Pour télécharger le mémoire complet et Pour télécharger le résumé du mémoire - incluant les recommandations (6 pages)
Cet événement est très important pour la société québécoise, mais il revêt un caractère historique pour les personnes qui, comme moi, ont investi énormément d’énergies militantes pour que ce moment advienne. Étant à la mesure des espoirs nourris durant de nombreuses années, il n’est pas surprenant que les attentes soient élevées, ce qui ne signifie pas qu’elles soient démesurées.
Suffisamment de travaux et de consultations ont eu lieu pour prouver la nécessité de changer de système électoral québécois. Comparativement à l’avant-projet de loi déposé en 2004, le Projet de loi 39 (PL39) contient plusieurs avancées, mais il ne peut encore être qualifié de satisfaisant, ce pour quoi les travaux de la Commission des institutions sont si importants.
Le mémoire soumis évalue les mérites du PL39, incluant les amendements gouvernementaux déposés le 5 décembre 2019, mais il rappelle également les raisons de mettre en place un système électoral corrigeant véritablement les injustices que le mode de scrutin actuel nous fait subir.
La société québécoise mérite mieux qu’une demi-réforme, mieux qu’un système qui ne serait modifié qu’en surface. C’est pourquoi mes recommandations ne se limitent pas à réclamer une « meilleure représentation » et une diminution des injustices, mais présentent les manières d’obtenir un résultat réellement proportionnel, dans un système électoral vraiment équitable pour toute la population.
Cette recherche d’équité teinte l’ensemble des données et des recommandations du mémoire, tant à l’égard des éléments techniques du mode de scrutin, afin que tous les votes comptent, qu’aux mesures structurelles, pour que toutes les personnes comptent.
Il expose plusieurs données et analyses provenant de mon livre « Des élections à réinventer », tant sur la situation d’ici qu’ailleurs dans le monde. Il contient aussi des données issues de travaux des derniers mois.
Bien qu’il souligne les qualités du PL39 à protéger, telles que le choix du modèle proportionnel mixte compensatoire, la combinaison de sièges de circonscription et de sièges régionaux de compensation, de même que l’usage de deux bulletins de votes et de listes fermés, ce mémoire propose des correctifs sur de nombreux aspects.
J’ai toujours estimé qu’il fallait faire le travail correctement dès le départ. Ce serait un mauvais calcul que de ne pas amener le PL39 le plus loin possible et c’est à cela que je m’emploierai par ce mémoire, afin que l’année 2020 soit celle où le Québec se dote d’un système électoral à la hauteur et qu’il soit en usage aux élections générales de 2022.
Les membres de la Commission des institutions ont l’occasion de poser un geste qui modifiera profondément la manière vivre la démocratie au Québec.
Le Projet de loi 39 contient les éléments de bases nécessaires, mais il demande des corrections importantes pour produire les résultats voulus, notamment ceux inscrits dans son préambule, sous forme de « considérants ». Ces corrections visent particulièrement à améliorer les mécanismes visant à atteindre une Assemblée nationale conforme aux votes exprimés lors des élections générales. Elles visent également à rendre cette assemblée cohérente avec la composition et les valeurs de la société québécoise. Les recommandations de ce mémoire agissent sur ces objectifs globaux.
Plusieurs des éléments techniques choisis par le gouvernement nuisent à la proportionnalité du résultat, particulièrement en regard de l’équité du vote et du respect du pluralisme politique. Les principales raisons de cette limitation proviennent de l’usage des régions administratives, sans les adapter au contexte électoral.
Le mémoire propose donc des balises pour diminuer le nombre de régions électorales et y répartir les sièges régionaux de compensation de manière équilibrée et équitable pour la population, tout en assurant une distribution régionale des sièges et le maintien du nombre actuel de sièges.
L’utilisation des 17 régions administratives, pour établir la compensation, ainsi que la répartition des sièges régionaux, réduisent non seulement le respect du vote de leurs populations, mais également leur accès à une représentation diversifiée. En effet, l’utilisation d’un grand nombre de régions électorales a pour effet de produire des listes de candidatures trop courtes pour y appliquer l’alternance entre les candidates et les candidats et pour que des personnes racisées ou nées à l’étranger aient des chances de remporter un siège. Or, il est possible de constituer des régions électorales équitables en joignant des régions administratives contiguës, sans remettre en question l’attachement de la population envers celles-ci.
Les éléments techniques, comme le seuil et la méthode utilisée pour transposer le résultat électoral en sièges, doivent également être remplacés pour ne pas entraver le respect du pluralisme politique. À cet égard, mes recommandations visent non seulement à respecter globalement les votes de la population québécoise, mais aussi d’empêcher que la proportionnalité varie selon le lieu de résidence. Il serait totalement inacceptable que le nouveau mode de scrutin défavorise les populations des régions peu populeuses en ne leur donnant pas accès aux mêmes avantages qu’à celles des grands centres urbains.
Le Projet de loi 39 rate de plus des occasions importantes d’agir fermement pour que toutes les personnes comptent, en ne contenant aucune règle obligeant les partis à atteindre une représentation paritaire des femmes et des hommes, ni une représentation équitable des personnes racisées ou nées à l’étranger. Par ce mémoire je propose plusieurs actions à prendre en insérant des mécanismes structurels dans la Loi électorale. Les partis politiques doivent faire davantage que de se donner un objectif de candidates à recruter. Ainsi, aux listes fermées proposées par le Projet de loi 39, il est nécessaire d’inclure une règle d’alternance entre les candidates et les candidats, de même que des objectifs quant au positionnement des candidatures de personnes racisées ou nées à l’étranger, en lien avec la démographie de chacune des régions.
Il est également capital de lier le financement public aux valeurs de la société en le rendant cohérent avec les résultats quant à la diversité des personnes élues et de tenir compte des différences dans les conditions socio-économiques des femmes et des personnes racisées ou nées à l’étranger. Ces différences font en sorte que la décision de se lancer en politique se prend dans un contexte bien différent de celui d’hommes blancs disposant de réseaux de soutien appropriés. Il ne s’agit ici que de demander au gouvernement d’appliquer une analyse différenciée selon les genres selon une analyse intersectionnelle.
Quant au recours à un référendum, il ne se justifie pas, d’autant plus que les règles référendaires proposées par le gouvernement favorisent encore plus le statu quo. La manière de les inclure au Projet de loi 39 pose aussi plusieurs problèmes, puisqu’il s’agit ni plus ni moins que de remplacer la Loi sur la consultation populaire sans le débat qu’elle mérite. Les précédents que les changements proposés pourraient entraîner sont importants à considérer.
Le Québec a déjà trop attendu pour bénéficier d’un système électoral juste. Tout doit être mis en place pour que le nouveau mode de scrutin soit en vigueur lors des élections de 2022. En proposant des correctifs aux déficiences du Projet de loi 39, je souhaite aider la Commission des institutions, afin que ses membres saisissent l’occasion historique qui se présente. Ce n’est pas tous les jours qu’une société refonde son système électoral. L’exercice doit mener à des changements en profondeur, pour que tous les votes comptent et que toutes les personnes comptent.
Mercédez Roberge
Un message, un commentaire ?