Nous entendîmes le bruit des casseroles et les slogans de la cent-seizième manifestation nocturne contre la hausse des droits de scolarité. Le groupe n’était pas très nombreux, mais dynamique et tout à fait pacifique. De nombreux policiers à bicyclette ont encerclé les manifestants, un groupe de l’escouade tactique au moins aussi nombreux que les manifestants les suivait et les a projetés brutalement sur le trottoir. Le caractère sauvage et profondément brutal de cette opération nous a sidérés.
Bien sûr aucun média traditionnel n’en a parlé ni n’en parlera. Cette violence policière se répète maintenant tous les soirs, mais puisqu’elle n’est pas rapportée par les canards, c’est comme si elle n’existait pas. La plupart des médias ne savent même pas qu’il y a une manifestation tous les soirs, parce que n’étant pas toujours très populeuse, elle n’est pas digne de leur intérêt. Si Gilbert Rozon manifestait, même tout seul, pour recevoir des fonds publics, vous pouvez être certains que des dizaines de caméras et de micros seraient pendus à ses lèvres gercées.
Hier, c’était le défilé de la Fierté gaie. Sait-on ce que signifie ce défilé ? Sait-on ce qu’il commémore ? Il commémore les émeutes du Stonewall Inn en juin 1969, trois jours pendant lesquels les policiers ont dû se réfugier à l’intérieur du bar parce que les drag queens en avaient marre de se faire agresser et arrêter inutilement. Les policiers se sont fait lancer des bouteilles, des cailloux, des chaussures et tout ce que vous voulez. Évidemment, les renforts sont venus et les clients du bar ainsi que les drags ont été arrêtés. Mais, l’année suivante, il y a eu une marche commémorative pour dire que les gais et lesbiennes n’ont pas honte, d’où la Fierté, et qu’ils et elles revendiquaient leurs droits. C’est cela que nous commémorons par le défilé de la Fierté, c’est-à-dire la désobéissance civile, même pas pacifique, grâce à laquelle nos droits ont pu évoluer, sans laquelle je ne serais jamais marié, sans laquelle le magnifique défilé festif de Montréal n’existerait même pas.
Et je pense aussi aux suffragettes, qui ont permis aux femmes de la planète d’avoir enfin l’égalité devant les urnes et qui ont dû utiliser leurs aiguilles à chapeau, qui ont dû fracasser certaines vitrines et déranger les belles réunions de ces messieurs.
Alors, quand on me dit qu’il ne faut pas être violents, je me demande pourquoi ne pas être violents signifie que les flics peuvent brutaliser les gens qui ont le droit de s’exprimer et je me rappelle que certainEs ont été obligéEs d’être légèrement violentEs pour faire avancer nos droits et qu’aujourd’hui ces personnes sont des héros, mais pas les flics qui les tabassaient.
Je me dis aussi que les tyrans qui commanditent les violences policières sont aujourd’hui au pouvoir, mais qu’ils iront bientôt dans les poubelles de l’Histoire.
Le Québec est en marche et plein de gens se sont éveillés. Des assemblées de quartier se tiennent un peu partout, les citoyenNEs ont compris que la démocratie, ce n’est pas élire un dictateur pour quatre ans. On y mettra du temps, mais les choses vont changer dans notre pays.
Et les vrais démocrates savent que les gens qui manifestent dans la rue ne sont pas la source du chaos. UnE vraiE démocrate ne dit pas qu’il faut faire taire la rue, elle ou il dit qu’il faut écouter et réfléchir avant d’agir. Les tyrans, eux, agitent leurs matraques et revendiquent le monopole de la violence.