Édition du 19 novembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Politique d’austérité

An 1 du gouvernement Couillard

Tout pour nous enfoncer le néolibéralisme dans la gorge

Le gouvernement Couillard a été élu le 7 avril 2014. Les organisations syndicales et populaires ont souligné ce triste anniversaire : « Un an de dégâts », dit la FAE, « le triomphe de l’austérité » ajoute la CSQ, « Un grand bond en arrière » déclare Québec solidaire. L’ensemble des organisations syndicales, étudiantes, populaires, féministes ou écologistes semblent s’entendre sur une chose : l’élection des Libéraux fut une vaste supercherie, un travestissement de démocratie et, pourrions-nous ajouter, un rejet de la politique péquiste des 18 mois précédents.

« La résignation politique des classes inférieures protège le capitalisme de la démocratie et stabilise le tournant néolibéral dont elle est le fruit »

Wolfgang Streeck, Du temps acheté, 2014, p. 91

Pourtant, si l’élection des Libéraux a pu surprendre, une fois au pouvoir, ils ne pouvaient qu’être un outil du néolibéralisme, qu’une force politique déterminée à mener le combat contre toute remise en question du rapport de force favorable à l’oligarchie. Les enjeux du développement de l’économie extractiviste, le transport des énergies fossiles et l’ouverture du nord aux minières sont des éléments clés de l’économie canadienne. Les libéraux devaient permettre que les mesures nécessaires à ce développement soient mises en place et éliminer tout irritant potentiel. Un blocage du transport du pétrole par exemple représente un frein pour l’industrie des énergies fossiles qui est central dans la stratégie des Conservateurs de Stephen Harper. Le gouvernement Couillard devait s’assurer que tout baigne dans l’huile...

Par ailleurs, faisant fi des engagements pris en période pré-électorale, ce gouvernement a entrepris de mettre à bas des pans entiers de ce que l’on appelle le « modèle québécois » qui est, en fin du compte, la somme des conquêtes sociales que les générations qui nous ont précédés avait su arracher de la table des grands. Afin de fournir de nouvelles occasions d’affaires à l’oligarchie, le gouvernement libéral entreprend d’amputer les services publics des moyens pour remplir leurs missions. Il mène des campagnes de relations publiques relayées par les chroniqueurs-mercenaires qui amplifient le message. Ce qui peut être profitable aux capitalistes doit être privatisé.

Par-delà les mesures régressives il s’agit surtout de casser la volonté de lutter chez les classes ouvrières et populaires et de mettre à bas les services publics jugés trop coûteux par la bourgeoisie décomplexée, tels sont les objectifs que se donne le gouvernement de Philippe Couillard. Dans ce contexte, croire que ce gouvernement peut être de bonne foi en quelques circonstances que ce soit relève de la naïveté extrême.

Il s’applique à ajouter une bonne dose de cynisme citoyen lorsqu’après avoir accusé le gouvernement Marois de hausser les tarifs des garderies, il impose lui-même une hausse plus importante encore de ces tarifs tout en appliquant l’approche utilisateur-payeur. Il réduit les budgets des ministères, coupe dans les programmes sociaux et sabre dans le personnel de la fonction publique s’assurant de perpétuer les conditions qui ont permise la corruption et la collusion si chère au clientélisme libéral. (1)

Il évoque une dette supposément trop lourde pour les générations à venir alors qu’il se dit prêt à allonger 50 milliards de dollars pour paver la voie au nord pour les minières dans un contexte de baisse prévue des redevances minières par son propre ministre des Finances. (2) On engage des chercheurs complaisants qui accoucheront d’études confirmant le gouvernement dans ses prétentions de prévenir une « catastrophe budgétaire », politique qui condamne à l’anémie économique. Et aussitôt que l’on approchera de l’atteinte de cet objectif, les Libéraux s’empresseront de promulguer de nouveaux avantages fiscaux et baisses d’impôts de façon à réduire la contribution des plus riches au budget de l’Etat et ainsi reproduire les conditions structurelles des déficits budgétaires de l’Etat.

Les L4ibéraux demeurent complètement sourds aux revendications citoyennes et mènent un combat d’opinion pour parer leur politique d’austérité d’une légitimité qu’elle n’a pas. En campagne électorale, les Libéraux sont demeurés silencieux quant à leur plan. Ils ont diabolisé la Coalition Avenir Québec comme le monstre qui allait détruire les services publics québecois. Ils dénonçaient les intentions du PQ de hausser les tarifs des services de garde. Au lendemain de leur élection, ils opèrent un virage à 180 degrés et imposent une politique d’austérité parmi les plus sévère. Pour un gouvernement n’ayant recueillit que 30% du vote populaire, il s’agit là d’un coup de force sans précédent dans l’histoire récente du Québec. Et f..k la démocratie...

