23 octobre 2024
Point de vue international Dan La Botz
https://internationalviewpoint.org/spip.php?article8720
Traduction Johan Wallengren
Le fascisme est dernièrement devenu une question centrale de l’actualité relative à l’élection présidentielle américaine, ce à quoi ont largement contribué des déclarations de Donald Trump, qui a confié qu’il ferait appel à l’armée pour supprimer « l’ennemi intérieur », expression qui recouvre pour lui les « illuminé(e)s de la gauche radicale » (« radical left lunatics ») et dont il a en particulier affublé sa rivale Kamala Harris, à plus d’une occasion. Il a par ailleurs assimilé le membre démocrate du congrès Adam Schiff, qui a mené le premier procès en destitution contre lui et qui est maintenant candidat au Sénat, à « l’ennemi intérieur ».
Questionné lors d’une entrevue télévisée quant à la possibilité que le processus électoral puisse être perturbé par des agitateurs de l’extérieur, Trump a répondu : « Je pense que le plus gros problème est l’ennemi de l’intérieur. Nous avons des gens pas bien du tout. Nous avons des malades, des illuminés de la gauche radicale. Et d’ajouter : « mais les choses devraient pouvoir être prises en main sans problème, si nécessaire, par la Garde nationale, ou si c’est vraiment nécessaire, par l’armée, parce qu’ils ne peuvent pas laisser de telles choses se produire ».
Plusieurs commentateurs ont souligné que le recours à l’armée pour réprimer l’opposition politique ressemble à ce que nous appelons le fascisme. Et pour beaucoup d’observateurs, il ne fait aucun doute qu’en envisageant d’utiliser le pouvoir de l’État contre les citoyens américains, Trump va plus loin dans ses déclarations que les fois où il a dit qu’il ferait appel à la police et aux gardes nationaux pour débusquer les immigrants, les parquer dans des camps de concentration, puis les expulser.
Une remarque du général Mark A. Milley, ancien président de l’état-major interarmées sous Trump, en rajoute : selon ce que rapporte le célèbre journaliste américain Bob Woodward dans son nouveau livre, ce haut gradé aurait décrit Trump comme étant un « fasciste en puissance » (« fascist to the core »). Madame Harris elle-même a repris à son compte cette confidence de Milley et a convenu à d’autres moments que Trump pouvait être étiqueté fasciste. À noter que le président Joe Biden avait déjà qualifié le mouvement de Trump de « semi-fasciste » en 2022.
L’affirmation selon laquelle Trump est un fasciste risque toutefois de ne pas émouvoir beaucoup d’électeurs américains. La lutte des États-Unis contre les fascistes de Benito Mussolini et les nazis d’Adolf Hitler pendant la Seconde Guerre mondiale est désormais de l’histoire ancienne. Seuls les 1 à 2 % d’Américains âgés de plus de 85 ans ont un souvenir direct de ces événements. En outre, le peuple américain a une connaissance notoirement vague de l’histoire et la plupart des Américains n’ont jamais réfléchi à la question du fascisme et à tout ce que peut charrier ce mot. Pendant des années, le monde politique et la presse ont considéré que traiter quelqu’un de fasciste était une faute de goût, tandis que pour la population en général, c’était juste une façon de désigner quelqu’un de peu recommandable.
On peut d’autant plus parler d’un imbroglio que Trump a régulièrement traité Kamala Harris de « marxiste, communiste, fasciste, socialiste ». Le colistier de Trump, le sénateur J.D. Vance, a quant à lui déclaré que les affirmations des démocrates selon lesquelles Trump est quelqu’un d’autoritaire ou de fasciste sont à l’origine des deux tentatives d’assassinat dont il a fait l’objet.
La gauche n’a pas toujours contribué à faire la lumière sur ce concept de fascisme. Dans les années 1960 et 1970, les gens de gauche avaient tendance à utiliser le mot sans discernement : Les racistes du Sud étaient fascistes, la guerre du Viêt Nam était fasciste, le maire de Chicago, Richard Daley, était fasciste, et pour certains, le système politique américain tout entier était fasciste. Pendant quarante ans, le parti communiste et les groupes maoïstes ont à chaque élection présidentielle avancé l’argument que le candidat républicain était fasciste et qu’il fallait donc voter démocrate.
Aujourd’hui, au sein de groupes tels que les Socialistes démocrates d’Amérique (DSA), dont les membres sont nombreux à avoir fait des études supérieures, des universitaires de gauche prennent part à des discussions sur le fascisme. Le magazine Jacobin, par exemple, a publié en 2019 une entrevue d’Enver Traverso sur son livre Les nouveaux visages du fascisme et sa théorie du « post-fascisme » pouvant servir à ausculter des gens comme Trump. Au sein de petites organisations socialistes et anarchistes d’extrême gauche, on discute sérieusement et concrètement du sujet. Et des journaux en ligne populaires comme Truthout ont publié de nombreux articles parlant du fascisme. Néanmoins, pour la plupart des Américains, l’utilisation de ce mot ne permet en rien d’y voir plus clair.
Si Trump est élu – ce qui est tout à fait possible – et qu’il s’avère être le fasciste que nous croyons qu’il est, nous serons mal préparés, tant d’un point de vue théorique que pratique.
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