Édition du 14 mai 2024

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Santé

« On a remplacé l’hôpital par la prison »

Québec le 17 juillet 2023 – Le Collectif 1629, la Coalition rouge, le CLAR, le Groupe Lakay et
l’organisme Hoodstock s’allient à Mme C.E. pour dénoncer le manque de soins et le déni de droit auquel son fils fait face depuis février 20231
. Alors que ce dernier avait été amené en ambulance à l’urgence
afin d’obtenir des soins, le manque de lits à l’urgence psychiatrique aurait mené à son relâchement des services consultés, et ce, malgré l’avis médical de l’urgentologue selon lequel X devait être transféré à l’urgence psychiatrique. Monsieur X a donc passé 14 h à l’urgence générale sans recevoir aucune consultation psychiatrique, encore moins une période d’observation à l’urgence psychiatrique. À sa sortie précoce, constatant son comportement erratique, un usager du réseau de transport de la capitale a lancé
un appel au 911 afin de lui obtenir des soins. Plutôt que de lui procurer lesdits soins, des agents du Service de police de la Ville de Québec l’ont amené en détention. Il est actuellement incarcéré depuis 5 mois et demi dans un établissement de détention provincial au Québec, où ses conditions de détention détériorent son état physique et mental au mépris de ses droits élémentaires. Voici les dimensions du
déni de droit vécu par X :

⮚ Depuis mars 2023, X est maintenu en isolement 22 h sur 24 h parfois 23 h sur 24 h. Lorsqu’il est pratiqué au-delà de 15 jours consécutifs, l’isolement est considéré comme de la torture par de nombreuses instances internationales, dont l’ONU, et les tribunaux canadiens. Le Rapporteur Spécial des Nations Unies sur la torture, Juan E Menez., souligne que cette pratique devrait être totalement bannie dans le contexte de la détention provisoire et pour les personnes qui ont des problèmes de santé mentale puisque ses conséquences sont alors décuplées, voire irrémédiables.

⮚ De février à juin 2023, sa maman n’a réussi à lui rendre visite qu’à quatre reprises, car
l’établissement de détention annulait constamment les visites planifiées. De plus, X fut déplacé de centre de détention sans que Mme C.E. n’en soit informée.

⮚ X a été agressé au couteau au centre de détention. Il a subi 34 points de suture, dont 17 internes proches des organes vitaux. Selon lui, cette agression « fut une tentative de meurtre ». Le centre de détention n’a pas fait la lumière sur cette agression. Cette agression a aggravé sa condition antérieure et causé un choc post-traumatique qui n’a pas été traité.

⮚Les soins de santé mentale demandés lui ont aussi été refusés. Au mois de mars 2023, peu après l’agression au couteau, une audience se tient pour identifier la thérapie que le juge lui avait demandé de trouver pour être libéré en attendant son procès. Il fut plutôt incité à plaider coupable alors que le juge avait spécifié que l’audience visait à identifier une thérapie en attendant son procès. Il a plaidé coupable dans cet état sans obtenir les soins requis. Ce qui fait dire à sa maman : «  On a remplacé l’hôpital par la prison. On a remplacé les soins en santé mentale par la détention. »

Il est important de rappeler que le plaidoyer de culpabilité doit s’effectuer d’une manière
exempte de pression, librement et sans contrainte. Or, le contexte de racisme systémique, de
judiciarisation de la santé mentale et du phénomène des portes tournantes, intimement lié à la condition sociale des personnes, empêchent souvent les personnes marginalisées de considérer le plaidoyer librement et sans contrainte. En effet, les personnes racisées, plus à même d’être détenues avant procès, sont davantage susceptibles de plaider coupable à des accusations pour lesquelles elles ne sont pas coupables, ou pour lesquelles elles ont une défense à faire valoir, notamment pour se sortir de conditions de détention qui sont souvent « pires » avant procès.

« L’injustice que nous dénonçons s’inscrit dans un déni de droits humains qui est systémique. » relève Laura Doyle Péan du Collectif 1629

Pour combler le tout, Mme C.E. doit se battre, pour dénoncer l’injustice vécue par son fils, contre des stéréotypes islamophobes et racistes voulant que la parole et la colère des femmes racisées soit moins crédible et valide. À de nombreuses reprises, elle s’est fait dégrader par des personnes travaillant dans les institutions concernées, se faisant notamment dire "ici on est au Québec" par un agent correctionnel.

Mme C.E. vit au Québec depuis des décennies.
C’est pourquoi, en solidarité avec la maman de X, nous interpellons directement le ministre de la Sécurité publique afin que :

1- X ne soit plus maintenu en isolement, où il est à risque de développer des séquelles irréversibles ;
2- X ait accès aux soins dont il a besoin en raison de son état de santé précaire. Nous demandons qu’il en soit de même pour toutes les personnes incarcérées en situation de santé mentale
précaire ;
3- Une enquête indépendante et publique soit diligentée afin de faire la lumière sur l’agression au couteau dont X a été victime en détention ;

Une campagne de sociofinancement GoFundMe a également été lancée pour couvrir les frais juridiques et les frais de déplacements de la famille de X, afin qu’il puisse continuer de recevoir la visite de ses proches.

Notes
1. Afin d’éviter d’exposer son fils à d’autres agressions au centre de détention, nous le désignerons par X pour préserver son anonymat. Sa maman sera désignée sous l’acronyme C.E.

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