Édition du 17 décembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Révolution écosocialiste

L’écoféminisme

L’écoféminisme est la mise en commun des forces de l’écologie et du féminisme, mais aussi de l’économie et de l’écosocialisme. Dans cet article, un survol de l’histoire et des termes relatifs à l’écoféminisme, pour se repérer.

La destruction de la planète est due à l’appât du gain inhérent au pouvoir masculin.
 Françoise d’Eaubonne, 1972 in Adams, 1993

Mise en bouche

« Pollution », « destruction de l’environnement », « démographie galopante » sont des mots d’hommes, correspondant à des problèmes d’hommes : ceux d’une culture mâle. Ces mots n’auraient pas eu lieu dans une culture femelle, reliée directement à l’ascendance antique des Grandes Mères. Cette culture-là aurait pu n’être qu’un misérable chaos, comme celles d’un Orient qui, tout phallocratique qu’il soit, relève bien plus d’« Anima » que d’« Animus » ; il semble qu’aucune de ces deux cultures n’aurait pu être satisfaisante, dans la mesure où elle aussi aurait été sexiste ; mais la négativité finale d’une culture de femmes n’aurait jamais été ceci, cette extermination de la nature, cette destruction systématique, en vue du profit maximum, de toutes les ressources nourricières.
 Françoise d’Eaubonne, 1974 (p.36)

Comme membres de Québec solidaire (Qs), nous savons toutes et tous que le parti est, ou tend vers le féminisme. Pour plusieurs, c’est même une des raisons primordiales pour lesquelles iels sont devenu.es membres. Nous avons dans nos instances la volonté de toujours agir avec bienveillance envers l’Autre. Nous nous sommes même donné.es une Commission nationale des femmes (CNF), une forme de garde du vécu, du senti, des idées et des réflexions féministes.

Alors que nous jetons les bases d’un nouveau collectif au sein de Québec solidaire (Qs), il nous paraît utile de faire un survol de ce qu’est l’écoféminisme dans sa constitution et son histoire. À nous de nous approprier la langue pour faire avancer les causes.

Lorsque l’écoféminisme parle de « pouvoir masculin » et attribue au genre masculin son lot de problèmes, il ne s’agit pas d’accuser « les hommes », mais bien de distinguer des visions et des pratiques différentes selon les genres. Rappelons-nous que les genres ont toujours une certaine fluidité.

Il semble que les écoféministes qui sont nos contemporain.es aient un discours qui vise moins généralement le « masculin », au profit de termes plus spécifiques. En effet, il est maintenant préférable de parler du colonialisme, du patriarcat et du capitalisme, pour ne nommer que ces problèmes. Ainsi, Corrie Scott nous dit :

La subjugation de la femme à l’homme fait alors partie de l’héritage colonial qui continue d’avoir un impact sur les femmes aujourd’hui comme en témoigne, entre autres, le nombre de femmes autochtones disparues ou assassinées. [...] La violence patriarcale est également intrinsèquement liée à la création et à l’établissement du Québec.
 Corrie Scott, 2024, en attente de publication

Or, la violence patriarcale n’affecte pas que les femmes, mais l’ensemble de la population, sans distinction.

Dans son article à paraître, Scott cite aussi Leanne Betasamosake Simpson, qui relie les violences faites aux femmes au patriarcat et au colonialisme. De là, il n’y a qu’un court pas à franchir pour comprendre que la création et l’établissement du Canada n’ont été possibles que par la motivation capitaliste de posséder, de posséder toujours plus, sans égard à la Terre et celleux qui la peuplent.

