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Asie/Proche-Orient

En Birmanie, la consolidation d’une démocratie bancale

Les électeurs birmans votent le 8 novembre pour élire un nouveau parlement. Cinq ans après un premier scrutin historique, le pays s’enferre dans une dérive nationaliste où la majorité bamar affirme sa prééminence derrière l’incontournable Aung San Suu Kyi.

Paru sur le site Europe Solidaire Sans Frontières
Dimanche 8 novembre 2020

Par Courrier International

Cinq ans après sa victoire lors du premier scrutin libre du pays depuis 1962, le parti emmené par Aung San Suu Kyi, la Ligue nationale pour la démocratie (LND) devrait arriver en tête des résultats au soir du 8 novembre. Certes, “plus de 90 partis politiques participent au scrutin et offrent ainsi un large choix aux électeurs”, souligne The Diplomat.. Mais le système électoral majoritaire favorise la LND.

Les partis politiques affiliés aux nombreuses minorités ethniques du pays pourront difficilement prétendre participer au gouvernement faute d’une représentation suffisante au Parlement, déplore The Diplomat, le système majoritaire réduisant considérablement les chances des plus petites formations politiques.

La LND devrait donc arriver en tête voire remporter la majorité des sièges au Parlement, ce qui lui permettrait de gouverner seule. Et ce en dépit d’un programme de campagne qui ne propose rien de précis mais “s’engage à de vagues et larges promesses autour de la paix, du développement durable et d’une véritable démocratie fédérale”, constate The Straits Times. Le parti s’appuie encore une fois sur le charisme et l’influence d’Aung San Suu Kyi. Chef d’État de fait, elle gouverne sans partage.

Renforcement de l’État de droit ?

En 2015, rappelle le quotidien de Singapour, le parti avait remporté 57 % du vote populaire et 79 % des sièges à la chambre basse, “un bloc solide contre l’armée, à laquelle la Constitution garantit un quart des sièges au Parlement ainsi que le contrôle des ministères de la Défense, des Frontières et de l’Intérieur.”

Avec 1 000 nouvelles contaminations par jour, pour un total de plus de 54 000 cas recensés, l’épidémie de Covid-19 affecte fortement la campagne électorale, poursuit The Straits Times. Les meetings étant annulés, les discussions se tiennent en large partie sur Internet et sur les réseaux sociaux, où la couleur rouge, symbole de la LND, domine. Ce qui n’empêche pas les partisans de la LND de défiler dans ce qui ressemble à des “parades de la victoire” comme à Mandalay, où le quotidien raconte l’exubérance d’une procession dans laquelle des éléphants portaient des portraits géants d’Aung San Suu Kyi.

Le porte-parole de la LND, Monywa Aung Shin, explique au Straits Times combien le gouvernement a permis durant son premier mandat d’améliorer la transparence.

“Nous avons amélioré l’État de droit. Aujourd’hui, les gens osent parler et osent aussi protester. C’est un signe de succès.”

Un curieux régime hybride

Pour The Diplomat, ces élections ne marquent pas la consolidation d’une “démocratie libérale qui protège les intérêts des minorités et tolère la dissidence. Au contraire, elle marque la consolidation d’un curieux régime hybride, partagé entre un parti politique monolithique et les forces armées. Deux institutions dominées par les Bamars, le groupe ethnique majoritaire qui représente deux tiers de la population. Du fait de cette combinaison, l’armée est autonome et peut mener la guerre contre les milices des minorités ethniques comme et quand elle l’entend.”

L’espoir de voir se construire, à la faveur de la démocratisation, un État respectueux des minorités ethniques a fait long feu.

Ainsi, rappelle notamment The Straits Times, la crise des Rohingyas a renvoyé le pays à son statut de paria, qui prévalait durant la dictature militaire (1962-2011). Des journalistes ont été condamnés pour leurs enquêtes sur les exactions commises par l’armée contre les Rohingyas,, une minorité ethnique musulmane vivant dans l’État de l’Arakan, à l’ouest du pays.

En 2017, en réaction à des attaques de postes frontières et de poste de police dans l’État de l’Arakan, l’armée birmane avait mené une violente campagne de répression poussant près de 800 000 Rohingyas à se réfugier au Bangladesh voisin. La Birmanie doit répondre de génocide devant la Cour internationale de justice.

L’attitude d’Aung San Suu Kyi, avocate de son pays devant la CIJ, visait selon le quotidien singapourien à “flatter les sentiments nationalistes de la population.”

Des progrès très inégalement répartis

Outre les Rohingyas, les autres minorités ethniques craignent également une marginalisation. Les pourparlers de paix pour mettre un terme aux guerres civiles n’avancent pas. “Un des groupes armés les plus puissants, l’Armée de l’Arakan, en est exclu, car désigné par le gouvernement comme une organisation terroriste”, constate The Straits Times.

Du fait des combats dans certains États, la commission électorale a annulé la tenue du scrutin, amputant les membres des minorités ethniques de leur possibilité de choisir leurs représentants.

Certes, souligne The Straits Times, le gouvernement de la LND a réussi en cinq ans à améliorer le quotidien de la population, notamment au niveau économique. Mais ce progrès est très inégalement réparti et ne concerne pas les membres des minorités ethniques dont les conditions de vie stagnent, voire dans certaines zones en conflits se dégradent, insiste The Diplomat.

Courrier International

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