Édition du 17 décembre 2024

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États-Unis

Obama ou Romney ? Sachez enfin lire les sondages américains !

Sur le plan national, Obama et Romney sont, dans les intentions de vote exprimées dans les sondages, dans un mouchoir de poche. Mais oubliez cette information : elle n’a pas de sens. La moyenne nationale des int
entions de vote n’a aucune utilité pour comprendre qui va gagner.

(tiré de Rue 89)

On peut très bien, aux Etats-Unis, obtenir plus de voix que son concurrent et perdre l’élection. Al Gore, « l’ex-futur président des Etats-Unis », en sait quelque chose... Son rival George W. Bush fut élu malgré un nombre de voix moindre, comme le furent John Quincy Adams en 1824 (surnommé « le vieil homme éloquent »), Rutherford Hayes en 1876 (« sa fraudulence »), et Benjamin Harrison en 1888 (« l’iceberg humain »).

Pour goûter le plaisir de la prédiction politique, il faut donc maîtriser les arcanes électoraux américains.

270 grands électeurs à conquérir

Pour la présidentielle, la règle du jeu est compliquée pour des raisons historiques, certes légitimes, mais néanmoins passablement casse-couilles : cela fait plus de deux siècles que l’on s’arrache les cheveux sur les « grands électeurs », le « collège électoral », les « swing states » et autres joyeusetés.

Tout cela vient des pères fondateurs, qui cherchaient à ménager le Nord et le Sud, les petits et les grands Etats. Mais quand même surtout les petits Etats.

Le principe, c’est que chaque Etat a droit à une pondération, qui ne reflète pas seulement la taille de sa population. Cette pondération ne se mesure pas par un coefficient, ou par des points, ce serait trop simple. Mais par un nombre de grands électeurs : ce sont des gens transparents, 540 hommes et femmes de paille, qui votent de façon disciplinée. Ce collège électoral ne se réunit pas vraiment : les grands électeurs, pour le folklore, se retrouvent dans la capitale de leur Etat, le premier lundi qui suit le deuxième mercredi de décembre, pour voter pour leur candidat.

Ces grands électeurs sont distribués par paquets inégaux à chaque Etat. L’Ohio a droit à 18 grands électeurs ; l’Iowa, 6, etc.

Celui qui accédera à la Maison Blanche doit gagner 270 grands électeurs (la moitié du collège).

« Winner takes all »

Dernière règle importante : dans chaque Etat, « the winner takes all », comme dans la chanson d’Abba : celui qui arrive en tête rafle tout.

S’il gagne dans l’Ohio, il rafle les 18 grands électeurs. La règle ne souffre que deux exceptions, dans le Maine et le Nebraska, deux Etats qui ont voulu faire leurs intéressants (une partie des grands électeurs y est choisie par les circonscriptions).

Dans ce système, certains Etats sont plus avantagés que d’autres. Exemples :
•avec 37,2 millions d’habitants, le plus grand Etat, la Californie, désigne 55 grands électeurs, soit un pour 676 000 habitants ;

•avec 530 000 habitants, le plus petit Etat, le Wyoming, a droit à 3 grands électeurs, soit un pour 176 000 personnes.

Dans le Wyoming, on aurait, au vu de ces chiffres, de quoi se sentir important. Pourtant, le Wyoming n’intéresse pas les candidats. Il ne pèse rien et il est indécrottablement républicain : que Romney gagne avec 60% ou 70% ne changera rien à l’affaire, les 3 grands électeurs lui reviendront de toute façon.

Le poids de chaque Etat dans le vote (capture d’écran New York Times)

Dix « swing states » à rafler

Si j’ai cité à deux reprises l’Ohio, c’est parce que c’est actuellement l’Etat le plus disputé entre démocrates et républicains. Les deux camps dépensent des fortunes pour convaincre chaque électeur : on va vers les 100 millions de dollars au total, rien que pour les spots de pub. Obama, dans les sondages y est un poil devant Romney.

Ci-dessous, la courbe des sondages dans cet Etat depuis janvier (rouge pour Romney, bleu pour Obama) : ne reflète-t-elle pas, par ses mouvements de plus en plus erratiques, la violence croissante de l’affrontement ?

Les sondages dans l’Ohio depuis janvier 2012 (Electoral-Vote.com)

L’essentiel de la bataille se déroule donc en Ohio et dans neuf autres « swing states », les Etats en balance :
 •Floride (29 grands électeurs),
-•Pennsylvanie (20),
-•Ohio (18),
-•Michigan (16),
-•Virginie (13),
-•Wisconsin (10),
-•Colorado (9),
-•Iowa (6),
-•Nevada (6),
-•New Hampshire (4).

Sans surprise, on retrouve ces dix Etats en bonne position sur la carte des déplacements des candidats, que le Washington Post met à jour depuis juin. A voir cette carte, chaque habitant de l’Iowa a dû serrer plusieurs fois la main du futur président américain.

Les déplacements des candidats depuis juin 2012 (Obama en bleu, Romney en rouge) (Washington Post)

A vous !

Vous connaissez les règles du jeu, à vous de faire votre propre petite cuisine sondagière.

1. Calculer le nombre de grands électeurs que vous considérez comme acquis pour Obama et pour Romney (si l’on retire les dix « swing states » précités, il y a 206 grands électeurs acquis pour Romney, et 201 pour Obama. Mais comme certains si vous comptez la Pensylvannie et le Michigan pour Obama, le rapport passe à 206-237).

2. Allez chercher une bouteille de whisky et, sur le Web, les sondages les plus récents dans CHAQUE « swing state ».

3. Munis de la liste des Etats et du nombre de leurs grands électeurs, noyez-vous dans vos calculs savants (et si c’est trop dur, dans le whisky).

ATTENDEZ, ne partez pas ! Ne vous découragez pas encore ! Il existe d’autres solutions, plus ludiques (et plus sobres). La presse, bonne mère, et quelques sites spécialisés, vous proposent en effet des outils formidables.

Exemples :

ce sondage réalisé parmi les électeurs des dix Etats « swing » (où l’on apprend que Romney reprendrait du poil de la bête) ;

•cette liste des sondages réalisés dans chaque Etat en balance ;

•Des courbes d’évolution des deux candidats, sur la formidable page « 538 » du New York Times que je vous invite à explorer.

•cette carte de la situation, tenue à jour, dessinée à partir des sondages ;

•ce jeu doté de 2 000 dollars où vous pariez sur les résultats ;

•cette carte bâtie sur les prédictions des participants au jeu cité précédemment (elle donne Obama gagnant) ;

•enfin et surtout, ces cartes interactives, comme celle que propose Real Clear Politics, qui vous permettent de tester différentes combinaisons et de faire vous-même vos prédictions. Vous pouvez de quelques clics colorer la carte en rouge (attention quand même, c’est là-bas la couleur des républicains) ou en bleu (démocrates) et le logiciel vous en déduira le nombre de grands électeurs pour chaque candidat et donc le vainqueur de l’élection.

La carte interactive de Real Clear Politics (Rear Clear Politics)

Je m’y suis mis depuis quelques heures. Vous verrez, c’est très simple. Je n’ai pas tout à fait fini. Zut, où ai-je mis la bouteille de whisky

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