Édition du 17 décembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Une autre politique énergétique au profit des amis du parti ?

La nouvelle politique énergétique du Québec, véritable pierre angulaire de la lutte aux changements climatiques, a été dévoilée jeudi en grande pompe par le premier ministre et le ministre des Ressources naturelles, Pierre Arcand.

Le ministre du Développement durable, David Heurtel, s’y est pointé en catastrophe après que son absence ait défrayé les manchettes. En 2016, il aurait été peu crédible de parler d’énergie en l’absence du responsable de... la lutte aux changements climatiques.

Après des mois de tergiversations et après avoir expédié le processus de consultations publiques, pourtant incontournable pour donner de la légitimité à cet exercice, le gouvernement libéral a tracé les grandes lignes de l’avenir énergétique du Québec.

De cette opération de relations publiques bien rodée, les journalistes auront retenu l’objectif de cette politique : réduire notre consommation de pétrole de 40% d’ici 2030. Au lendemain de la Conférence de Paris, affirmer vouloir réduire notre dépendance au pétrole n’est pas une cible anodine. Tout est dans les moyens et dans le rythme.

Le gouvernement Couillard a toutefois mis deux années pour accoucher de cibles énergétiques sans encore avoir présenté de plans d’action. Deux précieuses années sous le signe de l’austérité qui auront été gaspillées. La date butoir de 2030 arrivera très rapidement au rythme actuel. La pression doit se maintenir sur un gouvernement qui semble peu pressé de se mettre en marche et surtout très perméable aux pressions des milieux économiques.

De belles promesses, des occasions ratées et des moyens insuffisants

La politique énergétique offre bien sûr quelques belles promesses, mais de grandes lacunes sautent aux yeux. Le premier ministre aura beau présenter cette politique comme un moment historique, le grand rendez-vous raté est son parti pris pour la production de pétrole et de gaz naturel en sol québécois. L’occasion était pourtant belle de fermer dès maintenant la porte à cette grande contradiction pour une terre d’énergie renouvelable.

Autre insuffisance : les cibles manquent encore cruellement des moyens nécessaires pour traduire les intentions en gestes concrets. La politique prévoit 4 milliards sur un horizon de 15 ans pour effectuer une transition énergétique. Le montant peut sembler impressionnant, mais ces 265 millions $ par année sont des sommes déjà prévues au Fonds vert. Si on garde en tête que le Québec versera plus de 3 milliards par année au Fonds des générations, il est évident que l’austérité budgétaire l’emporte sur les ambitions énergétiques et climatiques.

L’autre ombre au tableau est le virage majeur vers le gaz naturel liquéfié qui est présenté comme une pièce majeure dans la transition énergétique. Même si certains usages peuvent aider à réduire nos émissions en sol québécois, ce choix très discutable risque d’annuler la contribution du Québec à la lutte aux changements climatiques. Ne perdons pas de vue que le gaz « naturel » importé est essentiellement du gaz de schiste qui émet énormément de GES sans qu’ils soient calculés dans le bilan québécois.

Une analyse préliminaire de cette politique énergétique ne saurait être complète si on ne comprend pas les causes des échecs de la politique précédente (2006-2015). Depuis plus de 20 ans, il est évident que le Québec doit sortir de sa dépendance aux hydrocarbures, faire le choix de l’efficacité énergétique, miser sur les énergies renouvelables et faire le ménage de sa politique de transport au bilan catastrophique.

Pourquoi de telles évidences tardent-elles autant à se réaliser ? Pourquoi le gouvernement nous offre-t-il une autre politique fade, convenue et sans grande innovation qui est saluée par le patronat ? Pour y répondre, il est incontournable d’apprendre des erreurs passées et surtout poser la question la plus élémentaire en politique : « À qui ça profite ? »

Le Québec traverse actuellement une crise institutionnelle majeure qui nous rappelle tristement l’accumulation de scandales du gouvernement Charest. Les arrestations de l’UPAC frappent le cœur du Parti libéral et les révélations entourant le trafic d’influence de Sam Hamad rappellent à quel point la lutte contre la corruption et la collusion ne fait que commencer et est loin d’être complétée au Québec.

Osons croire que les enquêtes nous en apprendront davantage, mais quand on se rappelle que Nathalie Normandeau et Sam Hamad ont tous deux été ministres des Ressources naturelles et les grands responsables des politiques énergétiques, ça jette un éclairage troublant sur le surplace du Québec en la matière.

La Commission Charbonneau a permis de démontrer la voracité de firmes de génie et d’entreprises de construction qui sont prêtes à tout pour mettre la main sur le pactole des contrats publics. Le prochain scandale à éclater sera celui du lobbying, des portes tournantes qui font que d’anciens ministres passent si facilement à la solde du secteur privé.

L’avenir dira si le gouvernement Couillard saura garder le cap ou si, au contraire, il poursuivra la voie tracée par le Parti libéral de Jean Charest. Un bref retour sur ces années d’incohérence est plus que jamais nécessaire pour éviter de rééditer les coûteuses erreurs de jugement des gouvernements précédents.

