Édition du 17 décembre 2024

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Les ayatollahs afghans ont fait pression pour l'adoption de la loi sur le viol intramarital.

Face aux critiques de la loi sur la famille chiite, disant qu’elle transgresse les droits des femmes et légalise le viol intra-marital, ses supporters déclarent qu’ils s’opposeront à ce qu’elle soit amendée de quelque façon que ce soit.

Patrick Cockburn, journaliste
Counterpunch, 4 mai 2009.
Traduction : Alexandra Cyr.

« Un seul changement à cette loi serait illégal et anti-démocratique » déclare un religieux chiite de Kaboul », M. Sayed Abdul Latif Sajadi, qui a joué un rôle prépondérant dans la rédaction de cette loi et son acheminement au parlement. « Tout changement ira à l’encontre de la volonté de quatre millions de personnes » poursuit-il. Il s’enorgueillit du fait que le clergé a réussi, jusqu’à maintenant à empêcher les fidèles de descendre dans la rue pour défendre leurs convictions dans ce domaine. « Si le gouvernement comprend ces sensibilités, il ne changera rien » ajoute-t-il.

La loi sur la famille chiite qui a été dénoncée autant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’Afghanistan, ne vise que les quatre millions de Chiites de ce pays. C’est la première fois que, dans ce pays à majorité sunnite, que les Chiites appartenant quasi exclusivement au groupe ethnique Azarra opprimé depuis bien longtemps, réussissent à faire reconnaître et définir légalement leurs droits.

« Ces Afghans, qui protestent contre cette loi, ne veulent que faire plaisir à l’Ouest », déclare M. Mohammed Suwar Jahadi, un député ayant été emprisonné par les Talibans et qui représente la province de Banyan (au centre du pays) cœur du pays Azarra. Il ajoute que cette loi a été discutée pendant deux ans et demi au parlement et qu’elle est passée de 750 articles à 249 sans protestations. Il souligne que c’est seulement après que le président Obama eût qualifié la loi d’aberrante que les protestations ont commencé et sont devenues un enjeu politique dans le pays M. Jahadi est plus ouvert aux amendements que le clergé chiite, mais il ne pense pas qu’il y ait tant de choses répréhensibles dans les articles adoptés. « Je ne n’accepte pas qu’on la qualifie de violation des droits humains » dit-il en soulignant que selon lui le contenu de cette loi a été mal rapporté et que la version finale est encore à venir.

M. Sayed Sajadi, un Azarra de Ghazi au sud ouest de Kaboul, dit qu’il a été surpris par les protestations en dehors de l’Afghanistan « C’était inattendu, parce qu’en ce moment, 99% des femmes ne sortent pas de la maison sans l’autorisation de leur mari ».

Les Talibans vont se réjouir de la présente levée de bouclier parce que, pensent-ils, le Royaume-Uni, les Etats-Unis et l’Otan vont avoir plus de mal à les présenter comme des démons et à les tenir seuls responsables de l’asservissement des femmes afghanes. Ils ont brûlé les écoles de filles, obligé le port de la burka et assassiné les défenseurs des droits des femmes. De leur côté les leaders de l’action du gouvernement n’en pensent pas moins et c’est avec hypocrisie qu’ils invoquent l’égalité entre les hommes et les femmes. Cette égalité est en contradiction avec les normes de cette société très conservatrice et religieuse.

Le président Karzaï a assuré le premier ministre britannique Gordon Brown que la loi serait révisée et amendée. Mais il aura fort à faire parce que la communauté Chiite tient à cette loi qui, toute oppressive qu’elle soit pour les femmes, reflète la situation courante. Beaucoup d’Afghans affirment que les rapports « hommes-femmes » dans leur pays ne sont pas du ressort des politiciens étrangers, à fortiori non musulmans, ni des commandants de l’Otan. Lors de la manifestation des femmes protestant contre cette loi, ses supporters ont scandé : « Mort aux ennemis de l’Islam. Nous voulons la loi islamique ».

Les contre manifestants ont commencé leur marche à la toute nouvelle mosquée Khatimal Nabiyen pour parcourir le trajet jusqu’au parlement. Cette mosquée est le siège de l’université chiite fondée récemment. Elle est dirigée par l’Ayatollah Asif Mohseni le religieux le plus puissant du pays qui a eu la plus forte influence sur l’adoption de la loi. Rapelons qu’elle stipule qu’un mari peut exiger, de son épouse, des rapports sexuels tous les quatre jours sauf si elle est malade ou si de tels rapports risquent de la rendre malade. Elle interdit aux femmes de sortir seules de la maison sauf en certaines circonstances codifiées par la loi et sans l’accord de leur mari.

L’Ayatollah Mohseni qui rejette tout changement à cette loi, soutient qu’elle n’implique pas la servitude de la femme et ne fait que créer l’obligation du partage du lit conjugal tous les quatre jours. Pourtant, une traduction met en lumière que tous les quatre jours, l’homme : « peut passer la nuit avec sa femme saut si cela peut être nocif aux deux partenaires ou si l’un ou l’autre souffre d’une maladie transmissible sexuellement. Il est fondamental que la femme se soumette aux désirs sexuels de l’homme ».

Patrick Cockburn est correspondant du journal britannique The Independant, spécialiste de l’Afghanistan. Il collabore régulièrement à Alternet.org et à Counterpunch.org.

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