On a raison de se révolter
Chronique des années 70
Pierre Beaudet, Écosociété, Montréal, 2008, 248 pages.
Pierre Beaudet nous raconte de façon intelligente l’histoire d’un militant communautaire confronté à la montée du mouvement Marxiste-léniniste doctrinaire. Son refus d’adopter la méthode de la ligne juste ou de la pensée unique le conduira à l’exclusion et à des déchirements personnels profonds avec son entourage. Déterminé, il continuera son implication militante débouchant sur des perspectives altermondialistes. Comme il l’indique : « Les grandes mobilisations actuelles, impulsées par les « nouveaux » mouvements altermondialistes, écologistes, féministes, indigénistes, comme celles mises en œuvre par d’ « anciens » mouvements (syndicalistes, étudiants, communautaires), sortent d’une assez longue période de léthargie et se relancent à l’offensive. »
Il passe sous silence cependant une partie important de l’extrême-gauche qu’est le mouvement trotskyste. Probablement parce que son récit n’est pas un livre d’histoire mais relate son vécu. Néanmoins, cette omission conduit le lecteur à conclure que l’extrême gauche se limitait à l’expérience marxiste-léniniste ce qui nuit malheureusement au portrait historique de l’auteur. Outre les questions de démocratie politique et organisationnelle, le mouvement trotskyste reconnaissait le droit de tendance dans les débats contrairement au principe de la ligne juste, il croyait également que la construction d’un parti ouvrier se ferait en conjonction avec les mouvements sociaux et non pas en les éliminant dans le but de construire le parti.
Cette conception dogmatique du mouvement ml les a conduits à s’opposer à toute idée de souveraineté ou d’indépendance du Québec, argumentant que cela divisait la classe ouvrière. Cette conception s’est appliquée d’ailleurs à tous les mouvements sociaux dont le mouvement féministe qui était accusé de diviser les forces ouvrières. Tout en ayant une conception internationaliste, le mouvement trotskyste quant à lui militait en faveur de l’indépendance du Québec.
Pierre Beaudet pose la question : « Que reste-t-il de pertinent dans tout cela » ? L’idée de « reconstruire le monde » est-elle encore valide ?
Si on veut répondre à cette question sans faire l’erreur de jeter le bébé avec l’eau du bain, si on ne veut pas donner raison à ceux qui prétendent que la gauche est une erreur de jeunesse et un mythe, on doit tirer les leçons de ce qu’a représenté pour le mouvement ml l’héritage du stalinisme au niveau international, et indiquer quelles autres alternatives politiques de gauche ont été développées, incluant le courant trotskyste.
L’idée de reconstruire un nouveau monde est-elle encore valide ? Pierre Beaudet nous dit que oui, à cette question je joins ma voix à la sienne et je dis oui, plus que jamais. À lumière des horreurs vécues par le peuple Palestinien et Afghan, de l’écrasement des mouvements de libération au Nicaragua et au Chili, j’ajouterais la célèbre phrase de Rosa Luxembourg : « Socialisme ou Barbarie ».
André Frappier