Je pense qu’il ne suffit pas de simplement reconnaître que la violence faite aux femmes existe, mais qu’elle est intrinsèquement liée à la création et à l’établissement du Canada. La violence sexiste est au cœur de notre dépossession, occupation et effacement continus et les familles et les communautés autochtones ont toujours résisté à cela. Nous avons toujours riposté et organisé contre cela – nos grands-parents ont résisté à la violence de genre, nos jeunes s’organisent et résistent à la violence de genre parce que nous n’avons pas d’autre choix (Betasamosake Simpson 2014 : s.p.).
 Leanne Betasamosake Simpson

Environnement et écologie, deux concepts relatifs aux deux genres dominants

Alors que les activités anthropiques (humaines) sont les principales responsables des changements climatiques, il existe pourtant un clivage selon le genre pour l’apport de solutions aux crises qui sont déjà actives. Ainsi, dans la lutte pour l’écologie, il importe peu d’être homme ou femme ; la tâche est lourde et les ouvri.ères peu nombreuses, a dit un certain Palestinien, il y a plus de deux-mille ans. Pour les besoins de cet argumentaire, les termes homme et femme font référence à des manières d’agir générales, l’animus et l’anima.

Chez les hommes (animus) qui s’intéressent aux changements climatiques, comme Elon Musk et Richard Branson, on voit une forte tendance à se limiter à chercher des solutions pour pérenniser les conforts du système capitaliste comme en fait foi ce rapport du Comité Environnement et Développement durable [!] de la CSN, où l’on peut lire au sujet des dommages causés à l’écologie qu’ils « découlent de plusieurs décennies de décisions prises dans une logique de recherche de profits à tout prix et de surconsommation » ; les femmes (anima), elles, avec les moyens qui leur sont impartis, cherchent à réduire les causes de la dégradation de l’environnement, en agissant plutôt sur l’écologie, dont font partie les questions d’alimentation, de la qualité des sols, etc. Tout ça, en étant les moins payées, à travail égal et en assurant en plus, la majorité des tâches non-rémunérées reliées à l’éducation des enfants et la tenue de la maison. Les hommes s’intéressent aux technologies environnementales qui faciliteront le maintien d’une forme ou l’autre du capitalisme, tandis que les femmes veillent à la préservation et à l’amélioration de l’écologie, ce système même qui, loin du capitalisme, voit à soutenir la vie sur Terre.

J’exploiterai votre territoire et je le détruirai. Aujourd’hui, vous voyez, il est encore très propre et, vous le savez, toutes les sortes d’animaux que vous avez, les animaux indiens sont encore propres. Tous sont encore bons à manger. Plus tard, je gaspillerai et je salirai vos animaux, toutes les espèces d’animaux indiens. À l’avenir, votre territoire ne sera pas aussi propre que maintenant et vos animaux ne seront pas aussi propres que maintenant. Qu’en pensez-vous ? Après que j’aurai gaspillé et sali vos animaux, est-ce que vous, les Indiens, aimerez les manger même s’ils ne sont pas propres ? Par exemple, c’est dans les égouts que vous prendrez toutes les sortes de poissons que vous avez, si à l’avenir vous voulez les tuer pour votre nourriture.
(Kapesh, 2022 : 19)

Les hommes veulent continuer de transporter personnes et marchandises afin de faire fructifier certains domaines économiques ; les femmes, elles, se demandent comment nourrir leur communauté lorsque les abeilles auront complètement disparu à force de pesticides et autres biocides encore trop largement employés, que les terres, épuisées de leurs ressources ne produiront plus d’aliments nutritifs et que les guerres et la cupidité auront détruit la Vie et toutes les possibilités qu’elle offre, il faut le dire, gratuitement. Les uns parlent encore de développement durable alors que les autres, à la suite de Françoise d’Eaubonne et de multiples autres, parlent, elles, de modes de vie durable. Et elles s’y engagent.

S’engager sur le terrain en tant que citoyen.ne ordinaire, c’est devenir membre d’un petit équipage épars qui a un combat en commun. Un équipage lié par cette conviction partagée : la situation est désespérée, changer le monde est difficile, mais il faut néanmoins essayer. C’est ce ciment qui nous fait tenir, bien plus que la certitude de voir les choses changer dans l’immédiat ou même de notre vivant. Il s’agit de refuser, ensemble, cette idée supposément raisonnable et pragmatique selon laquelle améliorer notre monde est absolument impossible. De refuser de croire que ce qui est, est immuable.
 Mélikah Abdelmoumen, 2023