Puis, on réactive un Plan nord qui offre sur un plateau d’argent les ressources québécoises minières multinationales pour pas grand chose en retour. On s’aplatventrit devant les exigences d’Ottawa dans le dossier du transport du pétrole par pipelines et/ou oléoducs. On court-circuite les processus d’évaluation environnemental dans le dossier de la cimenterie de Port-Daniel, un projet gigantesque en matière d’émission de GES qui est mené par des amis du parti. Le gouvernement demeure sourd à tout ce qui va à l’encontre de ces projets comme dans le cas de Cacouna et des bélugas. Les ministres font preuve d’une incompétence crasse : Yves Bolduc, David Heurtel, Sam Hamad, François Blais, Gaetan Barrette, Robert Poëti, Lise Thibault, nous pourrions relever tant de stupidités lues ou entendues de la part de ces personnages qui sont supposés incarner ce qui est de mieux au Québec. Et bien, c’est raté...

Bref, le gouvernement Couillard avait un agenda « caché », comme tout bon gouvernement néolibéral qui se respecte. Et il souhaite poursuivre dans cette orientation générale jusqu’à ce que les services publics soient à ce point lamentables, que ce qui est rentable sera rapatrié au privé et ce qui ne l’est pas soit carrément aboli dans l’indifférence générale ou maintenu dans un état pitoyable.

Par ailleurs, le gouvernement Couillard doit, pour éviter la montée de la colère populaire, casser toute velléité de résistance. Il n’y a pas d’alternative dit la maxime néolibérale. Le gouvernement Couillard s’applique à isoler les luttes étudiantes et adopte une posture répressive féroce pour lancer un message de fermeté vis-à-vis les secteur de la société qui oserait aller au-delà des limites légales imposées par l’Etat. Quitte à utiliser des procédés complètement orwelliens : par exemple, on reproche à la démocratie étudiante le vote à main levée alors que toutes les instances du PLQ utilisent la même méthode... (voir la photo plus bas prise le 21 octobre 2012) (3)

Diviser les salariéEs du privé d’avec ceux et celles du public, imposer une réduction drastique des conditions de travail dans la fonction publique, se montrer ferme dans l’intention d’imposer ces conditions de travail, avec une loi spéciale s’il le faut de façon à vider le droit de grève dans le secteur public de sa substance, telles sont les intentions des libéraux.

Pendant ce temps, les riches pavoisent...

Le bar est ouvert pour le Plan nord, il y aura de l’argent pour ouvrir le chemin aux minières et à leurs sous-traitants. Les Chambres de commerce pavoisent devant tant de zèle à réduire leurs contributions au budget québécois et félicitent le ministre Leitao pour son « courage » devant la grogne étudiante et syndicale. L’élite relève la tête et se félicite de pouvoir compter sur un si fidèle soldat. Les entreprises soulignent que le climat est de retour au beau fixe pour les « entrepreneurs. Il y aura bien quelques retombées de ces projets d’oléoducs, de pipelines, de mines à ciel ouvert, etc.

L’alternative existe et il n’en tient qu’à nous...

Oui il existe une (des) alternative aux politiques d’austérité tant du point de vue des mesures d’urgence à prendre dans le contexte actuel que’ au niveau des véhicules politiques et sociaux qu’il faut construire pour mener à bien ces mesures. Et il n’en tient qu’à nous d’en définir les contours. De redonner une vitalité combative à nos organisations syndicales et populaires afin de redonner espoir aux classes subalternes. De forger un outil politique comme Québec solidaire, un outil à la hauteur des enjeux et capable de résister aux chants des sirènes de l’oligarchie. De développer les luttes unitaires pour transformer le rapport de force actuel. La tâche est complexe mais elle est incontournable pour pouvoir relever la tête et imposer cette alternative. Le mouvement écologiste nous montre la voie dans sa résistance au passage du pétrole sur notre territoire. La lutte étudiante doit nous inspirer par sa tenacité. Les luttes syndicales doivent retrouver la vigueur nécessaire pour faire reculer les projets libéraux. Et il faut développer une alternative politique aux libéraux caquistes et péquistes tous unis dans leur volonté de faire casser toute volonté de progrès social. Ce n’est qu’à ce prix que nous pourrons revendiquer la démission des néolibéraux et la prise en main de notre avenir collectif.

Notes

1- Voir à titre d’exemple, le reportage de l’émission Enquête sur le dossier de Résidences Limoilou http://ici.radio-canada.ca/tele/enquete/2014-2015/segments/reportage/1511/logement-social-favoritisme-liberaux-roche-limoilou

2- http://affaires.lapresse.ca/opinions/chroniques/jean-philippe-decarie/201504/09/01-4859593-plan-nord-et-regime-minceur.php

3-Course à la direction du PLQ : les règles sont fixées http://www.radio-canada.ca/nouvelles/Politique/2012/10/21/001-vote-course-direction-plq-dimanche.shtml

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