Édition du 17 décembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Europe

Encore combien de drames de l'immigration clandestine ?

Combien de drames encore de l’immigration avant un changement de politique ? 400 migrants auraient disparu dimanche dans le naufrage de leur embarcation, au large des côtes italiennes.

(France Culture)

Il y a quelques temps, le portail de gauche espagnol EL DIARIO écrivait : la Méditerranée est devenue le plus grand charnier de ce siècle. Un immense cimetière, renfermant des milliers de cadavres. Et lorsque la mer recrache quelques corps anonymes qui peinent, d’ailleurs, à monopoliser les bulletins d’information, les politiques revêtent le masque de l’affliction, sans que rien ou presque ne change pour autant dans la politique migratoire européenne.

On nous a parlé de tant de naufrages, de tant de disparitions et de noyades que tout cela nous semble presque normal, se désole à son tour son confrère de LA VANGUARDIA. C’est comme si, dit-il, à force d’avoir vu tant d’images de migrants serrés sur des embarcations de fortune, transis de froid, le regard figé par la peur, nous étions devenus insensibles à leurs souffrances.

Assis bien au chaud dans nos salons, nous avons même du mal à nous représenter le désespoir de ces migrants, renchérit THE INDEPENDENT. Et pourtant, devenir un réfugié est sans doute l’une des pires expériences qui soit, dit-il. Sans compter qu’assimilés à la masse, les réfugiés perdent leur statut d’individu capable de susciter la compassion, pour devenir, in fine, le symbole d’un problème que nous ne voulons pas traiter.

Alors cette fois-ci, en sera-t-il autrement ? Dans l’échelle de l’horreur, le drame qui s’est produit ce week-end au large des côtes italiennes se situerait au-dessus des 366 noyés de Lampedusa, qui constituait jusqu’à présent la plus grande tragédie de la Méditerranée en ce début de XXIe siècle. Dimanche, précise THE WALL STREET JOURNAL, quelques 400 migrants auraient en effet disparu dans le naufrage de leur embarcation. C’est du moins ce que laissent entendre les témoignages recueillis hier, parmi les 150 survivants débarqués sur la pointe sud de la péninsule. Selon ces témoignages, il y avait entre 500 et 550 personnes à bord du bateau qui s’est retourné, après être parti 24 heures plus tôt des côtes libyennes. Et parmi les victimes se trouveraient, notamment, de nombreux jeunes garçons probablement mineurs, selon l’organisation Save the children.

Entre dimanche et lundi, les garde-côtes italiens disent avoir porté secours à pas moins de 42 bateaux, chargés au total de plus de 6500 migrants. Un chiffre qui, si l’on remonte cette fois-ci à vendredi, atteindrait même les 8 000 migrants. D’où cet article du NEW YORK TIMES : avec l’arrivée du printemps et des conditions météorologiques plus clémentes, l’afflux de réfugiés atteint aujourd’hui des records. Après une année 2014 où plus de 3200 personnes sont mortes et plus de 130 000 ont été secourus, les chiffres suggèrent que les fonctionnaires européens sont susceptibles d’être confrontés à nouveau à une véritable crise humanitaire en Méditerranée. Les ONG estiment que près de 500 personnes ont déjà péri en mer cette année, contre 50 durant la même période l’an dernier.

Or avec la multiplication des troubles au Moyen-Orient, mais aussi la guerre et la pauvreté dans certains pays d’Afrique, cumulés à l’annulation de l’opération de secours "Mare Nostrum", laquelle a cédé la place à l’automne dernier à un dispositif de surveillance européen, "Triton", nettement moins ambitieux, l’inquiétude est grande à présent de voir les drames se multiplier.

Que faire ? Il n’y a pas de formule magique à cet immense défi. Mais l’on devrait au moins montrer un minimum de volonté politique pour réduire le flux de réfugiés, avance LA VANGUARDIA, par exemple, en donnant la possibilité aux demandeurs d’asile d’en faire la demande dans leur pays d’origine. En clair, les Européens devraient coordonner une stratégie commune, pour mettre fin au drame qui endeuille quotidiennement les portes du Vieux Continent.

Son confrère d’EL PAIS ne dit pas autre chose : l’ensemble de l’Europe doit se rendre à l’évidence. Elle est aujourd’hui prise comme dans un étau entre d’un côté les droits de l’homme et de l’autre les sentiments anti-immigration croissants au sein de la population, attisés par des partis extrémistes qui intimident les politiques modérés. Voilà pourquoi il ne faut pas abandonner les différents gouvernements à ce dossier. Le problème relève, dit-il, de la responsabilité de l’ensemble de l’Union Européenne, laquelle doit trouver une position commune, afin de surmonter l’opposition entre ceux qui veulent initier de grandes opérations de sauvetage et ceux qui les refusent pour ne pas attirer encore plus de migrants.

Sans quoi, les bandes de passeurs organisées en réseaux internationaux et hautement professionnalisés sauront très bien en tirer profit, prévient le site de la radio publique allemande DEUTSCH LAND FUNK. Ils sont un maillon de cette industrie de l’isolement, un maillon d’un système sur lequel l’Europe n’hésite pas à fermer les yeux. On considère que le fait que des personnes meurent en Méditerranée est devenu une partie normale de la réalité, qu’on regrette, mais qu’on ne peut pas changer. Et c’est cela le véritable scandale, renchérit DIE TAGESZEITUNG.

Et son confrère de la radio publique allemande, à nouveau, de poser cette question : le droit d’asile est-il un droit humain ? Les personnes qui fuient les guerres en Syrie, en Irak et en Afrique pour échapper à la mort doivent-elles pouvoir trouver un havre de sécurité ? Si c’est le cas, alors il faut mettre en place des voies qui mènent à l’Europe, sans que les migrants ne mettent leur vie en péril à la frontière.

Par Thomas CLUZEL

Sur le même thème : Europe

Sections

redaction @ pressegauche.org

Québec (Québec) Canada

Presse-toi à gauche ! propose à tous ceux et celles qui aspirent à voir grandir l’influence de la gauche au Québec un espace régulier d’échange et de débat, d’interprétation et de lecture de l’actualité de gauche au Québec...