La politique énergétique de Jean Charest : l’incohérence au service des lobbys et firmes privées

La politique énergétique du gouvernement Charest fut une comédie d’erreurs qui nous a coûté et nous coûtera très cher. Avec du recul, on comprend toutefois beaucoup mieux le schéma d’ensemble et surtout à qui il profite. Loin de servir l’intérêt public, le bilan énergétique de ce gouvernement révèle à quel point il fut complaisant envers le lobby des hydrocarbures et a permis d’enrichir les firmes de génie-conseil et les entreprises de la construction pointées du doigt par la Commission Charbonneau.

Voici une liste partielle des pires coups du gouvernement Charest :

Le scandale des surplus d’électricité : Le Québec nagera dans des surplus d’électricité qui dureront encore une quinzaine d’années. Depuis 1996, où fut publié le rapport Pour un Québec efficace, les voix se multiplient pour presser le gouvernement à cesser les constructions, pour investir massivement dans l’économie d’énergie. Malgré les avertissements, le gouvernement Charest a pourtant appuyé de nombreux projets inutiles qui ont hypothéqué Hydro-Québec. Résultat : cette électricité est exportée à perte vers les marchés du nord-est des États-Unis. Pendant ce temps, les tarifs domestiques continuent d’exploser et les grandes entreprises font la file pour demander des rabais, trop souvent sans créer les emplois pourtant promis.

La destruction des dernières grandes rivières : La Fondation Rivières mène la bataille pour protéger les dernières grandes rivières intactes, ces joyaux environnementaux qui font partie de notre patrimoine. Sous la gouverne du duo Jean Charest et Thierry Vandal, la rivière Rupert est déviée en 2007 et plus tard c’est au tour de La Romaine d’être saccagée pour produire une énergie inutile. Ces deux erreurs nous coûteront cher collectivement, non sans avoir enrichi des entreprises de béton proches du pouvoir.

Les minicentrales inutiles : Le gouvernement Charest ne se contente pas de s’attaquer aux grandes rivières patrimoniales. Insatisfait des surplus d’électricité qui ne cessent de gonfler, le parti libéral en rajoute en lançant un programme de construction de minicentrales. La ministre des Ressources naturelles, Nathalie Normandeau, ira même jusqu’à confirmer que ces minicentrales sont inutiles et produiront à perte. L’arrivée au pouvoir du gouvernement Marois mettra fin à ce programme, sauf pour la centrale de Val Jalbert aujourd’hui en opération. Le gouvernement Couillard enclenchera la construction de six minicentrales.

Un développement éolien chaotique : Malgré la mobilisation de plusieurs communautés directement affectées par la construction de parcs éoliens en milieu habité, le gouvernement Charest va de l’avant. La destruction des paysages, l’impact sur la qualité de vie des populations et la santé publique sont de faibles arguments pour le gouvernement libéral qui a fait son lit.

La bataille des ports méthaniers : En 2016, le nord-est américain nage dans le gaz de schistes. Il y a à peine 10 ans, le gouvernement Charest voulait pourtant construire un terminal d’importation de gaz « naturel », sur la rive-sud de Québec. Le projet Rabaska, qui aurait été une menace majeure à la sécurité publique, ne verra jamais le jour.

Les fonds publics engloutis dans le nucléaire de Gentilly II : Depuis le début des années 2000, on assiste à une valse-hésitation sur l’avenir de la centrale nucléaire de Gentilly. D’étude en étude, les coûts estimés pour la réfection de cette centrale nucléaire en fin de vie ne cessent d’exploser. Même si la décision n’est pas encore prise à ce moment, près d’un milliard sera consacré à cette aventure ruineuse, dont la moitié pour l’acquisition d’équipements qui seront parfaitement inutiles.

Laisser opérer l’industrie du gaz de schiste : Dès 2009, les communautés de la vallée du St-Laurent apprennent à la dure les méthodes de cowboys de la nouvelle industrie des gaz de schistes. Les élus municipaux et les citoyens se mobilisent contre la fracturation hydraulique qui menace notamment l’eau potable et les terres agricoles. Non content de rester les bras croisés, le gouvernement libéral pousse l’injure jusqu’à offrir un congé de redevances de cinq ans à des compagnies proches du parti au pouvoir.

La centrale inutile de TransCanada à Bécancour : La bataille contre la centrale au gaz naturel du Suroît s’est soldée par une grande victoire citoyenne. Alors que Sam Hamad est ministre des Ressources naturelles, d’immenses mobilisations ont lieu contre ce projet qui aurait émis l’équivalent des émissions de gaz à effet de serre d’un million de voitures.

La centrale du Suroît ne se construira pas, mais celle de Bécancour le sera. Depuis 2008, cette centrale n’a pas produit un seul watt. Coût des pénalités versées à TransCanada, la même compagnie qui veut imposer son pipeline au Québec ? Au moins un milliard. Le ministre actuel, Pierre Arcand, vient de renouveler cette entente désastreuse... jusqu’en 2036.

Le passé sera-t-il garant du futur ? Il faudra rester grandement vigilants lors du dépôt des plans d’action et de toutes les différentes réformes annoncées dans la présente politique. On ne se laissera pas berner par des concepts aussi faux comme celui de pétrole social. La population peut compter sur nous pour veiller au grain.

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