le 15 février 2021 | tiré d’Alternative socialiste
Du 18 au 21 janvier 2021, la Confédération des syndicats nationaux (CSN) a tenu virtuellement son 66e congrès. D’après le site du congrès, 2 000 membres, provenant de 400 syndicats affiliés ont participé aux instances virtuelles divisées en
Post-Scriptum
blocs de 2h. Dans les circonstances, cette solution était probablement parmi les meilleures, mais non sans lacunes qui doivent être corrigées.
Un congrès virtuel de moins de 15h
Le mode virtuel a apporté un lot d’enjeux techniques supplémentaires. Il ne permet pas aux congressistes de voir les gens qui attendent leur tour de parole afin de se préparer en conséquence. Si la présidence décide qu’elle veut empêcher quelqu’un de parler, s’il y a un problème technique ou n’importe quelle autre situation, les congressistes n’ont aucune façon de le savoir. De plus, se limiter à deux séances de 2h par jour est peut-être compréhensible. On a suffisamment entendu parler de la fatigue zoom depuis quelques mois, un problème bien réel. Toutefois, est-ce que six séances de 2h et une de 2h30 sont vraiment suffisantes pour assurer la démocratie dans une organisation qui représente 300 000 travailleuses et travailleurs ?
Démocratie interne
Les congrès CSN ont lieu tous les trois ans, à moins de circonstances exceptionnelles. C’est le moment où les membres peuvent débattre des orientations que prendra la centrale, des dossiers prioritaires pour la classe ouvrière, du budget et, bien entendu, les élections du Comité Exécutif (CE). Lors de congrès précédents, on a eu l’impression que les décisions étaient prises d’avance par l’appareil. Il y a actuellement un manque de transparence. Les propositions du CE sont rarement connues d’avance, ce qui ne laisse pas assez de temps pour en discuter en instance et y apporter des amendements. Les rares propositions que les membres osent apporter de manière indépendante sont plus souvent qu’autrement battues ou référées au CE.
Visiblement, les congressistes sont restés sur leur faim. Le congrès a choisi de renvoyer aux conseils confédéraux plusieurs décisions importantes sur ses orientations. Cela découle en particulier de la faiblesse des orientations apportées par le CE et des possibilités d’amendement quasi nulle. Personne n’espère mordre sans dents.
Soulignons toutefois une nouveauté dans ce congrès : une séance plénière de 2h30 où les quatre candidatures à l’élection au CE ont dû répondre à différentes questions. Cette formule est une première. Elle a été gagnée suite à un long débat lors du conseil confédéral de mars 2020. Avec de la pression venant de la base, il y a un potentiel de faire adopter des changements structurels.
Du sang neuf à l’exécutif
Trois membres de l’exécutif avaient annoncé leur départ. Jean Lacharité, 2e vice-président depuis 2011 et Pierre Patry, trésorier depuis 2004, sont partis à la retraite. Véronique de Sève, 3e vice-présidente depuis 2014 quitte pour aller occuper un poste honorifique à Fondaction. Les syndicalistes plus radicaux ne les ont pas pleuré.
Sur les six postes en élection, quatre ont été élus par acclamation. Jacques Létourneau à la présidence, Jean Lortie au secrétariat général et Caroline Senneville à la 1e vice-présidence ont vu leurs mandats renouvelés. Yvan Duceppe a été élu par acclamation à la trésorerie. Il est rare qu’une personne déjà en place dans un exécutif soit défaite. Les membres hésitent donc beaucoup avant de se présenter contre quelqu’un déjà en place. La machine CSN est reconnue pour être assez lourde et favorise souvent la personne déjà en place. Pourtant, il est tout à fait possible pour n’importe quelle personne membre de la CSN de se présenter à sa direction avec les appuis nécessaires.
