Édition du 7 mai 2024

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Analyse politique

Le Parti québécois et Québec Solidaire ; : le grand écart de la gauche québécoise

La semaine dernière, je traitais des différences qui séparent les deux partis indépendantistes du Québec. Je crois qu’il vaut la peine de fouiller encore un peu ce sujet, car il se trouve au coeur du problème qui les éloigne l’un de l’autre.
On le sait, la raison d’être première du Parti québécois (PQ) est la souveraineté-association et en second lieu seulement la social-démocratie. Si le Québec devient une république, on ne peut être sûr qu’il adopterait pour de bon une forme de socialisme démocratique. C’est normal : tout dépendra de l’évolution historique de la société québécoise avec les aléas propres qu’elles comportent. D’ailleurs, lorsqu’on demandait à René Lévesque ou à un autre leader péquiste ce que deviendrait un Québec indépendant, ils répondaient ç peu près ceci :

"Le Québec sera ce que les Québécois en feront."

C’était une manière de dire que le régime social québécois évoluerait dans un sens ou dans l’autre, vers la gauche ou vers la droite. C’est le propre de toutes les sociétés humaines.

Dans le cas de Québec solidaire (QS), le but consiste avant tout à réinventer la social-démocratie et à faire reculer le rétrolibéralisme. Pour ce qui regarde ce qu’on appelle par convention la question nationale, sa position a longtemps été plutôt alambiquée, du moins jusqu’en mai 2017. Même depuis, en dépit de l’adoption formelle de l’indépendantisme par QS, la direction du parti a pris l’habitude de "patiner", vu la tiédeur de bon nombre de membres et de sympathisants face à cette option. Même à présent, en dépit du virage plus prononcé de ses porte-paroles en faveur de la souveraineté, une majorité de membres sont à tout le moins hésitants là-dessus.

Les prochains sondages nous apprendront si ce virage consolidera la position du parti et lui permettra de progresser dans les intentions de vote. Mais on peut en douter.

À ce jeu, le Parti québécois est le plus fort. Non seulement son but est clair, sans équivoque, mais il bénéficie d’une longue tradition de pouvoir (1976-1985, 1994-2003, 2012-2014). De plus, il a été fondé par un type prestigieux, René Lévesque, une figure historique, ancien ministre dans le cabinet libéral de Jean Lesage durant la Révolution tranquille. Il a donc marqué l’histoire récente du Québec.

Fondé en 2006, Québec solidaire a piétiné jusqu’en 2018 ; de 7% du vote en 2014, il bondit alors à 16.1%.. Il recule légèrement au scrutin de 2022 à 15%. La répartition de son vote lui a permis de faire élire un certain nombre de députés certes, mais sa position demeure fragile. Il n’arrive pas à sortir d’une certaine marginalité. Il fait figure d’éternel parti protestataire. Les sondages récents nous indiquent une montée remarquable du Parti québécois devant lequel Québec solidaire ne fait plus guère le poids.

Néanmoins, le pourcentage du vote qu’il draine serait très utile au PQ. Celui-ci va chercher environ 30% des intentions de vote selon les derniers sondages contre 17% pour QS. À elles deux, ces formations recueillent donc 47% du vote. Un rapprochement entre elles se révélerait donc fructueux. Mais est-il possible ? Et à quelles conditions ? Le Parti québécois devrait mettre de l’eau dans son vin indépendantiste et Québec solidaire dans son programme social-démocrate au profit de la souveraineté ?

Ici, tout est question de rapport de forces entre les deux formations. La montée du PQ indiquée par les sondages le place en situation de domination vis-à-vis de Québec solidaire. Il ne peut renoncer à sa raison d’exister, l’indépendance. Pour sa part, Québec solidaire n’a pas grand chose à gagner en se lançant dans un surenchère souverainiste. À ce jeu, le PQ sera toujours privilégié.

Québec solidaire doit donc insister sur la dimension sociale de l’existence nationale du Québec et tenter plutôt de rejoindre une majorité d’électeurs et d’électrices nationalistes autonomistes.

Une alliance de circonstances avec son rival péquiste ne peut être exclue si elle peut faire progresser la cause de Québec solidaire. Une bonne dose de pragmatisme se révèle ici nécessaire.

Le problème, c’est que l’indépendance demeure encore très minoritaire au sein de la population ; rien n’indique qu’elle retrouvera la force qui était sienne dans la décennie 1970 ou encore, momentanément, en octobre 1995.

On est donc envoyé à la case départ. Québec solidaire devrait miser sur son programme social-démocrate avant tout. S’il persiste dans la direction souverainiste, l’objectif premier de sa direction devrait consister tout d’abord à rallier sa majorité de membres hésitants à l’endroit de l’indépendantisme....

Jean-François Delisle

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