Outre le fait que j’aie dans mes cartons de quoi écrire pour les vingt années à venir sans discontinuer, je ne vais pas non plus à Paris pour voir la tour Eiffel pas plus que je ne visite le stade Olympique tous les jours depuis que j’habite Montréal.
On ne va pas nécessairement quelque part pour « faire », mais pour « être ». Pourquoi donc faudrait-il toujours faire quelque chose ? Cette obsession de l’activité est bien occidentale ; elle est semblable à cette autre manie que nous avons, et dont je parlais récemment avec une camarade, de vouloir à tout prix meubler le silence de nos paroles, alors que d’autres cultures s’accommodent très bien de passer du temps ensemble sans même parler, sans même agir, comme le font les amoureux et comme devraient pouvoir le faire les amis.
Petit aparté analogique : Cela me ramène aux derniers moments que j’ai passés avec mon père. J’étais dans sa chambre de CHSLD et je lui tenais la main sans mot dire. Il me regardait, je le regardais. Il tombait assoupi par moments. Un instant, il releva la tête et me demanda : « Ça doit être plate pour toi. » Je répondis : Non, est-ce que c’est plate pour vous ? Il fit signe que non. Eh, bien, ce ne l’est pas davantage pour moi. On est bien là ; ça me suffit.
Pour revenir à notre sujet, l’art de ne rien faire, n’en déplaise aux maniaques de la production, est aussi nécessaire à la vie que l’art de l’action. C’est pourquoi pendant mes vacances j’en profite pour accomplir mon activité préférée : Rien.
Les croyants appellent ça prier ; les philosophes et les sages appellent ça méditer ; les pragamatistes appellent ça recharger ses batteries ; les hédonistes appellent ça se reposer ou se gâter ; les intellectuels du réalisme critique appellent ça l’état de latence ; les humanistes appellent ça se recueillir, ce qui au sens propre signifie « ramasser ses morceaux pour se refaire une unité dans la diversité de son expérience ».