“Les risques sont toutefois immenses et me semblent l’emporter de loin sur les gains espérés” ?
Quelles sont, nous dit Stathis Kouvélakis, les “trois façons de résumer” ce qu’il vient ainsi d’exprimer ?
Première réflexion ?
La question de la dette est esquivée – alors que le PS répète qu’il veut rester dans le cadre des engagements européens.
C’est vrai. Et ce sera un enjeu majeur. Mais :
a) le ratio de la dette du Portugal au PIB est plus faible que l’Italie, proche de la Belgique et n’implique pas une soumission actuelle au mécanisme européen de stabilité (MES) : il y a plus de marges que pour la Grèce ; et il faut voir de plus près quels sont les accords et moyens de financements préconisés pour les mettre en œuvre : Stathis semble affirmer un “bilan coûts/bénéfices”, sans évaluation concrète des gains pour la population et des marges de manœuvre...
b) pourquoi ne pas proposer à toute la gauche européenne et portugaise de remettre sur le tapis la question soulevée par Tsipras, d’une conférence européenne sur la dette, pour déserrer ce faisant l’étau des relations bilatérales avec l’eurogroupe : c’est un “verrou” majeur ds politiques dominantes et un sujet qui impose des “règles” acceptables et cophérente pour une Union, donc le respect de principes. Discutons en démocratiquement, et sur des bases pluralistes : bref recherchons une politisation européenne des enjeux de la dette permettant un contestation démocratique de la légitimité des pressions de l’eurogroupe, la mise en évidence des mécanismes et critères d’efficacité fiscale et budgétaires, et ce que sont les intérêts populaires communs européens face aux “arguments” dominants sur la dette publique ;
c) cela pourrait aussi être préparé par une procédure d’audit entamée au Portugal indépendamment des accords gouvernementaux – lancée par des assos de la société civile.
Ultime remarque sur ce même sujet : ni la direction de Syriza, ni sa gauche (pour des raisons opposées et qui n’épuisent pas le débat) n’a soutenu le travail du Comité pour la vérité sur la dette grecque, ni donc véritablement mené campagne autour de ces enjeux. Une campagne européenne n’intéresse pas ceux et celles qui estiment qu’il n’y a pas d’enjeu stratégique et internationaliste spécifiquement européen.
Ce qui est en fait lié au second point :
Deuxième “réflexion” ? “l’expérience grecque a également démontré qu’entre une confrontation à grande échelle et la capitulation il n’y a pas de voie intermédiaire.”.
Cela a été “démontré” ? Et c’est donc général ? Autrement dit il faut une campagne européenne d’exit généralisé de l’UEM et de l’UE ? Il n’y a pas de place pour des luttes pour des droits, contre/dans l’UE et l’UEM...
Et cela aurait été “démontré” par le seul cas Grec ? Donc, il n’y avait pas d’autres politiques possibles que celle de Tsipras – ou l’exit, malgré tous les débats sur ce sujet ?
Par ailleurs, il n’y aurait pas davantage de marges de luttes pour des pays en meilleure situation relative que la Grèce ? L’expérience grecque était-elle la seule et dernière – ou la première tentative de mener une lutte nationale contre l’austérité, au nom des intérêts des peuples dans toute l’Union, notamment ?
Troisième réflexion : la difficulté des “lignes rouges” – et la logique « oseriez-vous renverser le gouvernement de gauche” ? - en Grèce, ou au Portugal ?
C’est une question essentielle. Mais en quoi l’exemple de Syriza aurait, là aussi, épuisé le sujet et “démontré” l’absence de critères et garde fou possibles ?
Dans la contribution “Après l’échec de Syriza, rejetons tous les “TINA” - et pesons là où se prennent les décisions stratégiques” (que je mets en suite de ces remarques) rédigée pour le prochain n° de la Revue Les Possibles du Conseil Scientifique d’Attac, je reviens notamment sur cet argument – à mon sens essentiel à toute lutte politique en dehors d’une situation clairement révolutionnaire : quels sont les compromis acceptables ? Qui en juge ? Sur quels critères ?
Toutes les trahisons se sont faites (sincèrement ou pas) au non du “moindre mal”. On ne peut affronter ces dilemmes difficiles par des recettes hors de l’examen concret de ce qu’apportent les compromis proposés, dans leur contexte et dynamique : est-ce qu’ils améliorent la situation concrète de la population et donnent – ou pas – confiance en une politique alternative ? La procédure pour en juger est plus importante pour transformer un échec en appui pour l’avenir, que le choix lui-même. Espérons que là sera la leçon fondamentale tirée par les camarades portugais pour décider … de chaque étape.
Cela même implique qu’un jugement émis de l’extérieur – sans être sans intérêt – est pour le moins à relativiser.
Le 3è Mémorandum accepté par Tsipras poursuit la politique d’austérité et brise un terrible espoir de résistance à l’austérité. C’est la situation inverse qui est ouverte par les 70 points de l’accord négocié au Portugal : il s’agit d’engagements sur des ruptures concrètes avec les politiques mises en œuvre au Portugal, ouvrant de nouveaux possibles. Ils seront semés d’embûches, face à des confrontations et choix difficiles qui se présenteront vite. Rien de sûr n’est garanti. Mais chaque bataille peut/doit ébranler la légitimité de l’eurogroupe et du fonctionnement de l’UEM si elle est menée en défense de droits humains, sociaux, politiques fondamentaux : l’axe est celui-là, auquel toutes les monnaies et financements doivent être subordonnés.
Merci aux camarades portugais, d’élargir de nouveaux possibles, dont nous devons encore apprendre.