Tiré du blogue de l’auteur.
Chris Hedges, Les fascistes américains. La droite chrétienne à l’assaut des Etats-Unis, Lux, 2021
Il y a près de 20 ans, le journaliste américain Thomas Frank nous expliquait Pourquoi les pauvres votent à droite ?1 et, ce faisant, nous plongeait dans l’Amérique des réactionnaires et illuminés. En 2007, son confrère Chris Hedges faisait paraître Les fascistes américains. La droite chrétienne à l’assaut des Etats-Unis, livre aujourd’hui réédité par les éditions Lux.
Quinze ans ont passé, et la colère de Chris Hedges est toujours présente. Comment pourrait-il en être autrement ? Certes Donald Trump n’est plus au pouvoir mais la droite la plus réactionnaire est toujours aussi puissante avec ses pasteurs millionnaires, ses églises géantes, ses télévisions, ses radios, ses élus, ses hurluberlus et sa formidable capacité à attirer à elle les âmes perdues.
Des âmes perdues qui trouvent dans les groupes religieux fondamentalistes une solidarité, une bienveillance que le capitalisme sauvage s’emploie à piétiner chaque jour. Car l’Amérique fabrique à la chaîne des désespérés et des laissés-pour-compte, et nombreux parmi eux trouvent dans le christianisme de combat une explication à leurs malheurs et des raisons d’espérer. « A ces individus morcelés, perdus, [il] offre la plénitude, la clarté morale », nous dit l’auteur mais aussi le sentiment d’être supérieur à ces êtres faibles qui se vautrent dans la luxure et sont incapables de distinguer le bien du mal. C’est pourquoi la conversion est « vécue comme une expérience euphorique » au cours de laquelle on fait du passé table rase, on rejoint une nouvelle famille de coeur et d’esprit unie par un seul désir : « reprendre possession des Etats-Unis pour le Christ » !
« La droite chrétienne et les islamistes radicaux se ressemblent de plus en plus. Ils ont les mêmes obsessions », nous dit Chris Hedges. Haine des femmes aspirant à ne plus être épouse et mère et ce faisant creusant le tombeau de la famille, haine des homosexuels refusant de se soigner, haine des progressistes ennemis des traditions, des avorteurs, des intellectuels raisonneurs, haine des Juifs déicides également même si l’espoir d’un retour du Messie en terre sainte implique de soutenir les sionistes, haine de la science évidemment qui a « détruit les piliers idéologiques du christianisme littéral, selon lequel l’Univers tournait autour des chrétiens bénis de Dieu et servait leurs intérêts. » Haro donc sur Darwin, ce sadique dégénéré !
Le nouveau chrétien se doit d’être un guerrier car il a un monde à reconquérir par la parole, en attendant le glaive. Car ne pas croire à la toute-puissance de la parole divine, se tenir à l’écart du fondamentalisme qui dit le vrai et donc le Bien, c’est faire le jeu de Satan. « Si le mal est purement externe, écrit Chris Hedges, le travail de purification morale implique nécessairement l’éradication d’autrui. »
En 2007, Chris Hedges tirait la sonnette d’alarme : « Il faut cesser de tolérer les groupes qui cherchent à détruire la tolérance » ; « La passivité face à la droite chrétienne menace l’État démocratique ». La victoire électorale de Trump en 2017, l’attaque du Capitole en janvier 2021, la mainmise des réactionnaires sur la Cour suprême… autant d’éléments qui soulignent l’importance de la « bataille spirituelle » dans la compétition politique américaine contemporaine.
1. Livre initialement sorti aux Etats-Unis en 2004 et en France en 2013 : Pourquoi les pauvres votent à droite ? [« What’s the Matter With Kansas ? How Conservatives Won the Heart of America »], Marseille, Agone, « Eléments », 2013, 412 p.
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