Il faut pour cela défendre l’interdiction du port de signes religieux aux policier.ère.s, juges, procureur.e.s de la Couronne et gardien.ne.s de prison, tout en recentrant le débat sur la laïcité elle-même. Autrement, nous continuerons à enfermer le Québec dans un clivage vieux de 12 ans portant uniquement sur les signes religieux, un enlisement qui ne fait que contribuer à la stigmatisation de certain.e.s de nos concitoyen.ne.s, notamment de confession musulmane.
La laïcité est le principe selon lequel la politique dans son ensemble doit être séparée des religions. Puisque les désaccords portant sur les croyances particulières ne peuvent être tranchés démocratiquement sans porter atteinte à l’égalité et à la liberté de conscience et sans entraîner des divisions insurmontables, la loi des humains doit toujours l’emporter sur la loi divine.
Par conséquent, il serait incohérent de permettre le port de signes religieux à des employé.e.s de l’État en position d’autorité coercitive. Ceux-ci exercent le pouvoir politique dans sa forme la plus crue. Cela s’incarne entre autres par le port d’un uniforme, qui garantit la nécessaire apparence de neutralité des agents en question.
La question de l’apparence est ici loin d’être anodine. Pour prendre un exemple concret, imaginons un instant un policier, portant au cou un gros crucifix, rudoyer dans le cadre d’une arrestation un individu d’une autre confession religieuse ou d’une orientation sexuelle minoritaire. Une telle image ne nous poserait-elle pas problème, et ce, peu importe la justesse ou non du geste posé par l’agent en question ?
Mais il y a pire. Permettre le port de signes religieux à certains individus leur conférerait un privilège — celui de ne pas se conformer au code vestimentaire neutre, là où leurs collègues qui n’ont pas les mêmes convictions spirituelles n’auraient pas le droit de modifier leur tenue sur d’autres bases (convictions idéologiques, affiliations partisanes, sportives, etc.). Cela contreviendrait à l’égalité entre les citoyen.e.s et nierait la séparation entre politique et religions, une règle confessionnelle se voyant placée au-dessus d’une règle d’ordre public.
Toutefois, pour construire un pays vraiment laïque, Québec solidaire doit aller plus loin. Si l’on veut séparer la politique des religions, il faut retirer le crucifix du Salon bleu et mettre fin au financement public des écoles privées confessionnelles et aux avantages fiscaux accordés aux organisations religieuses.
Défendre ces mesures à l’Assemblée nationale mettrait le gouvernement caquiste dans l’embarras. S’il se veut vraiment défenseur de la laïcité, il n’aura d’autre choix que de les considérer. Et s’il les rejette, son projet apparaîtra comme incohérent et suscitant la division.
Ainsi, fort.e.s d’une position cohérente et rassembleuse quant aux signes religieux, nos député.e.s auront beau jeu de provoquer un véritable débat sur le sens de la laïcité, un débat trop longtemps détourné et ignoré dont le Québec ne pourra que bénéficier. Car la laïcité, il ne faudrait jamais l’oublier, est une des conditions fondamentales de la vie démocratique et de la capacité du peuple à exercer sa souveraineté.
*Ce texte a été cosigné par Amira Bouacida (militante, Laval) Antoine Bouchard (militant, Rimouski) Samuel Courtemanche (militant, Hochelaga-Maisonneuve) Sylvain Desjardins (militant, Bourget) Bálint Demers (militant, Hochelaga-Maisonneuve) Marijo Demers (ex-candidate, Saint-Hyacinthe) Nelson Dion (militant, Saint-Hyacinthe) Daniel Di Raddo (militant, Mercier) Amel Fève (militante Maurice Richard) Olivier Huard, (ex-candidat, Repentigny) Normand Lemyre (militant, Lévis) William Lepage (ex-candidat, Blainville) Michel Lépine (militant, Hochelaga-Maisonneuve) Ginette Moreau (ex-candidate, Shefford) Rabah Moulla (ex-candidat, Chomedey) Luz Maria Olguin, (militante, Mercier) Danielle Pelland (militante, Saint-Hyacinthe) Françoise Pelletier (militante, Saint-Hyacinthe) Michel Pilon (militant, Sainte-Marie-Saint-Jacques) Charles Rheault, (militant, Mercier) Suzanne Viens (militante, Saint-Hyacinthe) Cecilia Valdebenito (militante, Taschereau) Pierre Mouterde (militant Taschereau).
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