effet, pour l’heure, le « 8e amendement » d’une constitution criminelle met à égalité la vie de la mère et celle du fœtus. Cet amendement, approuvé par référendum en 1983, rend donc l’avortement inconstitutionnel. C’est pour son abrogation que les mobilisations se poursuivent. Les revendications sont encore timides, puisqu’elles proposent d’inclure les cas où le fœtus n’a aucune chance de survie, ainsi que les résultats d’incestes et de viols …
Il ne devrait pas y avoir d’autre référendum sous ce gouvernement. Mais les paris sont ouverts pour la suite. Croisons les doigts … et soutenons les luttes pour les droits des femmes !
Source : Ensemble