Édition du 28 mai 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Québec solidaire

Nos valeurs

Ce texte se veut une affirmation des valeurs féministes de Québec Solidaire. Il se situe en continuité aux luttes du mouvement des femmes.

Le 4 juin 1995, au Québec, c’est la Marche du Pain et des Roses qui va mobiliser plus de 15,000 femmes devant le Parlement. En 2000, c’est la Marche Mondiale des Femmes qui va mobiliser 6000 groupes de femmes dans 161 pays. Le 10 décembre 2004, le mouvement des femmes se dote d’une Charte Mondiale des femmes axée sur cinq grandes valeurs : liberté, égalité, solidarité, justice et paix et organise une marche à relais partout dans le monde en 2005. En 2010 c’est plus de 4500 groupes dans 150 pays qui prennent part à la Marche Mondiale des femmes. Les principales revendications avancées posent l’autonomie économique des femmes, la lutte à la pauvreté et la lutte contre les violences faites aux femmes.

Québec Solidaire doit reconnaître ces luttes et ce dynamisme du mouvement des femmes en lien avec toute la mouvance antimondialisation. Québec Solidaire doit saluer ces luttes et se situer en solidarité avec leurs revendications. C’est pourquoi nous pensons important d’affirmer, nous aussi, nos valeurs féministes. Québec Solidaire se veut un parti des urnes et de la rue.

Québec Solidaire est un parti mixte où les hommes sont en appui aux luttes des femmes. Mais les femmes demeurent les premières concernées par la lutte à leur exploitation et à leur oppression. Elles doivent être aux premières loges des mobilisations et pouvoir s’organiser entre elles pour faire avancer leurs revendications. C’est donc avec les yeux des femmes que nous abordons ce texte sur les valeurs, de façon à inciter leur participation et leur implication dans cet enjeu et pour que les hommes empruntent la voie que les femmes auront défrichée, en leur reconnaissant le rôle de pionnières.

Pour un monde différent égalitaire et féministe

Nous, les femmes, affirmons vouloir vivre dans un monde différent, égalitaire et féministe. Nous voulons le faire avec les hommes, avec l’ensemble de la société, mais cette lutte nous mobilise particulièrement comme femmes car nous vivons oppression patriarcale et exploitation capitaliste. C’est pourquoi nous voulons le dire avec les yeux des femmes et le « nous » du coeur des femmes.

Nous formons la moitié de l’humanité et notre rôle est important et indéniable. Malgré cela, les sociétés, ne reconnaissent pas encore notre force.

Soulignons que les femmes ont mené des luttes exemplaires pour l’affirmation de leurs droits avec la Marche mondiale des femmes et la Charte mondiale des femmes [1], à travers des luttes contre la violence faite aux femmes comme en Inde, des luttes contre la pauvreté, le droit au travail et la reconnaissance de la maternité. Toutes ces revendications pour les droits des femmes n’ont pas servi exclusivement aux femmes, elles ont fait avancer nos sociétés. Tous les combats des femmes visent le bienêtre collectif. C’est la force du mouvement des femmes.

Au Québec, les femmes sont devenues légalement des personnes en 1929. Elles ont pu avoir leur chèque de paye à leur nom en 1931. En 1940, elles peuvent voter. Les salaires égaux dans le même titre d’emploi dans la fonction publique sont devenus réalité en 1976. L’équité salariale a fait l’objet d’une loi en 1996 et son application finale date de 2010. Les avancées sont minces après presqu’un siècle de luttes.

Dans les sociétés actuelles, le système capitaliste tire avantage du patriarcat. Il profite du travail gratuit des femmes dans la sphère privée, pour s’occuper de la survie de l’humanité. Il tire aussi profit des bas salaires, du temps partiel, et du travail précaire des femmes. Le capitalisme se marie au patriarcat mais ne l’élimine pas. Pour éliminer les rapports sociaux de sexe, pour les rendre plus égalitaires, pour que les femmes aient une place à l’égal des hommes dans la vie sociale et politique, pour que le travail domestique et les soins aux enfants ne reposent plus sur le dos des femmes et que les femmes ne subissent plus la violence et l’exploitation sexuelle, il faut que nous, les femmes, soyons alertes et que nous nous mobilisions avec l’appui de l’ensemble de la société. Notre vigilance est notre seule garantie contre le patriarcat. . La société actuelle s’accommode, inculque, publicise, enseigne l’individualisme, l’égoïsme, le mépris, le luxe et le profit. Peuton rêver de vivre différemment dans la paix, la justice, l’égalité, le respect ? Peuton penser un monde différent égalitaire et féministe ? Pour changer cela, il faut penser autrement les relations entre les femmes et les hommes et les formes d’organisation sociale qui reproduisent tout cela. En ce sens, patriarcat et capitalisme forment deux systèmes d’oppression distincts, mais qui se renforcent mutuellement.

