Attiser les flammes devient très facile lorsque l’opinion publique est sous l’emprise de la désinformation. Le jeudi 16 octobre, Mahmoud Abbas a déclaré qu’Israël fait exactement ce qu’il faut pour susciter la révolte, alors que les Israéliens continuent à blâmer les Palestiniens pour « attiser les flammes ». Alors, qui est vraiment responsable ?
L’équilibre entre le gouvernement et la presse est ce qui est au cœur de la démocratie. Quand il y a une brèche dans cet équilibre, le lecteur peut être influencé par certains agendas politiques. Dans ce cas, on ne reçoit pas d’informations qui permettent – à un homme ou une femme – de tirer des conclusions sur la base de la réalité sur le terrain. Quand la désinformation devient ouvertement le titre d’un journal réputé, alors le lecteur moyen va le voir comme la vérité (il faut dire que beaucoup de lecteurs pensent que NRG appartient encore au quotidien Maariv – ce qui n’est pas vrai). Dans la foulée de récents rapports du terrain, il ne fait plus aucun doute que les médias israéliens doivent être contrôlés.
Ecouter les médias palestiniens
Si dans le passé les Palestiniens ont écouté et regardé les médias israéliens pour savoir ce qui se passe là-bas [dans Israël pré-1967], les Israéliens devraient écouter les médias palestiniens pour savoir ce qui se passe ici. La plupart des Israéliens ne font pas cela. En réalité, la lecture de reportages provenant de sources d’information palestiniennes sur la guerre – et durant la guerre – est considérée par beaucoup comme un acte de trahison. Cela malgré le fait qu’il y a un grand avantage à connaître les façons de s’exprimer de « l’ennemi », comme il le fait dans ses propres médias. Cela est particulièrement vrai en temps de guerre.
Dans une période de coopération entre les services de sécurité, l’establishment politique et la presse, cela transforme les médias en un puissant outil pour façonner l’opinion publique. Et malgré le fait que l’ère numérique a rendu possible pour les gens d’avoir accès à n’importe quel sujet, la majorité de la population dépend toujours des grands médias.
L’opération « Bordure protectrice » a marqué une nouvelle étape dans la façon dont les événements ont été traités par les diverses agences israéliennes de renseignement, l’Etat, les médias et le public – à la fois en Israël et dans le monde. Souvent, de simples faits – des pièces d’un puzzle qui composent la vérité – ont disparu ou ont été déformés afin de présenter une image qui a servi l’ordre du jour politique du gouvernement Netanyahou. Par exemple, pendant la guerre (qui a été appelée une « opération » pour des raisons économiques – mais surtout pour des raisons de mise en forme du discours officiel – afin d’insister sur le fait que nous entreprenons une opération pour éliminer un « problème »), Israël n’a pas permis aux journalistes d’entrer à Gaza, sauf pour une courte période au cours d’un cessez-le-feu, pendant laquelle ils ont été accompagnés par l’armée israélienne pour des séances de photos pré-planifiées.
Le rôle des médias dans l’exaspération
Aujourd’hui, nous assistons à des affrontements intenses entre Palestiniens et forces de police israéliennes à Jérusalem-Est et en Cisjordanie. Cela, après que les médias et la police ont tenté d’empêcher la publication de reportages sur les « vagues de violence » qui ont eu lieu au cours des derniers mois. Les journaux israéliens se sont abstenus de chroniques jusqu’à ce que des Israéliens fussent tués dans l’attaque [4] qui a coûté la vie à un bébé de trois mois et une femme, et blessé sept autres à un arrêt de tramway de Jérusalem.
Seulement alors les journalistes commencent à compter le nombre de cocktails Molotov ou de lanceurs de pierres. Certains d’entre eux ont même décidé de déclarer le « commencement » de la troisième Intifada. Et tout cela alors que les médias palestiniens ont suivi et assuré des articles et reportages sur la violence contre les Palestiniens, à la fois par les forces de sécurité israélienne ou des colons. Violences commises de manière régulière. Ces « violences » sont présentées sous différents titres, tous incluant le mot « Intifada » : Intifada du prisonnier, l’Intifada du Ramadan ou l’Intifada Al-Aqsa. Et maintenant nous avons la Jérusalem Intifada.
En regardant les médias palestiniens, on en apprend sur une Intifada qui est continue et en train de changer dans son intensité et sa fréquence depuis quelque temps. En Israël, cependant, ces événements ne sont pas « comptés » comme une véritable troisième Intifada. Rappelons-nous qu’intifada signifie soulèvement. Depuis les manifestations à Al-Aqsa il y a deux semaines, les médias israéliens ont fait des reportages sur les événements à Jérusalem. Cependant, ces rapports sont souvent biaisés, avec des trous et plein de désinformations qui « excitent » le public.
