Notre recherche nous a montré que ces groupes sont grandement mystérieux. Ils ont le statut de groupes sans buts lucratifs, profitent donc d’exemptions de taxes et impôts et, au Kansas comme dans la plupart des États, ils n’ont aucune obligation de dévoiler l’identité de leurs donnateurs-trices.
Un de ces groupes nommé Alliance for Freedom, conservateur sans buts lucratifs basé en Virginie, a publié des messages qui soutiennent les réalisations du gouverneur Brownback. Kansas Values, un groupe dirigé par deux anciens élus républicains de l’État mais aussi soutenu par un syndicat d’instituteurs-trices a commencé, dès après la primaire du mois d’août dernier, à en publier qui l’attaquent par rapport à ses politiques en matière d’éducation, de politique économique Ni l’un ni l’autre de ces groupes n’a répondu à notre demande de commentaires.
Il y a quatre ans, lors de l’élection précédente de M. Brownback, aucun groupe de ce genre n’est intervenu dans l’élection au poste de gouverneur dans cet État. Il ne s’y est dépensé que 713,000$ en tout et partout en publicité télévisée. Jusqu’ici, ces groupes secrets ont déjà dépensé 3,3 millions de dollars sur les 6,3 millions dépensés au total en publicité télévisée. C’est au Kansas que la publicité politique télévisée est la plus importante au pays.
Le phénomène fait suite au jugement Citizens United vs Federal Election Commission de la Cour suprême en 2010, qui élargit sensiblement les droits de dépenses électorales par des groupes sans liens directs avec les partis politiques ou les candidats-es. Il est en développement partout au pays, pas qu’au Kansas. À même pas un mois de l’élection plus d’une douzaine de ces groupes politiques sans buts lucratifs ont dépensé 9,3 millions pour des messages publicitaires visant à influencer les résultats pour les postes en jeu dans les États dans 16 d’entre eux à travers les États-Unis. Une analyse préliminaire des données du service de surveillance des médias, Media/CMAG, faite par le Center for Public Integrity le 6 octobre montre qu’une petite tranche de 430 millions avait été dépensée au total pour de la publicité télévisée en lien avec les postes dans les États. Mais cela dépasse tout de même de 8,4 millions ce qui a été dépensé lors des élections de 2010 pour un nombre comparable de postes de gouverneurs mis aux voix.
Compte-tenu de la kyrielle de possibilités déjà offertes aux personnes intéressées à soutenir financièrement les campagnes électorales, (contributions aux candidat-es, aux partis politiques ou aux comités d’action politique), comment ces groupes secrets qui sont supposés promouvoir le « bien-être social » non pas les organisations politiques, sont-ils devenus si populaires dans presque tous les États ? Selon le professeur Kenneth Mayer de l’Université du Wisconsin-Madison qui étudie le financement des campagnes électorales, c’est parce que c’est disponible, tout simplement. Les contributeurs-trices à la plupart de ces groupes peuvent rester anonymes.
Le professeur Mayer souligne que les gens croient qu’il existe un droit constitutionnel important à pouvoir engager anonymement des dépenses de soutient aux élections. Cela a été, dit-il, illustré par la remarque du juge Clarence Thomas lors de l’étude de la cause de 2010 : « Il y a probablement des raisons pour lesquelles vous avez intérêt à demeurer anonyme ».
Pourtant, les capacités de ces groupes à intervenir sur les enjeux électoraux datent de bien avant ce jugement. Selon M. Marcus Owens, un avocat ancien directeur de la division des exemptions d’impôts et taxes au Ministère du revenu, cela remonte à trente ans environ.
Depuis 1981, on a permis à des groupes comme la National Rifle Association, AARP and Parenthodd, (…) d’acheter des publicités ciblant des enjeux spécifiques. Elles pouvaient identifier des candidats-es mais ne pas demander à l’électorat de voter dans un sens ou l’autre. Ces groupes pouvaient s’engager dans des activités électorales très limitées sans avoir à divulguer les noms de leurs contributeurs-trices tant que ce genre d’actions ne représentait pas leur activité principale.
Le jugement de 2010, (communément appelé Citizens United n.d.t.) joint à un autre d’une cour fédérale inférieure la même année, a poussé les compagnies et les syndicats à dépenser sans limites pour la victoire ou la défaite des candidats-es. Pour ces groupes sans buts lucratifs, qui sont techniquement des compagnies, ces jugements ont fourni une assise légale à leurs pratiques et leur a donné une poussée symbolique. M. Owen souligne que les règles s’appliquaient déjà mais que le jugement de la Cour suprême a eu pour ces groupes un impact psychologique : la loi sur les élections fédérales était allégée et la route était ouverte pour un afflux d’argent corporatifs dans les campagnes.
