Les gigantesques manifs du 15 septembre (environ 1 million de personnes dans 20 villes du pays) ont représenté un tournant décisif dans la réponse populaire aux mesures de la Troïka et du gouvernement Passos-Portas.
C’est en effet la plus grande manifestation que le Portugal a connue depuis le 1er mai 1974 (une semaine après la chute de la dictature).
Le 7 septembre, le Premier ministre Passos Coelho a annoncé les mesures les plus brutales : augmentation de 7 % de la contribution des salariés, public et privé, pour la Sécurité sociale (TSU), mais diminution de 5,75 % pour les patrons. C’est une attaque brutale, le transfert d’au moins 2 millions d’euros au patronat, avec la perte d’au moins un mois de salaire par an, et 60 000 chômeurs de plus.
Déjà l’année dernière, le gouvernement avait décidé de couper les salaires de toute la fonction publique : en supprimant le droit aux 13e et 14e mois. En juin dernier, la Cour constitutionnelle a déclaré ces mesures anticonstitutionnelles, et a averti le gouvernement que l’année prochaine elles devraient être abrogées.
Le Portugal est sous tutelle de la Troïka depuis mai 2011. Le mémorandum a été signé non seulement par le PSD et le PP mais aussi par le Parti socialiste. En effet, c’est le gouvernement de l’ex-Premier ministre socialiste José Sócrates qui a fait appel à l’intervention de la Troïka.
Au bout de quinze mois, les résultats sont évidemment catastrophiques : le chômage atteint 1, 3 million de travailleurs, les changements introduits dans le droit du travail ont pour but le précarisation totale.
Malgré le vol des salaires, la dette a augmenté de 18 milliards d’euros, et le gouvernement s’empresse de vendre tous les secteurs stratégiques qui sont encore publics, en privatisant les aéroports, la TAP (lignes aériennes), les postes, la RTP (télé), avant de s’attaquer aux transports et à l’eau.
À l’appel et initiative d’un groupe d’une trentaine de personnes qui subissent fortement la précarité et les effets de la crise, les manifs du 15 septembre ont montré le rejet général des politiques de la Troika et du gouvernement Passos/Portas. Des familles entières étaient présentes, les retraités accusant le gouvernement de voler leur retraites, l’emploi de leurs enfants et l’avenir de leurs petits-enfants. « Voleurs » a été un des mots d’ordre les plus entendus. Des milliers de gens qui avaient voté PSD ou PP le 5 juin 2011, qui se sentent trompés et rejettent ces mesures, ont participé aux manifestations. Pour les manifestantEs, il était clair que le gouvernement devait démissionner.
La veille de la manif, la CGTP, malgré l’appel des organisateurs, a hésité à rejoindre la mobilisation (« inorganique ») et ne s’est décidée que le jour-même.
Vendredi dernier, une réunion du Conseil d’État a eu lieu au palais de la présidence. Environ 15 000 manifestantEs ont tenu pendant plus de 10 heures, en criant « le Conseil d’État c’est nous, Passos dégage ».
À la fin de la réunion, le Premier ministre a annoncé qu’il laissait tomber la TSU, mais qu’il faudrait trouver d’autres mesures pour compenser le déficit. Un premier résultat direct des mobilisations populaires. Il y a une crise politique latente au sein de la coalition et une crise de légitimité du gouvernement.
Le Bloc de gauche a fait un appel aux oppositions pour une motion commune de censure du gouvernement au Parlement, et pour élargir les mobilisations sociales. Une nouvelle grève générale est à l’ordre du jour.
Alda Sousa, membre de la direction nationale du Bloc de Gauche, députée européenne
SOUSA Alda
* Publié dans : Hebdo Tout est à nous ! 163 (27/09/12).