Nous, les femmes, luttons pour l’égalité, pour obtenir des droits : c’est essentiel. Mais patriarcat et capitalisme sont si intimement liés que les structures sociales doivent aussi être questionnées. Notre vision se veut systémique, Nous remettons en questions les rôles sociaux de domination des hommes sur les femmes qui servent le système capitaliste. Les hommes peuvent être nos alliés dans cette lutte en reconnaissant leur pouvoir, en le remettant en question et en s’unissant avec les mobilisations des femmes.

NOUS, LES FEMMES, VOULONS EN FINIR AVEC CE PATRARCAT ET CE CAPITALISME POUR NOUS-MÊMES, NOS ENFANTS, NOTRE FAMILLE ET NOS AMOURS.

Reconnaître notre droit à la participation à la vie démocratique

Nous, en tant que femmes, voulons prendre la place qui nous revient, celle que nous voulons prendre. Nous avons droit de dire notre opinion, de faire valoir nos points de vue dans les instances représentatives, dans les structures électives, dans les postes de responsabilités. Mais encore faut-il y être. Les structures actuelles de pouvoir sont des structures sexuées. Nous y sommes peu présentes. Les femmes demandent à être admises, mais peu dénoncent l’organisation patriarcale de fonctionnement. Une place oui mais pas sans changements dans le fonctionnement et les formes d’organisation.

Changer le mode de scrutin proportionnel doit permettre à chacun de nos votes de compter. Les femmes ont trop longtemps été sommées de voter comme leur mari, leur père. Peu osaient défier les consignes et certaines les suivent encore en 2012. Comme citoyennes, la parole des femmes doit compter et pas seulement par le vote. Les femmes doivent prendre leur place en politique et dans l’ensemble de la vie démocratique de notre société. Actuellement le conseil des ministres n’est pas paritaire et la proportion des femmes députées frôle à peine les 30 % (28,8 en décembre 2011) [2].Plusieurs obstacles freinent les femmes dans leur implication. La conciliation du temps, des horaires, des tâches entre le travail, la famille et les implications jouent un rôle prioritaire. Les idéologies sexistes et machistes des structures politiques et la course à la compétitivité et à la performance ne facilitent pas non plus l’envie des femmes à s’impliquer.

Instaurer des formes de démocratie participative permettant aux personnes élues d’être redevables devant les personnes qui les ont élues ; des mandats limités ; des élections à date fixe en dehors des horaires de vacances, des congés du calendrier scolaire et des jours fériés ; les droits d’associations et de manifestations reconnus ; tout cela est essentiel pour assainir le climat politique et permettre l’implication des femmes.

Mettre en branle la démarche de constituante est aussi important pour les femmes. Ce ne sera plus un seul parti qui définira le contenu de l’indépendance au Québec et qui décidera de l’avenir du pays. Dans la démarche vers l’indépendance, les femmes ont leur mot à dire. Seule l’assemblée constituante garantit que les femmes pourront partout au Québec faire connaître leurs revendications et leurs besoins pour un monde égalitaire et équitable.

NOUS VOULONS ÊTRE DES CITOYENNES À PART ENTIÈRE.

Reconnaître notre droit à l’égalité économique

Le marché du travail ne nous appartient pas en tant que femmes. Jeunes, vieilles, diplômées ou non, avec ou sans enfants nous sommes sous-payées si nous nous comparons aux hommes. Nos compétences, nos qualifications sur le marché du travail doivent être reconnues à leur juste valeur. L’équité salariale est la première marche vers l’égalité. Ne pourrions-nous pas reconnaître autant de valeur au travail des femmes qu’à celui des hommes, peu importe le secteur d’emploi. On a l’argent pour payer les hommes, pourquoi pas les femmes ?

Une vraie équité, c’est plus qu’un ajustement salarial. C’est un exercice social et non pas une compilation entreprise par entreprise comme le fait actuellement la loi sur l’équité salariale. Les femmes doivent aussi bénéficier de correctifs qui les empêchent d’accumuler ancienneté ou salaire suite à des maternités ou des congés pour enfants. L’équité salariale permet aussi d’assurer une retraite décente aux femmes âgées. Sans cela, les femmes âgées vivent dans la pauvreté. le marché du travail.

Quand les femmes entrent sur le marché du travail, elles partent désavantagées. On leur offre encore trop souvent des ghettos d’emplois sous payés et du travail à temps partiel (En 2011, 68,7 % des femmes de 15 ans et plus travaillent à temps plein, comme 79,8 % des hommes, et 24,3 % des femmes travaillent à temps partiel (11,8 % des hommes))8. On offre aux femmes des horaires qui ne tiennent pas compte de la maternité et du chômage. Lorsque des hommes occupent les emplois dans les ghettos féminins, les titres d’emplois semblent devenir plus prestigieux et reconnus (exemple chef cuisinier). La dévalorisation du travail des femmes se fait donc entre les emplois à connotation genrée, mais aussi au sein même des emplois occupés majoritairement par des femmes.

