Tiré du blogue de l’auteur.
1. Sur les résultats (92% dépouillés), cinq remarques :
– Le parti Bleu blanc (Kahol Lavan) et le Likoud arrivent en tête avec respectivement 33 et 32 sièges sur 120 ;
– Mais le Likoud et ses alliés naturels sont loin de la majorité espérée : 56 sièges au lieu de 61 sièges (Likoud 32, Yamina - A droite 7, et les deux partis religieux ultra-orthodoxes 17) ;
– Tout dépendra du Parti russe d’Israël Beiteinu (Israël notre maison, 8) ;
– Seule surprise réjouissante par rapport aux sondages, les fascistes de Otzma Yehudit (Puissance juive) ne franchissent pas - et de loin - le seuil de 3,25% et n’ont donc aucun député ;
– Contrairement à des rumeurs insistantes les annonçant hors de la Knesset, le Parti travailliste et les sionistes du Meretz s’y maintiennent, bien qu’à un niveau très bas : respectivement 6 et 5 sièges ;
– Enfin la Liste unie obtient un bon score : 12 députés.
2. En fait, il s’agissait moins d’élections législatives que d’un plébiscite, avec deux objectifs pour Netanyahou : être reconduit à la tête du gouvernement droite/extrême droite/ultra-orthodoxes, et éviter la prison au terme des procès pour corruption qui l’attendent.
Pour l’emporter, le Premier ministre n’a hésité devant aucun moyen, à commencer par la création artificielle d’une psychose de guerre. Dans la plus totale impunité, Israël, depuis des mois, a bombardé la Syrie, l’Irak et le Liban. Sans parler de Gaza, qu’il menace d’une guerre totale - Il a même été question de reporter les élections pour cause d’opérations militaires....
3. Ce référendum a littéralement écrasé le débat de politique intérieure et extérieure. Mais il est vrai qu’aucune alternative n’était proposée aux électeurs :
– La Liste arabe unie défendait une autre orientation, mais elle n’a pas pour vocation de rassembler l’électorat juif (même si un certain nombre de juifs ont voté pour elle) ;
– La gauche sioniste (Parti travailliste et Meretz), qui a dominé le paysage politique pendant des décennies, est désormais proche de l’agonie, et ses alliances ont aggravé la situation ;
– Le parti Bleu Blanc ne se différencie guère du Likoud. Quand Netanyahou a annoncé l’annexion d’un tiers de la Cisjordanie et une guerre d’ampleur contre Gaza, Benny Ganz l’a accusé...de « copier son programme » !
3. En réalité, la véritable bataille se déroule au sein de la droite et de l’extrême droite :
– Avigdor Liberman, qui veut la peau de son ex-mentor, s’est transformé en héraut de la laïcité : il a pris prétexte du blocage de la loi sur la conscription universelle (incluant les jeunes ultra-orthodoxes, jusqu’ici dispensés) pour empêcher Netanyahou de former au printemps une coalition. Il va sans doute poursuivre son chantage, mais jusqu’où ?
– Au sein même de la coalition, Ayelet Shaked (la femme au parfum « Fascisme ») a rassemblé l’extrême droite nationaliste religieuse avec Yamina pour se préparer à la succession ;
– Enfin plusieurs « princes » du Likoud, dont Benny Begin, le fils de l’ancien Premier ministre, ont pour la première fois refusé de voter pour leur parti.
4. Au-delà des péripéties politiciennes, ce scrutin confirme la droitisation de l’opinion :
– À preuve, l’évolution de son attitude sur l’annexion de la Cisjordanie. En 2016, 70% des sondés s’y déclaraient hostiles. En 2019, ils ne sont plus que 28% ! Entre-temps, il est vrai, la loi du 6 février 2017 l’a légalisée, et Donald Trump l’a légitimée s’agissant de Jérusalem et du Golan. Et Netanyahou a annoncé coup sur coup l’annexion des colonies, puis celle de la Vallée du Jourdain et enfin de Hebron. Quant au pourcentage de partisans de la solution dite « des deux États », il est tombé de 53 % à 34 %.
– Autre symptôme : la montée du racisme. Selon une enquête réalisée en mars 2018, il cible les Arabes (76 %), les demandeurs d’asile (75 %), les Éthiopiens (72 %), les ultra-orthodoxes et les LGBT (65 %), les Juifs orientaux (43 %) et enfin les Russes (39%)... Un sondé sur quatre affirme en avoir été lui-même victime. Enfin plus de 90 % des sondés pensent que les autorités ne font pas grand-chose ou rien pour éradiquer le racisme en Israël. Et 71 % jugent même que les politiciens et les leaders religieux radicalisent les discours racistes ;
– De fait, jamais Netanyahou n’avait mené une campagne aussi violente contre les Arabes, accusés de « vouloir tous nous détruire – femmes, enfants et hommes ». Il a même tenté d’imposer la présence de militants munis de caméras dans les bureaux de vote à forte densité arabe, sous prétexte la fraude - alors que la plupart des tripatouillages recensés le 9 avril étaient le fait du Likoud. La Knesset a heureusement refusé.
5. Reste à savoir jusqu’où le gouvernement d’union nationale qui se profile poursuivra la radicalisation entreprise par Netanyahou, avec :
– La loi fondamentale 19 juillet 2018, qui officialise l’apartheid (article 1 : « Seul le peuple juif a droit à l’autodétermination ») ;
– L’annexion de tout ou partie de la Cisjordanie ;
– L’arsenal liberticide composé d’une dizaine de lois votées depuis dix ans, comme celle qui permet à 90 députés d’exclure de Knesset… tous les autres !
– Les alliances avec tout ce que l’Europe compte de populistes, quand bien même ils sont antisémites…
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