Dans la dernière période, les adhésions de jeunes aux Verts ont explosé. Les Jeunes Verts (qui constituent aujourd’hui une organisation de jeunesse autonome) sont passés d’un millier en 2014 à 14.000 aujourd’hui. Cela s’est vérifié le 7 mars lors de la manifestation « C’est le moment d’agir » : de gros bataillons de jeunes ont participé à la manifestation derrière les banderoles et les drapeaux du Parti Vert d’Angleterre et du Pays de Galles.
En Ecosse, le Parti Vert Ecossais - qui est une organisation différente du Parti Vert d’Angleterre et du Pays de Galles - a connu une croissance de ses effectifs de 700% au cours des dernières années, pour atteindre 8500 membres. Si le Parti Vert d’Angleterre et du Pays de Galles avait proportionnellement à la population concernée le même nombre de membres, il en compterait aujourd’hui environ 90.000. Cette situation reflète le rôle important, en première ligne, joué par le Parti Vert Ecossais dans la campagne pour le « Oui » au référendum, un facteur qui a également accru leur audience en Angleterre et au Pays de Galles.
De fait, Patrick Harvie, le dirigeant du Parti Vert Ecossais a joué un rôle central (et très positif) dans la campagne pour le « Oui », à tel point qu’il en a été en pratique un des principaux organisateurs.
Au Pays de Galles, le nombre de militants du Parti Vert d’Angleterre et du Pays de Galles a quadruplé au cours de l’année passée. Dans les sondages, ils sont crédités de 6%. Ils ont rejeté la proposition de Plaid Cymru d’appeler à voter pour Plaid Cymru dans les circonscriptions où ce dernier pouvait l’emporter, malgré le fait que Plaid Cymru appelle à voter pour les Verts en Angleterre.
Il existe de nombreuses raisons qui expliquent cette croissance des partis verts. Les Verts (en Angleterre et au Pays de Galles comme en Ecosse) ont connu ces dernières années un glissement à gauche, en réaction à la mise en œuvre de l’austérité, ce qui leur a permis de profiter de l’espace pour une alternative radicale existant à la gauche du Parti travailliste. Ils ont aussi profité de la crise des partis de l’establishment, notamment celle du parti libéral démocrate qui avait gagné le soutien des jeunes à cause de son positionnement contre la guerre et contre les droits d’inscription, autant de terrains sur lesquels il a capitulé en entrant au gouvernement.
Un autre facteur est la prise de conscience grandissante au sein de la jeunesse de la crise environnementale et de l’importance des questions écologistes. Un facteur qui ne peut que prendre encore plus d’extension à l’avenir. De toute façon, après plusieurs décennies de thatcherisme, de blairisme et de leurs successeurs avec ce que cela implique de dépolitisation, beaucoup de jeunes trouvent que les partis verts constituent une option plus facile à prendre en considération que de rejoindre directement des organisations socialistes (ou révolutionnaires) plus radicales, dont aucune ne connaît actuellement de telles progressions.
Les Verts, en dépit de tous les efforts des médias, ont aussi un profil public plus élevé que la gauche socialiste. Caroline Lucas (20) a joué un rôle très positif depuis son élection au Parlement (en réalité depuis plus longtemps) en poussant les Verts à gauche. Natalie Bennett (21) a complété ce mouvement depuis son accession à la tête du Parti Vert d’Angleterre et du Pays de Galles. Le débat sur les élections législatives a aussi aidé au recrutement : des gens ont adhéré par solidarité quand il est apparu que les Verts pouvaient être éliminés.
Left Unity et les Verts
Tout cela signifie que les Verts attirent une grande partie du soutien dont nous espérions qu’il irait à Left Unity, des gens qui seraient sa base naturelle. Cela se produit malgré le fait que Left Unity est un parti beaucoup plus démocratique (c’est-à-dire un bien meilleur modèle sur lequel construire) et est opposé de façon beaucoup plus cohérente aux restrictions budgétaires et au néolibéralisme. En un mot : c’est un parti plus cohérent tant par son programme que par sa pratique.