Le mouvement écoféministe fait des petits

L’asservissement des femmes et celui de l’environnement sont étroitement liés. Les premiers écrits écoféministes, par exemple, le livre qui a lancé le mouvement environnemental aux États-Unis, Silent Spring, de Rachel L. Carson, ont célébré une perspective dans laquelle les femmes sont reconnues comme ayant des liens plus étroits avec la nature. En France, c’est Françoise d’Eaubonne qui donne le ton et le nom à cette nouvelle vague, l’écoféminisme. C’est elle qui, en français, identifie la théorie du genre en écoféminisme. C’est aussi grâce à sa relève, par exemple, Vandana Shiva ou Wangari Maathai du Kenya, que l’on peut maintenant dire que le genre et l’environnement ont été articulés ensemble de manière plus puissante et ont eu plus d’influence dans le monde majoritaire.

Et la planète mise au féminin reverdirait pour [toustes] !
 Françoise d’Eaubonne (1920-2005)

Le travail d’une femme n’est jamais terminé.

Il vaut mieux avoir rendez-vous avec les femmes qu’avec l’Apocalypse.
 Françoise d’Eaubonne, dans Goldblum, p.58

Ainsi, au Québec par exemple, plusieurs groupes écologistes, tout comme plusieurs groupes environnementaux, sont coordonnés par des femmes, sans budget, ou ceux, minimes, accordés par le gouvernement provincial, au moyen de maigres enveloppes très convoitées. Il faut savoir que seulement 6% des groupes écologistes sont subventionnés et qu’il est toujours plus difficile de faire comprendre au gouvernement que l’expression « groupes écologistes » est une entité différente du terme « lobbyistes ». Des femmes au Front commun pour la transition énergétique (FCTÉ) ; au Réseau québécois des femmes en environnement (RQFE) ; au Réseau québécois des groupes écologistes RQGE ; dans de petits groupes dits grassroots, de la base, comme Action-Environnement Basses-Laurentides (AEBL), et tant, tant d’autres qui se donnent corps et âme dans une lutte à finir avec les gouvernements majoritairement masculins et tous capitalistes, afin d’arracher ici et là quelques améliorations à l’environnement et l’assainissement de l’écologie. Des femmes qui briguent des postes de députées dans l’espoir non seulement d’atteindre la parité de représentation femmes-hommes, mais aussi dans le souci de porter la cause de l’écologie dans les sphères décisionnelles. Des femmes comme cette maraîchère de la région de Lanaudière, qui accompagne sa communauté à la recherche d’une meilleure alimentation et cette autre, qui veille au fonctionnement du modèle coopératif de sa ferme à Mont-Tremblant : des écoféministes qui travaillent d’arrache-pied afin de nourrir leur monde tout en prenant soin de la Terre.

Il y a aussi ces femmes autochtones, dont les Aînées, qui vouent à la Terre le respect qui lui est dû ; elles tentent aussi de préserver leur culture de nourriture et de soins par les herbes, fleurs et fruits qui sont à disposition de toustes, même si ces traditions ont été muselées au profit de l’avancement de la colonie. Certains Inuit et certaines Innues ont publié quelques ouvrages qui nous éduquent sur les sujets chers à leurs communautés. Les écrits des Innues Natacha Kanapé-Fontaine, Naomie Fontaine et Joséphine Bacon, pour ne nommer que celles-là, sont des écrits forts qui font le plus souvent abstraction des détails pour aller à l’essentiel : Pour survivre, il faut travailler ensemble. Mais pour y arriver, il faut s’éduquer, connaître et comprendre pour ensuite partager avec l’Autre, peu importe qui iel est. Nous sommes passagères et passagers sur le même vaisseau, il faudra apprendre à connaître son voisin, tôt ou tard et, dans plusieurs cas, faire la paix.

