Deuxième d’une série de trois articles sur la stratégie gazière du gouvernement Couillard
premier article | troisième article
Là où le bât blesse, c’est que nos dirigeants présentent cette stratégie gazière comme un moyen de diminuer les émissions de GES et d’opérer la « transition de l’économie du Québec vers une économie plus sobre en carbone [1] ». Il s’agit là d’une véritable insulte à l’intelligence des Québécois.
Tout d’abord, le diésel et le mazout représentent moins de 15 % de l’énergie consommée au Québec [2] et leur remplacement par du gaz fossile ne diminuerait les gaz à effet de serre émis lors de leur combustion que d’environ 25 %. Le gain, par rapport aux émissions totales de GES, ne serait donc, au mieux, que de quelques points de pourcentage, alors que les cibles de réduction du Québec sont de 37,5 % pour 2030 et de 80 à 95 % pour 2050, par rapport à 1990.
Ces faibles gains ne seraient tout de même pas à dédaigner s’ils étaient réels. Ils ne le sont malheureusement pas, en raison des fuites qui se produisent lors du forage et du transport du produit, ainsi qu’après l’abandon des puits. Ces fuites ont des effets extrêmement néfastes car le gaz naturel est composé à 95 % de méthane [3] et l’impact du méthane fossile sur le réchauffement climatique est 20 fois plus élevé que celui du CO2 sur une période de 100 ans [4]. Dans le cas du gaz de schiste, dont le Québec est déjà un consommateur important, ces émissions fugitives peuvent représenter de 0,5 à 8 % du gaz extrait [5].
Ainsi, au final, dans une situation de statu quo où le nombre de véhicules et d’usines demeurerait stable, la contribution de la stratégie gazière du Québec à la lutte aux dérèglements climatiques serait au mieux marginale et pourrait même être négative, selon les taux réels d’émissions fugitives. Mais le statu quo n’est justement pas le but recherché par le gouvernement.
Tout au contraire, la stratégie du ministre Arcand vise à miser sur la faiblesse des prix du gaz naturel pour mousser le Plan Nord, pour soutenir la Stratégie maritime du Québec et, de manière plus générale, pour renforcer la compétitivité des transporteurs ainsi que des entreprises des secteurs primaires et secondaires implantées au Québec. Si elle porte les fruits attendus, elle mènera à l’implantation de nouvelles mines sur la Côte-Nord, à l’établissement de nouvelles usines en régions éloignées, notamment pour la transformation des métaux, ainsi qu’à l’intensification du trafic sur le Saint-Laurent, sur les chemins de fer et sur les routes du Québec. Plus cette stratégie aura de succès, plus la consommation de gaz fossile augmentera et plus la contribution du Québec au réchauffement climatique montera en flèche.
Appelons les choses par leur nom : la stratégie gazière du gouvernement est une stratégie industrielle dont les impacts environnementaux potentiels ne peuvent pas être balayés sous le tapis, quels que soient ses attraits d’autres natures. Il est indigne de notre gouvernement de prétendre qu’elle peut contribuer à l’atteinte des cibles de réduction des GES. Aller jusqu’à la faire passer pour une panacée qui nous dispenserait d’élaborer un véritable plan de transition énergétique, alors qu’il est urgent de s’affranchir des énergies fossiles, serait carrément cynique.
Carole Dupuis, coordonnatrice générale et porte-parole
Jacques Tétreault, coordonnateur général adjoint
Regroupement Vigilance Hydrocarbures Québec