La question posée est donc de savoir comment Left Unity peut se construire ou se maintenir dans de telles conditions. Le danger est que, au sein de Left Unity, les courants ultra-gauches tentent de pousser Left Unity à gauche et le forcent à déserter l’espace dans lequel on construire un parti large.
De toute façon, le soutien que les Verts ont conquis ne se reflétera pas de façon équitable aux élections législatives où les Verts - comme d’autres partis plus petits - vont une nouvelle fois être victimes du système électoral antidémocratique (majoritaire à un tour). Les Verts peuvent très bien dépasser les Libéraux Démocrates en nombre de suffrages et n’obtenir qu’une fraction de leur nombre d’élus (même si, pour les Libéraux Démocrates, ce nombre va se réduire significativement). Si le mode de scrutin était démocratique, le Parti Vert d’Angleterre et du Pays de Galles disposerait d’un groupe parlementaire conséquent depuis plusieurs années.
Beaucoup de nouveaux électeurs des Verts viennent de ceux qui en 2010 ont voté pour les Libéraux Démocrates. Ce qui inclut très probablement d’anciens électeurs travaillistes qui s’étaient tournés vers les Libéraux Démocrates après la guerre en Irak (2003) et les avaient soutenus à cause de leur opposition proclamée aux droits d’inscription universitaires ainsi qu’à un discours ponctuel anti-austérité pendant la période du gouvernement travailliste.
Cette source de soutien aux Verts peut être essentiellement un phénomène passager dû à leur image de parti anti-austérité le plus important. D’ailleurs, il est significatif qu’à la suite de quelques difficultés rencontrées par les Verts pour présenter des candidats, leurs résultats dans les sondages ont fléchi au bénéfice des Libéraux Démocrates. Certains, dans l’aile droite des Verts, voudront cultiver ce sillon et renforcer la perception des Verts comme une opposition « non socialiste » afin d’occuper l’espace autrefois occupé par les Libéraux Démocrates.
De toute façon, le soutien aux Verts parmi les jeunes électeurs, les 18 à 24 ans (dont une majorité n’a pas voté en 2010) a connu une croissance spectaculaire. Un sondage d’opinion récent, réalisé pour le Conseil de la Jeunesse britannique, crédite les Verts de 19%, à peine derrière les Conservateurs et nettement devant UKIP ou les Libéraux Démocrates. Dans la catégorie des diplômés récents (en gros, la tranche 21 à 24 ans), le soutien aux Verts monte à 25%, ce qui reflète la radicalisation d’une génération qui s’est mobilisée contre l’augmentation massive des droits d’inscription après le scrutin de 2010. Le défi majeur pour les Verts est de transformer cette base de sympathie en votes qui reflètent leurs aspirations radicales - alors même que les dernières modifications de l’inscription sur les listes électorales ont conduit à une moindre inscription des nouveaux électeurs.
Une évolution progressiste
Alors, comment considérer ces évolutions ? La première chose à dire à propos de cette croissance des Verts en nombre d’adhérents et en popularité dans les sondages d’opinions est qu’il s’agit d’une évolution progressiste du débat politique en Grande-Bretagne. Une évolution progressiste que les partisans du socialisme doivent saluer. Cette évolution renforce les mouvements de Gauche, progressistes et opposés à l’austérité. Elle participe du développement de la radicalité à la Gauche du Parti travailliste. Cela est grandement facilité par l’évolution à gauche des partis verts.
Par exemple, le Parti Vert d’Angleterre et du Pays de Galles ne s’est pas contenté d’évoluer vers la gauche (avec en son sein un développement manifeste des courants de gauche) : il a aussi accru ses domaines d’intervention, au-delà de son engagement central sur l’environnement.