An Antane Kapesh, la première écrivaine Innue, mère de huit enfants, dénonce en 1975, dans son livre Eukuan Nin Matshi-Manitu Innushkueu traduit par José Mailhot (Je suis une maudite sauvagesse), que lorsque le Blanc est arrivé sur les terres innues, qu’il les a envahies à escient d’exploiter et de détruire le territoire, «  il n’a demandé de permission à personne, il n’a pas demandé aux Indiens s’ils étaient d’accord. Quand le Blanc a voulu exploiter et détruire notre territoire, il n’a fait signer aux Indiens aucun document disant qu’ils acceptaient qu’il exploite et qu’il détruise tout notre territoire afin que lui seul y gagne sa vie indéfiniment. Quand le Blanc a voulu que les Indiens vivent comme les Blancs, il ne leur a pas demandé leur avis et il ne leur a rien fait signer disant qu’ils acceptaient de renoncer à leur culture pour le reste de leurs jours. » (Kapesh, 2022 : 15)

Ce sont ces paroles fortes qui, bien qu’avec des mots différents de ceux des Blancs, expriment très bien ce qu’est le colonialisme (l’arrivée du Blanc exploiteur), le capitalisme (le Blanc exploiteur et destructeur au seul nom du profit) et ainsi, inscrit An Antane Kapesh comme écoféministe dans sa dénonciation et dans son fait d’écriture.

[…] l’écoféminisme peut être vu comme une proposition théorique et politique de décroissance, formulée à partir d’une critique sexiste du système économique capitaliste et des modes de gouvernance politique et institutionnelle. Ces rapports mettent en vis-à-vis les inégalités entre dominants et dominés et l’exploitation des ressources. Le péril écologique va jusqu’à rendre visible les limites du système patriarcal parce que, comme l’affirme d’Eaubonne : « Lorenz a raison : aucune société (mâle) ne peut prendre la relève. » Le système mâle vient de faire la preuve de son incapacité à répondre aux enjeux que pose la crise écologique globale.
Françoise d’Eaubonne, 1974, 2020, p. 73

Les gouvernements et la résistance

It was expected that Newspeak would have finally superseded Oldspeak [standard English] by about the year 2050. Meanwhile, it gained ground steadily. All party members tended to use Newspeak words and grammatical constructions more and more in their everyday speech.
 George Orwell, 1984 (1948)

(On s’attendait à ce que la novlangue supplante finalement les anciennes formes de l’anglais usuel autour de l’année 2050. Entre-temps, elle a gagné du terrain petit à petit. Tous les membres du parti utilisaient la novlangue en mots et constructions grammaticales au fur et à mesure de leurs adresses quotidiennes [Ma traduction].)

Pendant ce temps, les hommes du gouvernement, messieurs Benoit Charette au Québec et Steven Guilbault au fédéral, ressassent, d’un côté, un vocabulaire vidé de son sens et fabriquent, assistés d’attachés politiques bien éduqués aux usages corporatistes, des constructions syntagmatiques dénuées de sémantisme (économie verte, capitalisme vert, développement durable, etc.) et de l’autre, parlent de mesures insensées, comme le 3è lien, le développement du Nord, les oléoducs (Coastal Gaslink) qui tentent d’en finir avec le peuple Wet’suwet’en de l’Ouest de l’Île-de-la-Tortue en mettant sous les verrous l’anima de ce peuple qui dénonce son génocide et celui de la Terre, sans s’étendre sur l’éco-blanchiment (greenwashing), l’utilisation du nucléaire ou même, de l’explosif hydrogène (qu’il soit gris ou vert), sans même parler de la militarisation des forces de l’ordre et les subventions canadiennes et américaines, entre autres, consenties aux guerres. Tout cela afin de passer pour, de Paraître, comme des défenseurs de l’environnement, alors que ce qui importe, merci Michel de Montaigne, n’est pas le Paraître, mais l’Être. Le temps que ces sbires font perdre à la société, particulièrement aux femmes, mais aussi à la planète, aux générations qui, peut-être, suivront, est incalculable.

