Ya-Han commença par décrire les objectifs et la portée du projet. En voyant la carte illustrant les routes commerciales prévues, comment ne pas se poser la question suivante : Est-ce que la Chine est une nouvelle puissance impérialiste ? Pour Ya-Han, qui nous présente la situation de la perspective « officielle » du développement économique, la réponse est mitigée.
Elle commence par donner une synthèse du contexte économique et politique, expliquant que dés 1979, la Chine a pu tirer un avantage de sa démographie très élevée, centrale dans sa stratégie de développement économique : devenir l’usine globale pour les économies plus avancées. Ces dernières années, la société Chinoise à connu une augmentation des salaires moyens, plus particulièrement dans les villes côtières. La nouvelle route de la soie est pensée comme une « solution » pour le développement économique, permettant d’atteindre de nouveaux marchés. En plus d’une motivation économique, le projet incarne un objectif politique. Depuis 2013, le régime répète un discours dans lequel « Le Rêve Chinois » est central. Celui-ci s’inscrit dans un objectif à long terme, qui imagine la Chine comme « le pays socialiste idéal » d’ici 2049. Le pays espère en effet devenir une puissance globale et rattraper les États-Unis. Ce rêve chinois s’inscrit également dans un discours de « globalisation inclusive », plus ambitieux que le Consensus de Washington, qui permettrait d’unir les nations des ’seconds’ et ’tiers mondes’, non pas à travers des interventions politiques, mais à travers la « coopération économique » (bien entendu, en promouvant l’intérêt économique chinois). La liste des projets est terrifiante, incluant de nombreux trains à grande vitesse reliant les continents, des pipelines et des routes maritimes. Une de ces dernières part de la Chine en passant par le Sri Lanka pour arriver en Grèce, dans un port que la Chine a acheté.
Pour Ya-Han, il est trop tôt pour véritablement estimer les conséquences de ce projet, mais les inquiétudes de la diaspora chinoise servent d’avertissement. Quant à la population en Chine, la répression politique ne laisse pas de voix aux potentiels opposant.e.s au projet et le régime reste silencieux par rapport à la dimension environnementale du projet.
Sushovan Dhar apporte des éléments bien plus critiques du projet BRI dans son intervention. Concernant la situation économique de la puissance chinoise, il nous montre que les afflux monétaires, longtemps bien plus élevés que les sorties, se font petit à petit dépasser par ces dernières, ce qui peut remettre en question le rêve d’une croissance infinie. En 2017, les sorties on dépassés les rentrées.
Les investissements et constructions à l’étranger s’élèvent à près de 1,9 trillion de dollars, et les entreprises privées s’imposent de plus en plus comme investisseurs.
En Inde, la plus grande source d’investissements étrangers est de la Chine, qui met en place des projets non seulement dans la péninsule indienne mais dans toute la région, notamment à travers un colossale couloir industriel, le China-Pakistan Economic Corridor (CPEC). Celui-ci s’accompagne des conséquences malheureusement habituelles de ce genre de projets : des déplacements, des bidonvilles, la betonnisation de la nature. La Chine dépasse le Japon comme créancière principale envers le Pakistan, qui a déjà une dette faramineuse envers la Chine, s’élevant à 19 milliards de dollars, soit un cinquième de sa dette extérieure totale.De plus, le Pakistan est censé donner à la chine 100 millions de dollars d’ici 2024 en « contrepartie » des investissements ! Le Sri Lanka, écrasé par une dette également impressionnante envers la Chine fut offert une solution alternative face à cet endettement : céder à la Chine une partie de son territoire côtier, le port de Hambantota ! Une entreprise privée Chinoise aurait donc un droit d’usage et de construction de zones industrielles pour 99 ans.
Quant à l’Afrique, les investissements de la Chine sont comparables à ceux des puissances occidentales, mais ces derniers pourraient bientôt se faire dépasser. En effet, le commerce sino-africain augmente à une tendance de 20 % par an ! Le BRI, comme l’indique la carte, concerne aussi largement le continent Africain avec des réseaux ferroviaires passant par le Nigeria, le Kenya, l’Éthiopie, la Tanzanie, l’Algérie, l’Angola. En plus de ces investissements à hauteur de dizaines de milliards de dollars, des zone franches seront crées notamment au Congo-Brazaville.
Plusieurs problématiques ressortent de ces investissements : La République démocratique du Congo, par exemple, devrait à la Chine plus de 25 % de son économie, la Zambie et le Mozambique respectivement 10 et 25 %. Des problèmes de corruption, d’extractivisme, de dégradation environnementale en tout genre et de la viabilité des projets ferroviaires sont à pointer du doigt, sans oublier que ces projets sont en fait des moyens de booster l’économie chinoise.
En Asie du Sud-est, l’influence de la Chine se ressent très fortement. Émanant d’une relation historique entre les deux sous-continents, les développements régionaux sont fortement liés à la Chine malgré une présence persistante, mais à la baisse, du Japon. Le rôle grandissant de la Chine dans les économies de la région s’opère en parallèle d’ une hausse de la présence militaire chinoise dans la « mer de Chine », ce qui suscite des inquiétudes dans la région.
De nombreuses conséquences du projet BRI sont déjà évidentes ou faciles à imaginer. Premièrement, un endettement colossal envers la Chine, déjà bien entamé. Ensuite, comme dit plus haut, l’influence grandissante, politique, économique et militaire de la Chine en Asie du sud-est.
Sushovan fini sa présentation en revenant sur le passé de son pays, l’Inde : n’oublions pas que la colonisation de l’Inde par l’empire Britannique commença avec une charte commerciale…. Avec ces éléments en tête, difficile de ne pas adhérer à une vision de la Chine comme nouvelle puissance impérialiste. Les réaction de l’audience étaient nuancées mais soutenaient principalement une vision de la Chine comme impérialiste. Un participant Tunisien, ne niant en rien les problématiques liées à ces nouveaux investissements chinois, met tout de même en lumière les sentiments de la population Tunisienne, certainement similaire aux ressenties d’autres peuples. Après des décennies, même des siècles, de colonialisme et néo-colonialisme occidental ayant plongé les pays du Sud dans une précarité grandissante, l’arrivé de la Chine suscite un espoir de changement, même si, dans l’inconscient collectif, cela reste de passer de la peste au choléra.
Camille Bruneau
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