Sur le site de la Bibliothèque de l’Assemblée nationale, nous pouvons accéder à la Gazette officielle du Québec.
C’est, en règle générale, dans cette publication qu’il est possible de prendre connaissance des textes qui ont une « valeur officielle pour la gouvernance et la conduite des nombreuses sphères d’activité de la société québécoise. » Nous le savons, depuis au moins le 12 mars 2020, nous traversons une période exceptionnelle au Québec. Une crise sans précédent depuis l’épidémie de l’influenza (la grippe espagnole) en 1918. Depuis le 12 mars 2020, notre monde a basculé. Dans ce contexte, il a été question, à au moins une occasion, de la possibilité que la présente ronde de négociation dans les secteurs public et parapublic se conclut sur un décret gouvernemental.
Jour après jour, nous apprenons que le Gouvernement du Québec adopte des décrets.
https://www.pressegauche.org/Arrete-ministeriel-la-CSQ-invite-le-gouvernement-a-la-prudence .
Samedi le 21 mars, la FSSS-CSN émettait un communiqué indiquant qu’en cette période de pandémie de la COVID-19 et par conséquent de crise socio-sanitaire, le gouvernement Legault doit « miser sur le dialogue pour aider les anges-gardiens » du réseau de la santé. Le Gouvernement Legault a décidé, via un arrêté ministériel, de permettre de revoir les conditions de travail du personnel du réseau de la santé et des affaires sociales. Certaines dispositions des conventions collectives sont maintenant suspendues. Les employeurs ont, par conséquent, les pleins pouvoirs pour imposer de nouvelles conditions de travail en matière d’horaire de travail, de déplacement de personnel, de recours aux services des entreprises privés, de retour accéléré au travail de personnes en congé de maladie, etc.. Bref, avec cet arrêté ministériel (ou ce décret) les risques de dérive et de dommages collatéraux imputables à des décisions imposées de manière unilatérale, c’est-à-dire à l’extérieur des cadres de la discussion et du compromis négocié avec les représentantEs des salariéEs syndiquéEs, sont à craindre.
Oui, nous sommes en crise. Mais de quel genre de crise s’agit-il ? D’une situation exceptionnelle découlant d’un état de guerre ou d’une pandémie qui débouche sur une crise socio-sanitaire ? D’une situation qui demande au gouvernement de sortir l’artillerie lourde comme si nous étions confrontéEs à une menace militaire étrangère ou à un virus qui demande une mobilisation exceptionnelle de l’ensemble du personnel médical et la collaboration de l’ensemble de la population ?
En cette période de crise, le choix des mots a son importance et les pouvoirs à utiliser pour faire face à la situation où la santé publique est menacée par un virus doivent être adaptés aux circonstances. Peu ou prou chercheront noise au premier ministre de vouloir gouverner de la manière la plus efficace et la plus rapide. Mais, de là à recourir aux décrets en vue d’accroître les pouvoirs des gestionnaires, ce qui a pour effet de court-circuiter et de réduire à néant du même coup les canaux normaux de la coordination et de la collaboration avec les syndicats et le personnel qui dispense les services, il y a une marge à ne pas franchir. En ce moment, pour lutter contre le virus COVID-19, le personnel qui se déploie sur la ligne de front est un personnel principalement (mais non exclusivement) à l’emploi du réseau de la santé (en très grande majorité des femmes et aussi des hommes médecins, des infirmières et des infirmiers, des professionnelLES de la santé, des para-médics, des préposéEs aux bénéficiaires, etc.). Bien sûr, il faut qu’une direction assume une position de leadership en cette période de danger et de haut risque pour la santé publique. C’est davantage dans la voie de la collaboration et de la coopération que le travail sur le terrain doit s’effectuer. L’imposition autoritaire de directives non-négociées en provenance d’une autorité administrative qui n’a pas à appliquer sur le terrain ces directives, ne peut que laisser un sentiment amer chez celles et ceux qui feront les frais de certaines directives abusives et insensées, surtout après cette longue période d’austérité et de compression dans les réseaux de la santé et des services sociaux.
Où est le problème avec les décrets ?
Le problème avec les décrets en ce moment est le suivant : ils peuvent donner lieu à des applications abusives, à des dérives inacceptables et à des dommages collatéraux aux effets durables et prolongés. De plus, sur le site de la Bibliothèque de l’Assemblée nationale du Québec, il est indiqué ce qui suit au sujet des décrets :
« Important à savoir
Arrêtés en conseil ou décrets non publiés
IMPORTANT : Il est à noter que les décrets gouvernementaux (ou arrêtés en conseil) ne sont pas publiés systématiquement dans la Gazette officielle du Québec. La décision de publier ou non incombe au gouvernement en place. »
Bref, les décrets peuvent être adoptés en catimini.
Même si nous sommes en période de crise et qu’il faut se serrer les coudes, il faut rester vigileantEs devant les dirigeantEs qui sont au poste de commande de l’État. Nous le savons, « Le pouvoir corrompt » et, « le pouvoir absolu corrompt absolument. »
Conclusion
Nous avons appris, le 19 mars dernier, sous la plume de la journaliste de La Presse canadienne, Lia Lévesque, que "Le président du Conseil du trésor, Christian Dubé, l’a confirmé jeudi. "Il y a bel et bien eu une invitation à négocier de façon plus rapide qui a été faite à tous les syndicats. Nous avons également établi un cadre de négociation", a-t-il répondu par courriel".
Ainsi, le gouvernement Legault a un "cadre" de négociation. De quel cadre au juste s’agit-il ? Jusqu’à quel point ce cadre respecte-t-il les dispositions du Code du travail et de La loi sur le régime de négociation des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic ? Se pourrait-il, qu’une fois une entente de principe convenue avec une, deux, trois ou plus des organisations qui ont accepté l’invitation du gouvernement Legault de négocier dans un cadre accéléré nous nous dirigions vers l’adoption d’un décret valable pour l’ensemble des salariéEs syndiquéEs des secteurs public et parapublic ? En cette période où les rassemblements sont proscrits, est-il nécessaire de consulter les membres qui auront à vivre avec l’entente conclue derrière des portes closes ?
Je ne fais que soulever des interrogations ici.
Si tel est le cas, nous serions devant un gouvernement de décrets, sans qu’il n’ait eu à l’annoncer à coup de clairon et de trompette…
Yvan Perrier
Vous pouvez m’écrire à l’adresse suivante : yvan_perrier@hotmail.com
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