Avant le capitalisme, dernier venu vieillissant et résistant, avant le féodalisme, avant le phallocratisme, le pouvoir féminin, qui n’atteignit jamais la dimension ni le statut de matriarcat, se fondait sur la possession de l’agriculture ; mais c’était une possession autonome, accompagnée d’une ségrégation sexuelle, selon toute vraisemblance ; et voilà pourquoi il n’y eut jamais de véritable matriarcat. Aux hommes le pastorat et la chasse, aux femmes l’agriculture ; chacun des deux groupes armés affrontait l’autre ; telle est l’origine de la prétendue « légende » des Amazones. Quand pointa la famille, la femme pouvait encore traiter de puissance à puissance, tant que les fonctions agricoles continuaient à la sacraliser ; la découverte du processus de fécondation – celle du ventre comme celle du sol – sonna le glas de sa fin. Ainsi commença l’âge de fer du deuxième sexe. Il n’est certes pas terminé aujourd’hui. Mais la terre, elle, symbole et ancien fief du ventre des Grandes Mères, a eu la vie plus dure et a résisté davantage ; aujourd’hui, son vainqueur l’a réduite à l’agonie. Voici le bilan du phallocratisme.
Françoise d’Eaubonne, 1974 (p.37)

Tandis que le ministre Charette et son cabinet envoient des missives aux activistes, jurant, entre autres, que « l’asphalte est durable », les femmes se démènent, organisent des manifestations, des sit-in, des pétitions et des élections. Oh ! Bien sûr que plusieurs hommes sont alliés ! Chez Vigilance OGM, à la Fondation Rivières, à Greenpeace, et au Centre de ressources sur la non-violence, à L’Union paysanne, se trouvent de magnifiques exemples d’hommes alliés. N’oublions pas les collègues de Révolution Écosocialiste qui, pour certain.e.s, sont actifs et actives en journalisme citoyen auprès de Presse-toi à gauche ou encore, aux Nouveaux Cahiers du Socialisme, qui, individuellement et collectivement, livrent des batailles pour l’écologie. Pourtant, ce sont bien les femmes qui sont beaucoup plus nombreuses que les hommes à souffrir d’épuisement, qu’il se nomme burn-out, éco-anxiété ou fatigue de compassion. Ce n’est pas un concours, mais un simple constat.

Il ne s’agit plus de tenter d’améliorer ou de changer le monde, « mais d’agir pour qu’il puisse y avoir encore un monde. »
Goldblum 2019, p.99

Comme mentionné précédemment, les femmes autochtones du Canada allient toutes leurs luttes, sans relâche. « On constate une puissante composante féminine qui touche non seulement le mouvement social, mais l’évolution actuelle de l’art autochtone au Kanata et au Kébec. Ensemble, ces femmes au front prônent un art de guérison individuel et un art de protection écologique de la Mère-Terre, donc un art universel. » (Guy Sioui Durand, 2016, p. 6)

Prétendre que seul l’engagement qui modifie les structures à long terme vaut la peine, nous autorise à ne pas agir.
 Mélikah Abdelmoumen, 2023

Quelques termes

Tout d’abord, s’entendre sur quelques définitions. Voyons la petite mise au point terminologique qui suit.

Selon le Dictionnaire Le Robert, l’environnement est « l’ensemble des conditions naturelles et culturelles qui peuvent agir sur les organismes vivants et les activités humaines », tandis que l’écologie, elle, est « une doctrine visant à un meilleur équilibre entre l’homme et son environnement naturel ainsi qu’à la protection de ce dernier. C’est aussi le courant politique défendant ce mouvement ». En d’autres mots, le domaine de l’environnement est général, alors que celui de l’écologie est spécifique. Comme pour la dichotomie de genre, ces deux termes ont des activités reliées qui sont différentes. Au plan sémantique, l’environnement a un vocabulaire maintenant dilué, après plus de 60 ans de luttes et de récupération par l’industrie et les gouvernements, tandis que la militance écologique tente, en plus de ses autres batailles, de préserver le plus possible l’intégrité de son vocabulaire associé.

Sous Écologie, une définition et une observation : « Science qui étudie les milieux où vivent et se reproduisent les êtres vivants, ainsi que les rapports de ces êtres avec le milieu ». « L’écologie se subdivise en plusieurs branches : l’autoécologie, la synécologie, mais aussi la bioclimatologie, l’écophysiologie, la biocénotique, la dynamique des populations, l’écogénétique, la biogéographie et bien des aspects étudiés traditionnellement en agronomie ». On note que cette nomenclature n’inclut pas l’écoféminisme. On retrouvera le terme sous sa propre entrée, plus loin sur le site.
L’écosocialisme, lui, n’existe pas sur les plateformes qui viennent en aide aux langagier.ères. Ni Termium, ni le Grand dictionnaire terminologique n’offrent d’explication. J’en ai trouvé une : L’écosocialisme (également connu sous le nom de socialisme vert ou d’écologie socialiste) est une idéologie fusionnant des aspects du socialisme avec ceux de la politique verte, de l’écologie et de l’altermondialisation ou de l’anti-mondialisation.

