Édition du 29 octobre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

A propos du nouveau chef de l’église catholique

L’élection de Jorge Mario Bergoglio comme nouveau pape n’est pas une bonne nouvelle pour les progressistes du monde chrétien ni pour la révolution citoyenne en Amérique du sud.

Silencieux sous la dictature militaire puis à l’heure des jugements des militaires criminels, opposant connu aux gouvernements argentins de Nestor puis de Christina Kirschner, tendre pour l’Opus Dei, hostile aux prêtres progressistes, le nouveau chef de l’église catholique devra prouver qu’il n’a pas été élu pour déstabiliser les régimes progressistes de l’Amérique latine ni pour poursuivre les persécutions contre la théologie de la libération.

Compte tenu de l’affichage favorable aux pauvres, il faut espérer qu’il soit plutôt enclin à aider ceux qui en sont actuellement les porte-paroles en politique et dans le christianisme sud américain.

L’église populaire où l’église amie des dictateurs militaires

Ce que j’écris ici n’implique pas mon point de vue sur la foi catholique dans laquelle sont engagés une partie des miens et un nombre certain de mes camarades. Mon propos vise une personne et un système. Il vise un homme qui s’est impliqué dans son époque traversée de crimes terrifiants : ceux de la dictature militaire argentine des généraux Viola, Videla et ainsi de suite. Cette dictature a tué trente mille personnes. Ce fut la plus violente, la plus méthodique et criminelle d’Amérique du sud. Bergoglio, le nouveau pontife romain a été directement contemporain et partie prenante de cette période. Nous avons donc le droit et le devoir d’examiner son parcours. Et de mettre en garde.

L’église catholique est incontournable dans la réalité politique et culturelle de l’Amérique du sud. Elle intervient fortement dans le débat et dans la sphère publique. Je n’ai jamais caché l’importance pour le camp progressiste de l’impact de la théologie de la libération. L’église de base de l’Amérique du sud est une église travaillée par la théologie de la libération et « l’option préférentielle pour les pauvres » à laquelle se sont abreuvés la totalité des dirigeants progressistes latinos actuels. Or cette théologie a été condamnée au silence et persécutée par Rome et spécialement l’ex pape Ratzinger. L’élection de ce Bergoglio est un signal de contre-offensive signalé notamment par sa proclamation concernant les pauvres, enjeux du rapport de force politique en Amérique latine. Dans ce domaine l’église a un rôle incontournable. Et les catholiques très nombreux dans nos rangs sur place sont nécessairement impactés. Notre crainte est que le pontife abuse de sa position spirituelle pour diviser nos rangs.

Ce Bergoglio peut être jugé politiquement parce qu’il s’est impliqué dans l’action politique de son pays. Il est, non seulement, exactement à l’opposé de la théologie de la libération mais il en a combattu les prêtres. Mes amis argentins l’accusent d’avoir dénoncé des prêtres progressistes sous la dictature. Il a été formellement reconnu et accusé par deux d’entre ces prêtres en 2012 dans un procès. Ces deux prêtres avaient été dénoncés, arrêtés et torturés et n’avaient échappé à la mort que par chance.

Comme président de l’épiscopat argentin, il fut considéré comme un protecteur des prêtres et hiérarques catholiques liés à la dictature. Comme dans le cas du curé Von Wernick, condamné à perpétuité comme criminel pour avoir assisté et participé aux tortures, qui est pourtant autorisé à dire la messe à la prison de Marcos Paz où il est détenu. En tous cas, si les engagements avec l’extrême droite militaire argentine du pape Bergoglio ont été visibles, son silence l’a été aussi. Ainsi quand l’aumônier des armées argentines avait traité de « folle » la ministre de la santé partisane du droit à l’avortement en recommandant de « la jeter à la mer avec un rail au pied », l’aumônier fut destitué sur le champ par le gouvernement. Bergoglio resta coi.

Politiquement il se comporte depuis comme un opposant aux gouvernements des Kirchner. Frontal face a Nestor, sinueux face à Cristina. Il s’est publiquement et durement opposé à toutes les lois sociales du gouvernement, comme aux lois dites de « droits humains ». Comme celle qui concerne « le mariage pour tous » voté par l’assemblée nationale argentine. De tous les points de vue, l’élection de ce pape est une très mauvaise nouvelle politique pour le processus progressiste en Amérique du sud. Et d’un certain point de vue c’est une offense aux combattants contre les dictatures. Et d’un point de vue spirituel ? Ce n’est pas mon affaire dans la sphère publique.

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