À partir de chiffres, souvent inédits, du recensement mené en 2016 par Statistique Canada, le FRAPRU révèle que malgré la relance économique, il y a persistance de problèmes graves de mal-logement dans la métropole. Son septième Dossier noir sur le logement et la pauvreté confirme que la population montréalaise compte un grand nombre de ménages pauvres. Alors qu’un sur trois est locataire à l’échelle du Québec, la proportion s’inverse à Montréal. « Sur l’ensemble des 195 635 ménages locataires québécois consacrant plus de la moitié de leur revenu pour se loger, 44,5% sont montréalais ; c’est pas insignifiant », déclare Véronique Laflamme, porte parole du FRAPRU, précisant que le revenu médian de ceux-ci est de seulement 11 827 $ par année. Selon elle, « la situation est particulièrement alarmante pour les 41 950 ménages locataires qui sont à haut risque de se retrouver sans logis, puisqu’ils doivent engouffrer plus de 80% de leur revenu pour se loger ».
Les plus durement touchés
« Même si leur revenu a augmenté au fil des dernières décennies, les femmes restent plus pauvres que les hommes », explique Céline Magontier, responsable des dossiers montréalais au FRAPRU. L’écart de revenu annuel médian entre les femmes et les hommes locataires de Montréal est de 4810$. Ces dernières sont donc toujours plus à risque de vivre des problèmes de logement.
Les ménages montréalais dont le principal soutien financier est, soit jeune, soit âgé, sont en proportion plus nombreux à payer plus de 30, 50 ou 80 % de leur revenu pour leur logement. Dans le cas du groupe des 15 à 24 ans, non seulement leur revenu est-il inférieur à celui des autres locataires, mais il pait des loyers plus élevés. Les locataires de 75 ans et plus ont un revenu médian de 26 686$ par an et près de la moitié d’entre eux consacrent plus de 30% de leur revenu pour se loger.
Les personnes seules, qui représentent près de 50 % des ménages locataires montréalais, vivent aussi des problèmes de logement dans une plus grande proportion que les autres types de ménages. Plus du quart d’entre elles (26 %) consacrent 50 % et plus de leur revenu pour le logement, au détriment de leurs autres besoins essentiels. Le revenu médian de ces ménages est de 24 790 $, soit 14 000$ de moins que celui de l’ensemble des ménages locataires de la municipalité.
Selon les dernières données de la Société canadienne d’hypothèques et de logement, il persiste une pénurie de logements de 3 chambres à coucher et plus. Les données du recensement indiquent par ailleurs que plus d’un ménage sur dix (11,1%) vit dans un logement de taille insuffisante. Ce manque de grands logements a principalement des répercussions sur les familles locataires à faible revenu. « C’est très préoccupant lorsque l’on sait les effets que peut impliquer le surpeuplement sur le bon développement des enfants. », explique Céline Magontier, laquelle s’inquiète d’autant plus que la Ville vise l’accession à la propriété privée pour résoudre leurs problèmes de logement. « Si elle ne choisit que cette voie, la mairesse Plante va laisser tomber pas moins de 57 905 familles monoparentales — qui sont le plus souvent sous la responsabilité d’une femme — et qui n’ont tout simplement pas les moyens d’acheter un logement familial sur l’île », ajoute-t-elle.
Un parc de logement qui vieillit mal
Le FRAPRU est également alarmé par le vieillissement du parc de logements locatifs montréalais, dont plus de 60% a été construit avant 1970, ainsi que par la stratégie adoptée par la Ville pour contrer l’insalubrité. En 2016, près d’un ménage locataire sur dix déclarait habiter un logement nécessitant des réparations majeures. « Il est clair que les besoins de rénovation vont croitre au cours des prochaines années », mentionne Céline Magontier, « mais une application rigoureuse du code du logement qui se traduit par des évictions de ménages vulnérables, comme celles qu’on a vu ces dernières semaines, ne peut être la solution. »
Les responsabilités gouvernementales
À la lumière de ces données, le FRAPRU interpelle non seulement la Ville, mais également les deux paliers de gouvernement, afin qu’ils assument pleinement leurs responsabilités. « Le gouvernement Legault ne doit pas se limiter à livrer les logements sociaux déjà annoncés par ses prédécesseurs. Il doit relancer rapidement le programme AccèsLogis, le bonifier et confirmer à Montréal qu’elle en aura sa juste part », revendique Véronique Laflamme, estimant que « ça prend un minimum de 50 000 logements sociaux en 5 ans, dont 22 230 à Montréal, pour répondre aux besoins les plus urgents ». Le regroupement demande aussi au gouvernement Trudeau d’accélérer les investissements promis dans sa Stratégie sur le logement.
Pour sa part, l’administration Plante, doit non seulement obtenir de Québec et d’Ottawa davantage de fonds pour le logement social, mais elle doit elle-même concentrer ses propres investissements en habitation dans le domaine du logement social. « Pour faire reculer le mal-logement à Montréal, il faut faire progresser la proportion de logements hors marché, mis à l’abri de la spéculation », insiste Céline Magontier, ajoutant que s’il faut livrer rapidement les premières 6000 unités de logement social promises, il ne faudra pas s’arrêter là.
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