Le capitalisme profite aussi des femmes à la maison par le travail gratuit dans la famille : cuisine, ménage, éducation des enfants. Les femmes à la maison, les femmes pauvres, les femmes travailleuses sont trois aspects d’une même réalité des femmes d’aujourd’hui, car il existe un continuum travail gratuit à la maison, pauvreté pour les femmes et bas salaires comme travailleuses. C’est là, au sein de la famille, que le grand capital, pour faire plus de profit, se lie au patriarcat pour maintenir les femmes dans la soumission. Les femmes sont pauvres et demeurent globalement plus pauvres que les hommes, notamment parce qu’elles assument la plus grande part du travail gratuit à la maison et que leur travail sur le marché du travail n’est pas rémunéré et reconnu à sa juste valeur.

Pour prendre notre place, il faut que notre autonomie économique pleine et entière soit reconnue. Notre travail, de quelque ordre qu’il soit, doit être valorisé et payé à sa juste valeur. Le travail ménager et les soins aux proches que nous assurons doivent devenir responsabilité collective et création d’emplois syndiqués à l’exemple des réseaux des centres de la petite enfance (CPE). Notre vie ne sera plus isolée dans la maison, mais agissante et collective. La reconnaissance de la maternité et des soins aux proches nécessitent la mise en place de conditions pour faire des choix sans appauvrissement, sans aliénation et sans pénalité.

NOUS SOMMES DES TRAVAILLEUSES AU MÊME TITRE QUE LES HOMMES.

Reconnaître notre droit à la liberté

Notre corps est à nous, à nous seule. Il faut en finir avec les diktats du père, du frère, du mari, du pape, du médecin. [3]

C’est à nous de décider de nos maternités, de décider des enfants que nous voulons.

Le droit de choisir doit être reconnu aux femmes. Pour cela, il faut que les avortements soient accessibles et gratuits. Mais surtout que la contraception soit connue, accessible et gratuite. La connaissance du corps des femmes permet de choisir une contraception adaptée aux besoins.

C’est à nous de décider de notre orientation sexuelle.

C’est aussi une liberté fondamentale pour les femmes. Aucune pression, aucune répression ne doit accompagner le choix du ou des partenaires sexuels.

C’est à nous de décider de notre nudité. Notre corps nous appartient.

Le capitalisme, la mondialisation des marchés et le développement de technologies comme internet exposent plus que jamais les corps des femmes pour de l’argent que d’autres empochent. Les femmes sont exploitées. Les entreprises diffusent des images méprisantes des femmes allant jusqu’aux meurtres en direct. Le pouvoir sur les femmes devient valeur sousjacente. Cela doit cesser.

C’est à nous de décider de nos pratiques sexuelles, c’est un droit fondamental.

La marchandisation du corps des femmes et des enfants est un acte de violence qui a pris une ampleur extraordinaire à travers le monde. La violence envers les femmes est passée de secret de la maisonnée à une prise de conscience sociale.

C’est à nous et à nous seules d’avoir du pouvoir sur nos vies. Nous ne devons plus vivre en dominées et en victimes. Nous devons en finir avec les coups, les blessures, les pressions psychologiques, l’exploitation sexuelle et la traite ainsi que trop souvent les meurtres y compris des enfants.

NOUS SOMMES DES PERSONNES. NOUS REFUSONS LE MÉPRIS.

Reconnaître l’importance de la solidarité

Nous sommes femmes d’ici et nous avons jasé, appris, connu des femmes d’ailleurs. Le sort de toutes les femmes nous concerne.

Vivre en paix est loin d’être un luxe pour bien des femmes du monde. Les guerres civiles, les guerres localisées, les désastres écologiques entraînent des déplacements de population : majoritairement des femmes et des enfants. Les femmes y vivent viols et tortures. Arrivées dans les camps de réfugiés, leur sort est loin de s’améliorer. Les femmes immigrantes, vivent racisme et non reconnaissance de leurs compétences et expérience.

Nous sommes touchées et concernées par ce que vivent les femmes d’ici et d’ailleurs.

Au niveau mondial, les femmes vivent discrimination, racisme. Leurs droits sont brimés. Les maternités sont contrôlées, surmédicalisées, leur infertilité et leurs gènes sont objets de recherche. Leur savoir traditionnel, leurs cultures sont bafouées. Pour plusieurs d’entre elles, elles ont faim, nos enfants ont faim. Les femmes sont pauvres, surexploitées, malades, handicapées.

Mais nous sommes debout. Nous marchons. Nous luttons partout pour un monde différent, égalitaire et féministe. La solidarité et le soutien sont nos seules forces. Il faut le dire et le répéter : ce que les femmes gagnent pour le bien-être collectif sert aussi aux hommes, sert à tout le monde. D’autant plus grande sera notre unité, d’autant plus grande seront nos chances de changer le monde.

NOUS SOMMES SOLIDAIRES AVEC LES FEMMES D’ICI ET D’AILLEURS


[1Vous pouvez consulter la Charte mondiale des femmes dans le cahie d’accompagnement

[2Conseil du statu de la femme (2012). Portrait des québécoizses en 8 temps. Accessible via internet : http://www.csf.gouv.qc.ca/modules/fichierspublications/fichier-37-1646.pdf

[3Conseil du statut de la femme (2012). Portrait des québécoises en 8 temps. Accessible via internet : http://www.csf.gouv.qc.ca/modules/fichierspublications/fichier371646.pdf

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