Bien que profondément favorable à l’Union européenne, ce parti s’est opposé depuis le début à l’austérité ; il a participé aux différentes campagnes contre l’austérité, dont l’Assemblée populaire. Il a aussi participé à la Coalition pour l’arrêt de la guerre, réclamé la fermeture de la base des Tridents ainsi qu’une diminution massive du budget militaire. C’est un parti anti-raciste et pro-immigration, partisan de l’ouverture des frontières, même si l’on peut s’interroger sur sa capacité à défendre jusqu’au bout cette position lorsque la pression de la campagne électorale se fera plus forte.
Il revendique la renationalisation des chemins de fer, l’arrêt de la privatisation du système public de santé, l’augmentation à 10 livres du salaire horaire minimum, l’obligation pour les employeurs de reconnaître le fait syndical.
Le Parti Vert d’Angleterre et du Pays de Galles soutient aussi la perspective d’un revenu citoyen, une proposition qui a mis en difficulté Natalie Bennett lors de l’émission politique dominicale de la BBC. Il est peu probable que cette revendication figure dans leur programme électoral…
Tout cela fait du Parti Vert d’Angleterre et du Pays de Galles un parti dont la meilleure qualification est « social-démocrate de gauche », assez semblable à Plaid Cymru, avec un profit écologiste fort.
Certains mettent en avant le fait que les Verts ne sont pas des partis de la classe ouvrière. La grande majorité des membres des partis verts et beaucoup de ceux qui votent pour eux doivent vendre leur force de travail, tout autant que les partisans du Parti travailliste, de Left Unity ou de n’importe quel groupe d’extrême gauche. La défense de l’environnement est un sujet qui concerne la classe ouvrière tout autant que les salaires ou les conditions de travail. Certains soulignent aussi l’absence de liens traditionnels des Verts avec le mouvement syndical, à la différence des travaillistes. C’est une vision très statique et mécaniste de ce qu’est un parti ouvrier… d’autant plus qu’il existe aujourd’hui de nombreux partis ouvriers qui ne sont pas en position d’avoir des liens avec les syndicats.
Bien qu’ils ne soient pas originaires du mouvement syndical, les écologistes aspirent à construire des liens avec lui et agissent activement pour y parvenir comme le montre la candidature de Peter Pinkney, président du RMT (22), au nom du Parti Vert dans la circonscription de Redcar. Il a pris cette décision après avoir assisté il y a deux ans à la Conférence nationale du Parti Vert d’Angleterre et du Pays de Galles et avoir côtoyé Caroline Lucas lors de la campagne pour la renationalisation des chemins de fer.
Aussi bien le Parti vert écossais que le Parti Vert d’Angleterre et du Pays de Galles ont progressivement accru leurs liens avec le mouvement syndical. Sur de nombreux sujets, ils ont maintenant une orientation pro-syndicale, même s’il leur reste du chemin à faire. Le Parti Vert d’Angleterre et du Pays de Galles a récemment créé au sein de son Exécutif national un poste de responsable des relations avec les syndicats, après une longue campagne menée par leur commission syndicale. C’est Romayne Phoenix, de la Gauche des Verts, qui est la première titulaire du poste et, en particulier, responsable du travail avec Peter Pinkney. Cette année, pour la première fois, les Verts seront présents à la conférence du Trade Union Congress, la confédération des syndicats.
Aussi bien le Parti vert écossais que le Parti Vert d’Angleterre et du Pays de Galles se sont réjouis de la décision de la principale formation politique écologiste grecque de rejoindre les listes de candidats Syriza, ce qui leur a permis d’avoir un élu et une certaine influence sur le gouvernement. Et cela reflète bien l’opinion de la majorité de leurs adhérents.
Tout en constituant un développement progressiste pour la gauche britannique, la montée des partis verts ne résout pas le problème d’une alternative de gauche large au néolibéralisme, comme Syriza en Grèce, le Bloc de Gauche au Portugal, l’alliance Rouge Verte au Danemark et, bien sûr, Left Unity en Grande-Bretagne. Bien que cela constitue une réponse à l’apparition d’un espace à la gauche du Parti travailliste, cela n’est pas une solution en termes de parti large de la gauche radicale, nécessaire pour construire une alternative socialiste.