Pour l’écoféminisme, «  Cette construction de l’esprit s’oppose à la fois à l’environnementalisme et au féminisme humaniste pour lier l’oppression de la femme (plus « naturelle » que celle de l’homme) à celle de la nature. Paradoxalement l’écoféminisme risque de revamper des thèmes chers à l’extrême-droite : ‘ À insister sur la naturalité de la femme, on risque tout simplement de reconduire les clichés les plus éculés sur l’intuition féminine, la vocation à la maternité et l’irrationalisme de ce qui pourrait bien, dès lors, passer pour le deuxième sexe ‘. »

N’en déplaise aux auteurices de Termium, il est maintenant de mise d’adopter une approche plus intersectionnelle à l’écologie qui, comme définie d’abord pour les luttes féministes, s’adapte facilement pour décrire les circonstances nouvelles créées par les crises climatiques. Selon Wikipedia, l’intersectionnalité « désigne la situation de personnes subissant simultanément plusieurs formes de stratification, domination ou de discrimination dans une société. Ainsi, dans l’exemple d’une [femme] appartenant à une minorité ethnique et issue d’un milieu pauvre, celle-ci pourra être à la fois victime [de sexisme,] de racisme et de mépris de classe ». Ajoutons donc à ce portrait les effets de la menace des guerres et des crises climatiques, issues des guerres ou, de manière presque plus banale, du capitalisme, les effets de l’âgisme, du capacitisme et du fait que les femmes sont toujours, globalement, sous-représentées dans les sphères décisionnelles. On comprendra maintenant que ces « détails » s’ajoutent au portrait de l’écoféminisme, en incluant les gains de la troisième vague du féminisme. Comme le définit la FAE : «  Le féminisme intersectionnel permet de mettre en lumière les multiples discriminations qui peuvent toucher les femmes et surtout l’indissociabilité de ces discriminations. »

L’écosocialisme [et donc, l’écoféminisme] peut se concrétiser en une pratique qui permet d’allier la lutte des classes à la lutte contre tous les systèmes de domination qui menacent la vie sur Terre.
 Jenny-Laure Sully, www.cahiersdusocialisme.org

Pour terminer

Les genres masculin (animus) et féminin (anima) de l’espèce humaine ont une perception différente de l’environnement et de l’écologie, complémentaire, la plupart du temps. Pourtant, rares sont les mâles qui dénoncent le plus grand contributeur de gaz à effet de serre : le complexe militaro-industriel américain et sa franchise canadienne, qui passerait même devant l’exploitation industrielle des animaux pour la consommation humaine, pourtant très néfaste, dans le décompte des pollueurs. Car Il ne faut pas oublier que dans les chiffres terrifiants des apports délétères du transport, où l’on propose la solution mitoyenne des transports individuels électrifiés, il y a ceux des émanations du plus grand pollueur au monde, l’armée américaine, cachées au vu et au su de toustes. Les avions dont les moteurs roulent 24 heures sur 24, sur le pied de guerre, tout autour des côtes étatsuniennes, les camions aussi, les armes en joue, les guerres perpétuelles sur le terrain ou par procuration (Ukraine et Palestine à l’heure d’écrire cet article) n’en sont que quelques exemples.