Dans la foulée de la tentative du Ministère du revenu de réguler ces nouvelles formes de financement politique, un de ses très hauts fonctionnaires a dû démissionner. Le ministère a été accusé de favoriser les groupes conservateurs dans l’attribution du statut « sans buts lucratifs ». Sa capacité de supervision de ces groupes a été limitée. (…)
Dans les élections aux postes de gouverneurs de cette année, 65% des messages financés par ces groupes sont constitués d’attaques négatives contre les candidats-es. Selon un analyste politique du Centre pour les politiques de l’Université de la Virginie, M. Kyle Kondik, ce camouflage derrière des groupes qui n’ont pas à dévoiler leurs sources de financement, permet aux candidats-es de se protéger d’éventuelles réactions de la population suite à la diffusion de ce genre de messages. « Vaut mieux faire faire le sale boulot par des gens de l’extérieur » déclare M.Kondik : « ainsi il est possible de désavouer ce qui est dit ou encore de soutenir qu’ils et elles n’y sont pour rien ».
Des groupes qui étaient intervenus en 2010 reprennent du service cette année. Par exemple le groupe conservateur, American Future Fund, basé en Iowa qui étaient intervenu dans les courses aux postes d’attorney général de l’Ohio, de l’Iowa et du Kansas en 2010, a dépensé 360,000$ cette année pour soutenir les candidats républicains aux postes de gouverneurs du Nebraska et de l’Arkansas. Le Law Enforcement Alliance of America, un autre groupe sans buts lucratifs basé en Virginie, est intervenu dans les campagnes des candidats-es à la Cour suprême du Michigan et au poste d’attorney général de ce même État en 2010. Cette année, il a dépensé 165,000$ en attaques contre un candidat à la Cour suprême de l’Arkansas.
De nouveaux groupes sont beaucoup moins connus. Ainsi, Arizona Save Our Future Now, formé en 2012 et basé à Phoenix, a dépensé cette année un million de dollars en publicité à la télévision pour attaquer M. Vernon Parker, un candidat républicain à un poste à la commission des entreprises de l’Arizona. Les cinq membres de cette commission fixent les tarifs pour les services publics.
L’Arizona a ainsi été inondé d’environ 2,6 millions de dollars en fonds secrets pour les élections au niveau étatique cette année. C’est le montant le plus élevé du pays après le Kansas selon les analyses du Center for Public Integrity.
En Arizona toujours, le groupe Arizona Save Our Future Now, a contraint le bureau du secrétaire de l’État en juillet dernier, d’ouvrir une inspection qui obligeait les groupes sans buts lucratifs à démontrer qu’ils dépensaient plus sur les enjeux sociaux qu’à influencer les courses électorales. Sans quoi, ils étaient tenus de s’enregistrer comme comité politique et à publier la liste de leurs contributeurs-trices. Aucun ne l’a fait mais ils ont publié des preuves de leurs activités pour « faire sortir le vote » en soutenant que ces coûts dépassaient correctement leurs publicités électorales.
Dans certains États, ils ont dû déclarer la liste de leurs contributeurs-trices. Par exemple en Caroline du nord et en Géorgie ils ont été forcés de le faire malgré leur statut d’entités sans buts lucratifs.
Mais, selon M. Owens, dans d’autres États, ces groupes ne sont pas obligés de fournir de rapport annuel ni les noms de leurs officiers non plus que des informations quand à leur finances au ministère du revenu dans l’année qui a suivit leur formation et longtemps après les élections. Cela contribue à rendre plutôt opaque les informations qui permettraient de savoir qui contrôle les messages que les électeurs-trices peuvent voir à la télé.
Parfois, ces groupes peuvent s’installer, publier des messages télévisés durant une élection et se dissoudre dès la fermeture des bureaux de vote sans passer par l’enregistrement au ministère du revenu ni dans les agences des États. M. Owens explique qu’il faut bien deux ans avant que la demande d’un groupe arrive sur le haut de la pile pour une audience au ministère du revenu et qu’il faut encore attendre trois ans avant de bénéficier des pleins droits. Cela lui permet de penser que beaucoup de ceux qui interviennent jouent un peu à la roulette avec leur statut : ils interviennent en espérant qu’ils ne seront pas repérés avant leur acceptation officielle. Et il ajoute : « Il semble y avoir un sentiment répandu que cet argent de sources secrètes qui s’impose dans les élections dans les États constitue potentiellement une source de corruption qui peut violer les lois de certains États. Chose certaine nous ne savons pas qui finance les campagnes électorales et il serait bien avisé que les électeurs-trices le sachent ».
Pour plus d’informations sur cette carte se rendre à l’adresse suivante :
http://www.washingtonpost.com/blogs/govbeat/wp/2014/01/22/the-most-corrupt-states-in-america/