Les congressistes ont profité de l’ouverture laissé par les postes vacants pour élire des candidatures bien plus radicales qu’à l’habitude. David Bergeron-Cyr et Katia Lelièvre ont été élu·es à [1]https://www.csn.qc.ca/actualites/tr.... David Bergeron-Cyr a été président de la fédération du commerce (FC-CSN) pendant 3 ans après avoir assuré la vice-présidence. Sous sa présidence, la FC-CSN a élaboré de nouvelles stratégies de syndicalisation, notamment le syndicat des employé·es de la restauration (SER-CSN) qui facilite l’accès à de meilleures conditions de travail pour de petites unités. Rappelons que pour la bureaucratie syndicale, c’est plus rentable d’avoir de gros syndicats que de toutes petites unités. Son approche, qui semble s’inspirer de Labor Notes porte fruit. Le SER-CSN compte maintenant plus de 1 000 membres. En plein période d’ubérisation du travail, cette vision est nécessaire pour contrer la désyndicalisation et solidariser l’ensemble des secteurs d’emploi.
Katia Lelièvre a été présidente du Syndicat des employé-es de magasins et de bureaux de la SAQ–CSN(SEMB-SAQ-CSN) pendant 12 ans. Ce syndicat de 5 500 membres fait constamment face à des menaces de privatisation et des relations de travail difficiles. Le militantisme de ses membres est bien connu dans les différentes instances de la CSN. Katia Lelièvreest une militante de terrain qui sait mobiliser. Son implication et celle des membres de son syndicat ont fait la différence lors de la campagne pourempêcher la privatisation de la SQDC et la garder dans le giron de la SAQ.
Un vent de changement ?
La crise sanitaire et économique actuelle participe àpolariser de nombreuses personnes au Québec. On sent déjà une radicalisation des syndicalistes de la base. L’arrivée de Katia Lelièvre et de David Bergeron-Cyr donne l’impression que les congressistes réclament un changement à la CSN. Leurs positions plus radicales et leur expérience militante ouvrent une fenêtre sur des pratiques syndicales plus combatives. Et la CSN en aura besoin face aux énormes défis du prochain mandat de l’exécutif : négociations dans le secteur public,réforme des lois sur la santé-sécurité au travail, sans compter les effets de la pandémie sur les travailleuses et travailleurs.
Nous saluons l’élection de Lelièvre et Bergeron-Cyr pour la perspective de syndicalisme de combat qu’elle représente. Mais, au-delà de l’expérience, des qualités et des intentions personnelles, c’est toute l’orientation actuelle de la CSN qui doit changer. L’exécutif de la CSN doit être la caisse de résonance de la volonté de combattre de sa base. Pour la mobiliser, la direction a besoin de l’écouter, de communiquer et d’agir avec elle de manière transparente et démocratique.
Politiser la solidarité
Une approche combative sans programme politique clair ne peut mener qu’à des coups d’épée dans l’eau. Avec des débats politiques démocratiques dans les syndicats locaux sur les grands objectifs sociaux à atteindre, on peut élaborer les meilleures stratégies et tactiques pour lutter.
Même des demandes aussi ciblées que celles des hausses salariales ont une portée politique. Le mouvement syndical est la plus grande force économique de la classe ouvrière. Il a aussi le potentiel de devenir sa plus grande force politique. La crise actuelle rend la situation de plus en plus claire : la CSN doit renouer avec son programme de changement socialiste de la société ! Un programme qui pose clairement la nécessité pour la classe ouvrière de prendre le pouvoir contre les partis des riches et du patronat !
En informant et en organisant les instances locales de la CSN autour d’une vision socialiste et démocratique de la société, chaque lutte sera en mesure de remettre en cause l’approche d’aménagement de l’austérité et du « partenariat social » actuelle. Il est impératif de construire ce rapport de force au sein de la CSN (et du mouvement syndical en général) à partir de la base. Car c’est elle qui est le moteur vivant de la CSN et qui doit orienter son action. Sans le renfort de cette base politisée, Lelièvreet Bergeron-Cyr risquent d’être submergés ou découragés par l’appareil actuel.
Dans un esprit de solidarité intersyndicale et de solidarité avec l’ensemble de la classe ouvrière, travaillons dès maintenant à contrecarrer les plans des gouvernements d’austérité, à les faire tomber et à renverser leur système capitaliste en décrépitude ! La période dramatique qui s’ouvre devant nous ne réclame rien de moins du mouvement syndical !
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