Le jour où leurs options mâles de macho-gauchistes seront anéanties par la conscience d’une urgence, d’une nécessité brûlante : faire sauter le cycle de consommation-production au lieu de lui aménager une nouvelle forme vouée au même échec et conduisant à la même mort, le féminisme aura vaincu, car le féminisme aura triomphé.
Françoise d’Eaubonne, 1977 (p.47)

Or, qui sont ces voix qui s’élèvent contre la guerre et l’utilisation d’armes de destruction massive, traditionnelles et maintenant bactériologiques ? Au-delà des Medea Benjamin, Cindy Sheehan et Naomi Klein, ces femmes autochtones de l’Inde, d’Afrique et d’Amérique du Sud, anonymes pour la plupart, qui luttent sans relâche pour que cessent les agressions tant sur les femmes que sur l’écologie, mais aussi, plus précisément, exhortent les nations, somment même directement les pays guerriers comme les États-Unis et le Canada, de mettre fin à leur barbarie séculaire. Nous savons toustes que l’énergie nucléaire n’est pas une bonne solution, mais qu’en est-il de tout cet armement nucléaire, dans des mains moins que rassurantes ? Quelles menaces, quels dommages sommes-nous encore disposé.es à tolérer ?

S’engager, c’est aussi s’intégrer. C’est échapper aux assignations culturelles, religieuses ou familiales liées à l’origine pour embrasser et construire une histoire en mouvement.
 Edwy Plenel, cité par Abdelmoumen, 2023

Donc, oui, mettons en place des capteurs solaires et des éoliennes, qui peuvent aider à nourrir le parc énergétique de manière saine, peu coûteuse et sécuritaire. Roulons en Tesla usagée, mais au moins en Prius 2005 ; elles sont encore très en forme pour la plupart. Mieux, prenez les transports publics si votre région vous en propose et militez pour leur gratuité ! Il faut agir vite et bien. Surtout, cessons l’exploitation des animaux, que ceux-ci soient bipèdes ou quadrupèdes, qu’ils parlent en mots ou en onomatopées. Encourageons la cessation des « produits alimentaires » génétiquement modifiés au profit d’une agriculture qui soit saine pour les écosystèmes, dont nous, en tant qu’humain.es, faisons partie au même titre que les autres animaux. Et, de grâce, faisons cesser les guerres. Immédiatement.

Or, l’armée est reconnue pour être l’une des institutions les plus polluantes en raison de sa consommation vorace de matières premières et de ressources énergétiques (dont les hydrocarbures) et de tous les déchets toxiques qu’elle laisse sur son passage. Or, même avec une armée de dimension modeste, comme on peut imaginer celle envisagée ici, on voit mal comment cet écueil peut être surmonté.
 Beaudet, Constantin, Mayer, 2021

Chris Hedges, le journaliste américain, reprend, à peu de choses près, les idées de l’écoféminisme lorsqu’il dit que :
«  L’avidité du capitalisme devra être contenue ou détruite. Nous devrons retrouver notre admiration pour le sacré […] pour que nous puissions enfin voir la Terre et chacun de nous, non comme des objets à exploiter, mais bien comme des êtres vivants devant être respectés et protégés. Cette régénération nécessitera cependant une vision bien différente de la société humaine.  »

Mettons les verbes de la citation au présent, « que l’on détruise dès à présent l’avidité du capitalisme, afin de retrouver notre sens inné du sacré en faisant d’abord cesser les guerres, nous pourrons, peut-être, enfin voir la Terre et chacun.e de nous comme des êtres vivants respectés et protégés. Sinon, nous faisons fausse route et notre race, la race animale, sera disparue de la Terre dans moins de 100 ans.

Comme mentionné au début de l’article, l’écoféminisme est la mise en commun des forces de l’écologie et du féminisme, mais aussi de l’économie et de l’écosocialisme. Il est plus que temps de mettre les sinistres rabougris à la retraite et de laisser la place à des femmes, des femmes de tête et de coeur, soucieuses, appuyées par les hommes qui sont leurs alliés, de réparer la Terre et de la laisser aux générations futures encore probables dans un meilleur état que celui où elle nous a été prêtée. Laissons-nous inspirer par la sagesse et la compassion des auteurices autochtones dont la vocation de protection de la Terre et de tout ce qu’il l’habite perdure depuis la nuit des temps.

Laissons enfin la place à l’anima, celle qui lui revient d’intelligence naturelle axée sur la vie et laissons l’animus se « pencher sur sa vie comme sur un cahier à composer des rimes pour ses vieux péchés au lieu d’en inventer  » de nouveaux, pour ajouter à la destruction déjà fort bien entamée.