L’article d’Assaf Gabor dans NRG, qui déclare faussement que le premier ministre palestinien a visité la tombe d’Abdel Rahman al-Shaludi, qui était derrière l’attaque de l’arrêt du tramway de Jérusalem, constitue un excellent exemple d’un compte rendu qui peut provoquer l’escalade dans l’opinion publique israélienne.
Il faut dire que tous les Palestiniens, y compris des personnalités palestiniennes, sont obligés de passer par les points de contrôle en se rendant des zones contrôlées par l’AP (Autorité palestinienne) en Israël. Par conséquent, il est évident que la visite du premier ministre palestinien à Jérusalem a été coordonnée avec les Israéliens [la police de l’AP travaille avec la police israélienne dans les territoires occupés]. Mais quand l’Israélien moyen, qui n’est pas informé sur les tenants et les aboutissants des points de contrôle, entend parler de la visite sur la tombe de l’agresseur – une visite qui n’a jamais réellement eu lieu – il donne l’impression que les Palestiniens sont libres de gérer leurs propres affaires, sans préalable coordination avec les Israéliens.
La publication de ces mensonges conduit à emportement contre le premier ministre palestinien [Rami Hamdallah qui début juin rencontrait un haut responsable israélien pour la prétendue réhabilitation de Gaza] qui est transformé ainsi en quelqu’un qui soutient le terrorisme et. Ceci, à son tour, conduit tous les Palestiniens soient perçus comme des partisans du terrorisme et porte atteinte à des innocents.
Notes
[1] Sheldon Adelson, né en 1933, est un magnat américain. Actif à Las Vegas en dirigeant, entre autres, Las Vegas Sands Corporation. Il possède des affaires très lucratives à Macao, où il a investi dans cette place « relevée » du jeu et de la prostitution, en 2004, après l’intégration de l’île à la République populaire de Chine en 1999. Cet investissement a été un élément catalyseur de sa fortune, comme quoi le « communisme chinois » est bon pour les « affaires ». Il est vrai qu’Adelson est aussi actif à Singapour avec le Marina Bay Sand. La diaspora chinoise permet de nouer des relations d’affaires de tout type. Il a essayé de mettre la main sur Maariv, en 2007, mais a connu un échec. Dès lors, il a lancé un quotidien gratuit : Israel Ha Yom, après avoir quitté Israeli, un autre quotiden gratuit, cofondé en 2006. Le lectorat de cette feuille est très grand, supérieur à Yedioth Ahronoth la semaine et dépassé par ce dernier le vendredi-samedi. En mars 2014, il a reçu le feu vert de la Cour de justice de Jérusalem pour acheter Maariv et le journal religieux conservateur (pour le moins) Makor Rishon. Son influence parmi les élites de la droite sioniste la plus dure est grande.
Sheldon Adelson utilise une fondation dite de bienfaisance : Adelson Foundation pour diverses opérations. En juillet 2014, le magazine Forbes évaluait sa fortune à 36,4 milliards de dollars. C’est aussi un des financiers du Parti républicain aux Etats-Unis. (Rédaction A l’Encontre)
[2] Les forces spéciales israéliennes, dites forces « antiterroristes », au prétexte qu’elles avaient été visées par des tirs de celui qui était soupçonné d’avoir blessé par balles le rabbin Yeuda Glick (voir note 3), Muatnaz Hijazi, âgé de 32 ans, l’ont abattu. Cela est le récit donné par le porte-parole de ces forces : Micky Rosenfeld. Le récit de la femme de Muatnaz Hijazi, qui avait connu les prisons israéliennes, diffère de manière notoire ; elle décrit, de fait, un vrai massacre, qui ne sera pas soumis à enquête, évidemment. (Rédaction A l’Encontre)
[3] Mardi soir, le 28 octobre, le rabbin Yehuda Glick, ultra-droite sioniste immigré en Israël depuis les Etats-Unis, a été touché par plusieurs balles. Il venait de participer à un rassemblement pour l’accès des pèlerins juifs à l’Esplanade des Mosquées. Cette provocation s’inscrit dans sa campagne pour la Reconstruction du Troisième Temple de Jérusalem, sur ledit Mont du Temple, sis sur l’Esplanade des Mosquées où se trouvent le dôme du Rocher et la mosquée Al Aqsa (appelée parfois, ce qui est contesté au plan historiographique, mosquée d’Omar). Ce projet est aussi soutenu, pour des raisons particulières, par des évangélistes et des chrétiens sionistes. (Réd. A l’Encontre)
[4] Mercredi 22 octobre, une voiture a foncé sur des personnes attendant à un arrêt de tramway. Le gouvernement israélien parle d’une attaque terroriste. Il a accusé le conducteur, un Palestinien de Jérusalem-Est, d’être membre du Hamas ! L’homme a succombé à ses blessures, selon une porte-parole de l’hôpital Shaarei Tsedek de Jérusalem. (Rédaction A l’Encontre).
* Cet article a été publié sur le site de la sœur de langue hébraïque de +972, appel local. Traduction par A l’Encontre. http://alencontre.org