C’est peu de dire que la nouvelle a eu aussitôt l’effet d’une bombe, d’autant que le vice-premier ministre russe a d’ores et déjà indiqué que son gouvernement allait montrer sa solidarité avec les autorités de Transnistrie. D’où l’avertissement lancé toujours par le portail d’information roumain, pour qui il est primordial aujourd’hui d’accélérer le processus d’intégration de la Moldavie à l’UE et notamment de signer le plus vite possible l’accord d’association avec l’Union Européenne, de sorte que la république entre sous la protection de l’Europe.
Et puis décidément, à croire que l’internationale de l’indépendantisme arrange désormais tout le monde, la contagion, aussi absurde soit-elle, semble même aujourd’hui creuser un peu plus encore le sillon des poussées indépendantistes en Europe. Ainsi par exemple, depuis la semaine dernière, les habitants de la Vénétie qui le souhaitent et qui possèdent un ordinateur ou un smartphone peuvent participer à un référendum sur l’indépendance de leur région. "Veux-tu que la Vénétie devienne une République fédérale souveraine", telle est en effet l’objet de cette consultation qui doit s’achever aujourd’hui. Et de fait, dans une interview au quotidien LIBERO, cité par le Courrier International, le président de la région, lequel a fait notamment de la survivance du dialecte vénitien un combat personnel, estime que de nombreux habitants souhaitent aujourd’hui l’indépendance, ce qui semble d’ailleurs plutôt réjouir la télévision russe, qui dans un reportage pour la chaîne VESTI raconte comment les habitants de la Vénétie ont, eux aussi, présenté un référendum.
Enfin hasard de l’actualité, ou pas, c’est également cette semaine que l’on a appris que 60% des Catalans défendent l’indépendance de leur communauté autonome, selon une enquête de la Généralité réalisée en décembre dernier. Et 87% cette fois-ci des Catalans interrogés déclarent qu’ils accepteront le résultat de cette consultation qu’il soit positif ou négatif.
Et pourtant, la condamnation internationale du référendum en Crimée devrait, au contraire, servir d’avertissement à la Catalogne écrit le quotidien ABC. Car face à la crise en Crimée, dit-il, la communauté internationale a formulé une doctrine sans équivoque : en clair, elle nie toute légitimité à une sécession qui enfreint des principes constitutionnels. Un précédent, poursuit le journal conservateur qui a une grande importance pour le débat interne en Espagne, puisqu’il montre clairement quelle serait la réponse politique à un référendum dans la région de Catalogne. Et d’ailleurs, renchérit son confrère madrilène d’EL PAIS, l’Union Européenne dispose aujourd’hui de suffisamment d’instruments, dit-il, pour désamorcer préventivement les éventuelles sécessions contraires à ses objectifs. Concrètement, on pourrait en déduire que l’Union, tout comme les Etats membres, de par les principes de coopération et d’intégrité territoriale, sont tenus d’éviter toute action susceptible de favoriser une sécession au sein d’un Etat membre. Et l’on pourrait, par exemple, se mettre d’accord pour que l’Union n’accepte à l’avenir aucun nouvel Etat issu de la partition d’un pays membre.
Reste qu’aujourd’hui, remarque IL CORRIERE, toute l’Europe semble en effet se demander quelle forme de gouvernement, entre centralisme et régionalisme, est la plus efficace. Alors que faire face à cette nouvelle mode indépendantiste, qui si elle s’imposait verrait sans doute suivre aux aspirations séparatistes de la Catalogne et de l’Ecosse, la Flandre, le Pays basque, la Padanie ou bien encore la Bavière ?
Pour l’IRISH TIMES de Dublin, la réponse pourrait être à trouver dans la recherche d’une identité européenne, même si, dans une Europe composée d’Etats nations, le défi est évidemment de taille. Mais pour y faire, l’UE possède des atouts et notamment les ingrédients nécessaires à la mythification d’un passé qu’elle peut faire remonter à l’Empire romain. Elle présente également d’autres particularités, qui servent en général à forger l’idéologie nationaliste : des symboles, comme l’hymne et le drapeau ; une mission collective autoproclamée, la poursuite de la paix ; et peut-être le plus essentiel de tous ces ingrédients pour la formation d’une identité collective, l’existence d’un “autre”, un rôle autrefois dévolu à l’Union soviétique et que d’autres candidats sont susceptibles de remplir aujourd’hui. Alors bien sûr, intégrer les différents Etats de l’Union dans cette vision est forcément ardu, et notamment car pour beaucoup d’entre eux, l’“autre” tel qu’il fut défini pendant le processus d’édification de la nation, se trouve être aujourd’hui un membre ami de la même structure politique supranationale.
Sans compter, poursuit le journal de Dublin, qu’il manque toujours à l’UE nombre des caractéristiques essentielles d’une fédération, en particulier, elle ne contrôle à ce jour ni l’armée, ni les forces de l’ordre, capables de s’assurer que la région reste sous son autorité. Font également défaut bon nombre de spécificités, en l’absence de langue commune, notamment, elle est aujourd’hui un kaléidoscope linguistique.
Et pourtant, malgré l’histoire différente, c’est vrai, de ses Etats membres et la baisse du soutien au projet européen, l’Union dispose de tous les éléments nécessaires pour former une communauté insiste encore le journal avant de conclure : plutôt que d’explorer l’euroscepticisme, dont les racines n’ont rien de surprenant dans une union composée d’Etats nations, ne devrions-nous pas explorer plutôt l’euronationalisme ?