Il est cependant clair que la crise climatique ne peut être résolue sans changer notre système économique de façon radicale. On ne peut ignorer les liens entre le capitalisme, le néolibéralisme et la destruction écologique. Il est urgent de repolitiser la question climatique et environnementale.
 Achard et Bernard, NCS automne 2023, p.13

L’autrice, Lucie Mayer, est artiste lyrique, enseignante de musique et de pose de voix, traductrice et réviseure candidate à la Maîtrise à l’UQTR et, à cette même université, poursuit ses études au microprogramme en Études autochtones. Cet article est le résultat d’une édition de son dernier travail au DESS qui portait sur l’écoféminisme. Elle a été candidate à deux élections provinciales sous la bannière de Québec solidaire (2014 et 2018). En 2016, après une chute, elle développe une mobilité différente ; son slogan pré-électoral de 2018 était « Même assise elle est debout ». Elle a tenu plusieurs responsabilités militantes au sein de Qs et milite maintenant auprès de Révolution écosocialiste, d’Action Environnement Basses-Laurentides, au sein du CA du RQGE en plus d’autres occupations dans des domaines variés. Et, malgré les mauvais pronostics, elle est toujours debout, vit dans les Laurentides avec chéri et le chat du voisin.

Bibliographie

Abdelmoumen, Mélikah, Les engagements ordinaires, UQAM 25, 2023

Achard, Flavie et Bernard, Milan, Des gouvernements irresponsables face à l’urgence climatique et à la détérioration de notre environnement, Nouveaux Cahiers du Socialisme, Éditorial, No. 30, automne 2023

Adams, Carol J. (editor), Ecofeminism and the Sacred, Continuum, 1993

Beaudet, Normand, Constantin, Louise et Mayer, Lucie, Relations 811, Québec solidaire en faveur d’une armée : un choix contre nature, Hiver 2020-2021. https://cjf.qc.ca/revue-relations/publication/article/quebec-solidaire-en-faveur-dune-armee-un-choix-contre-nature/ et https://www.erudit.org/fr/revues/rel/2020-n811-rel05684/94423ac/

Brisson, Pierre-Luc, L’âge des démagogues. Entretiens avec Chris Hedges, Montréal, Lux, coll. « Futur proche », 2016, cité par Dorion, Catherine, Les têtes brûlées, Carnets d’espoir punk, Lux, 2023

Buckingham, Susan, International Encyclopedia of the Social & Behavioral Sciences (2è édition), 2015

Conseil central du Montréal métropolitain (CSN), Pandémie COVID-19, Pour une sortie de crise verte, sociale et démocratique, 2021

D’Eaubonne, Françoise, Le féminisme ou la Mort, Paris 1974 ; réédition Paris, 2020
Dupuy, Alexandra, Lessard, Michaël et Zaccour, Suzanne, Grammaire pour un français inclusif Nouvelle édition revue et augmentée, Somme Toute, 2023

Guy Sioui Durand, 2016, p. 6

Goldblum, Caroline, Françoise d’Eaubonne et l’écoféminisme, Le passager clandestin, 2019

Kapesh, An Antane, Eukuan Nin Matshi-Manitu Innushkueu traduit par José Mailhot : Je suis une maudite sauvagesse, édité et préfacé par Naomi Fontaine, Mémoire D’encrier, 2022.

Katan, David and Taibi, Mohamed, Translating Cultures, An Introduction for Translators, Interpreters and Mediators, Third Edition, Routledge 2021

Larousse.fr

Lerobert.com

Lefebvre-Faucher, Valérie, Promenade sur Marx, micro r-m, 2020

Sully, Jenny-Laure, L’écosocialisme contre toutes les guerres de domination, Nouveaux Cahiers du Socialisme, No. 28, L’écosocialisme, une stratégie pour notre temps, NCS, 2022

Un autre jour arrive en ville, Tout va bien, Beau Dommage, Capitol ST-70.048, 1977
Viennot, Éliane, En finir avec l’homme, Éditions iXe, 2021

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