Édition du 17 décembre 2024

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Politique québécoise

Énoncé printanier : la nouvelle qui n’aura surpris personne

Le ministre des Finances Nicolas Marceau a publié aujourd’hui à Québec un énoncé visant à mettre à jour le cadre budgétaire déposé à l’automne dernier. Le document évoque des revenus à la baisse et présente les moyens mis en œuvre par le ministre pour atteindre néanmoins l’équilibre budgétaire au cours de l’exercice 2013-2014.

Tiré du site de l’IRIS.

L’approche du ministre semble par conséquent faire toujours bien peu de cas des conséquences infligées à l’économie québécoise par les politiques d’austérité, mais aussi de divers éléments macroéconomiques qui devraient pourtant l’inciter à davantage de prudence.

Rappelons que cette situation, la publication d’un énoncé budgétaire printanier, est exceptionnelle puisque la coutume parlementaire veut plutôt que ce soit le budget de l’année qui soit déposé à cette date. Cependant, à l’automne dernier, les mesures prises par le nouveau gouvernement, notamment au chapitre de la fiscalité, avaient motivé le dépôt d’un budget anticipé.

Un demi-milliard manquant

Notons d’abord que le manque à gagner imprévu de 565M$ pour l’exercice budgétaire 2013-2014 n’est nullement surprenant. Cette baisse généralisée des revenus de l’État s’explique par une croissance économique inférieure aux prévisions. Le ministre Marceau a beau afficher un air de surprise, le refrain qu’il entonne est le même que celui que l’on entend un peu partout dans les pays occidentaux depuis quelques années. La semaine dernière, c’était d’ailleurs le tour du ministre fédéral des Finances Jim Flaherty de nous le fredonner en présentant un déficit de 8G$ plus élevé que celui qui était prévu à pareille date il y a un an.

C’est dire que les gouvernements poursuivent dans la voie de l’austérité en dépit des dommages qu’elle inflige à l’économie dans un contexte où elle devrait au contraire être soutenue par les leviers dont peut se prévaloir l’État. En conséquence, la poursuite accélérée du déficit zéro n’est pas un raccourci, mais un détour. Elle entraîne des baisses de revenus : taxes à la consommation (-183M$), impôts des sociétés (-138M$), impôts des particuliers (-101M$), ressources naturelles (-62M$), etc.

À ces baisses dans la colonne des revenus anticipés s’ajoutent les 100M$ de dollars que le gouvernement péquiste souhaitait obtenir par le biais d’une hausse des tarifs d’hydroélectricité. Rappelons que cette hausse a été refusée par la Régie de l’énergie, ce que certains ont assimilé à un camouflet de ce tribunal administratif à l’endroit du gouvernement. D’autres auront été soulagés d’éviter une mesure régressive. Le gouvernement exigera néanmoins d’Hydro-Québec qu’elle parvienne à dégager ce 100M$.

Pour maintenir le cap sur le déficit zéro, le ministre Marceau mise essentiellement sur deux sources stabilisatrices, soit une hausse de 280M$ des transferts fédéraux de péréquation et l’utilisation des « provisions pour éventualités », ce qui correspond à la fameuse « sacoche » de Monique Jérôme-Forget.

L’imprévoyance de M. Marceau

L’énoncé économique du ministre Marceau ne prend pas acte de trois menaces importantes à la stabilité économique du Québec : l’augmentation de l’endettement des ménages, une éventuelle crise dans le secteur immobilier et la volatilité de la valeur des prix des métaux. Avec un taux d’augmentation de la consommation de 1,8 % en 2013 et 2,1 % en 2014, les consommateurs vont certes parvenir à soutenir l’économie québécoise tout en participant à l’accroissement du PIB. Cependant, il convient de rappeler qu’avec un niveau d’endettement des ménages se situant à 161 %, toute augmentation de la consommation se traduit par un accroissement de l’endettement des familles québécoises. À terme, cette tendance demeure insoutenable et le ministre des Finances ne semble pas disposé à y faire face.

De plus, l’important niveau d’endettement des ménages se double à présent d’un ralentissement marqué du secteur immobilier. Les investissements résidentiels baisseront de 4,6 % cette année et de 1,1 % l’an prochain. Dans un contexte où de plus en plus de nouvelles unités de logement ne trouvent plus preneur sur le marché, le ministre écarte certainement trop rapidement la possibilité d’une crise dans ce secteur d’activité. La poursuite de la hausse de l’endettement des ménages, associée à une stagnation de la valeur de leurs actifs immobiliers et une hausse à prévoir en 2014 des taux d’intérêt, laisse planer le risque que plusieurs Québécois et Québécoises, acculés au pied du mur, se résignent à mettre en vente leur logis. Ceci pourrait alors activer la spirale menant à une crise immobilière.

Finalement, notons que le gouvernement actuel fait preuve de la même imprévoyance affichée par son prédécesseur sur la question des ressources minières. Miser sur l’exploitation de ces ressources pour assurer la prospérité du Québec équivaut à compter sur un secteur économique dont le bilan environnemental est très sombre et accentue la dépendance aux marchés internationaux. En 2012, la valeur des prix des métaux exploités au Québec a chuté de 11 % en raison d’une diminution de la demande mondiale. De plus, on anticipe désormais une tendance à la baisse pour la période 2013 à 2016. Avec l’insécurité économique qui prévaut aux États-Unis et en Europe, miser fortement sur le développement minier est un pari risqué qui ne pourra qu’accroître l’instabilité sur l’état des finances publiques.

Fonds des générations : poursuite d’une mauvaise stratégie

Alors que la situation des marchés financiers et des fonds spéculatifs reste incertaine, le ministre Marceau s’entête à vouloir investir les nouveaux revenus provenant des redevances et de la taxation régressive dans le Fonds des générations. Ainsi, dès 2014, les revenus découlant de l’indexation des prix de l’électricité patrimoniale et les montants perçus sur la hausse des taxes sur les produits alcoolisés seront transférés dans ce fonds. À partir de 2015, l’entièreté des redevances minières sera aussi investie dans le Fonds des générations et, à partir de 2017, 215 M$ de dollars provenant des économies de la fermeture de Gentilly 2 y seront versés annuellement.

La hausse de la taxation provenant de l’indexation des prix de l’électricité et l’exploitation des ressources naturelles sont mises au service de l’économie financière plutôt que dans l’amélioration des structures sociales et économiques québécoises. Rappelons que contrairement aux autres catégories de revenus fiscaux, les redevances servent à compenser les Québécois et les Québécoises pour l’épuisement des ressources non renouvelables et leur exploitation par des intérêts privés. Or, l’utilisation des redevances pour éponger une dette publique à travers un fonds capitalisé ne permet pas d’assurer un développement économique dans les régions minières qui seront affectées par la baisse des prix des métaux, mais aussi par l’épuisement des ressources. L’utilisation des redevances et autre taxation serait bien plus utile dans une perspective intergénérationnelle à travers la diversification de l’économie régionale que dans un fonds spéculatif.

Philippe Hurteau

Chercheur à l’IRIS

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