Brighton
Le principal handicap est l’existence d’une importante aile conservatrice qui n’acceptera jamais la transformation des Verts en un parti de ce type. Et aussi le fait que le Parti Vert d’Angleterre et du Pays de Galles est organisé de telle manière que cette aile conservatrice – très représentée parmi les élus municipaux – a les mains libres lorsqu’elle est en position d’exercer le pouvoir au niveau local. Les statuts du Parti accordent aux sections locales un droit à l’autonomie en ce qui concerne la politique locale, même si cela concerne des coupes budgétaires, comme cela a été le cas à Brighton. Cela constitue un obstacle majeur à la transformation du Parti Vert d’Angleterre et du Pays de Galles en alternative de gauche radicale (ou de gauche conséquente).
La situation à Brighton et le soutien des Verts au maire de Bristol, favorable à l’austérité, constituent des éléments de discrédit pour le Parti Vert d’Angleterre et du Pays de Galles et menacent son développement futur, si ces tendances perdurent et s’étendent ce qui risque de se produire si les écologistes augmentent leur nombre d’élus lors de prochaines élections locales.
Bien sûr, cela fait débat au sein du Parti vert : Caroline Lucas est en désaccord avec la trajectoire politique de la direction du Conseil de Brighton, pas exemple. Tout comme Natalie Bennett. Jusqu’à maintenant, les tentatives menées par la gauche - notamment la Gauche des Verts – de contester cette orientation ont échoué, parfois de peu. Les élections municipales de cette année à Brighton peuvent très bien provoquer un réveil du reste du parti, bien que la coïncidence entre les élections municipales et les élections législatives (où Caroline Lucas va défendre son siège) brouille beaucoup la situation.
Alors, quelle doit être l’attitude des partisans du socialisme par rapport aux Verts ?
Nous devrions travailler avec les Verts dans les différentes campagnes de mobilisation et encourager Left Unity à faire de même. Nous devrions proposer à Left Unity de rechercher des accords électoraux lorsque c’est possible.
Un autre problème, dû à l’aile conservatrice de ce parti, est leur politique sectaire très ancienne de refus de toute alliance électorale avec les autres partis de gauche. Néanmoins, la décision adoptée par la dernière conférence nationale, en mars 2015, d’amender les statuts pour autoriser des candidatures communes reflète la contestation grandissante de cette orientation au sein même du parti.
A court terme, cela peut déboucher sur des candidatures communes avec le National Health Action Party, ce qui pourrait être très significatif. Par exemple, l’année prochaine lors des élections à l’Assemblée de Londres, à des endroits comme Lewisham : le NHAP s’est présenté à Londres aux élections européennes et a connu un succès modeste en dépassant 1%. Si Left Unity accroît son audience électorale, cela ouvrira la possibilité d’une coordination avec le Parti vert. Une possibilité à prendre en compte positivement, tout en gardant à l’esprit les difficultés qui pourraient survenir.
Bien sûr, une augmentation de la représentation parlementaire du Parti Vert (lors du prochain scrutin) - ainsi qu’au sein des Parlements écossais et gallois en 2016 - serait une bonne nouvelle. Car même si les nouveaux élus verts n’étaient pas issus de la gauche du parti, ils représenteraient un parti au positionnement de gauche, qui joue un rôle progressiste et auquel, du fait du système électoral, on refuse la représentation à laquelle il a droit.
Document adopté par le Conseil national de Socialist Resistance
Notes
(20) Principale dirigeante du Parti Vert, Caroline Lucas a été députée au Parlement européen de 1999 à 2010 avant de devenir la première députée écologiste élu au Parlement britannique en 2010.
(21) Natalie Bennett est aujourd’hui la dirigeante du Parti Vert d’Angleterre et du Pays de Galles.
(22) RMT – Rail, Maritime & Transport - est le syndicat national des chemins de fer, de la marine et des transports. Marqué très à gauche, il a connu une croissance rapide au cours de la dernière décennie.