Le discours néolibéral s’appuie sur quelques piliers qu’il faut déconstruire pour comprendre les fondements de la politique des gouvernements québécois successifs. Nous serons ainsi en mesure de rebâtir un discours alternatif qui permettra de construire une opposition citoyenne forte à ces politiques et une alternative politique conséquente.
Les 3 piliers du discours néolibéral
La dette publique : puisqu’elle grève les capacité financières du Québec, elle devrait être réduite sinon éliminée le plus rapidement possible. Il faudrait consacrer toutes les énergies à cette tâche titanesque qui est au centre des politiques néolibérales.
Ce discours est utilisé depuis de nombreuses années et il sert de cheval de Troie pour désamorcer les revendications des classes ouvrières et populaires qui sont présentées comme trop exigeantes pour les capacités de payer de la société. On dépeint une dette incontrôlable alors qu’on manipule les normes comptables afin de faire paraître la dette plus importante qu’elle ne l’est en réalité. Aussitôt qu’on approche du fameux objectif du déficit zéro, on s’empresse de baisser les impôts, reproduisant ainsi les conditions structurelles d’un endettement étatique par la baisse des revenus. On sait déjà qu’elle n’est pas pire que celle des autres provinces et surtout que notre déficit est le plus mince du pays. On prend cependant soin de nier le lien avec la dette des ménages contractée à cause des faibles hausses des salaires réels.
On en sait peu sur la dette québécoise : à qui a t-on emprunté et à qui doit-on tout cet argent ? Pour quelles raisons ? En quels termes ? Il serait temps de faire la lumière sur la nature et le poids réel de la dette de l’Etat québécois. Une enquête publique avec participation populaire devrait être mise sur pied pour que soient enfin déterminés l’importance réelle de la dette et le rôle politique que les débats l’entourant jouent.
Désétatiser les services publics : les services publics seraient la plaque tournante des gaspillages de l’économie québécoise. Trop de services pour la capacité de payer des contribuables et des employéEs surpayéEs. Le coût des services grèvent la capacité des entreprises de stimuler l’économie et assurer une croissance. Ces services seraient davantage pertinents s’ils étaient définis et offerts par le secteur privé.
Privatiser les services publics ? Certainement ceux qui pourraient être rentables pour certains investisseurs proches du pouvoir : voilà la véritable intention des gouvernements néolibéraux. L’oligarchie capitaliste cherche désespérément des occasions de faire fructifier les capitaux à sa disposition. Plusieurs secteurs offrent peu de perspectives de rentabilité à la hauteur des ambitions de ces « promoteurs ». Ils lorgnent donc vers certains services précis actuellement offerts par l’Etat. Pour d’autres oligarques, il est inutile de payer des avantages sociaux qui viennent gruger le taux de profit des entreprises. Il faut tout simplement mettre à bas ces dépenses. Pour les classes ouvrières et populaires, pour les femmes et les jeunes, c’est une tout autre chose. Les programmes sociaux ne sont pas des caprices ni des « dépenses ». Ils viennent palier plus ou moins efficacement à certaines des « défaillances » du système. Ils font en sorte que certaines catégories de la population parviennent à se maintenir à flot même en période de difficultés économiques comme on l’a vu en 2008. Pour les néolibéraux, cette capacité de se protéger des aléas, des soubresauts et crises du capitalisme est un obstacle à l’imposition d’une véritable pression pour accepter n’importe quoi comme le souhaiteraient les conservateurs avec leur réforme de l’assurance-emploi.
La protection des prochaines générations : le gaspillage actuel des fonds publics et le gonflement sans contrôle de la dette grève l’avenir des générations futures et c’est démontrer un courage certain que de limiter nos services aujourd’hui afin que les générations de l’avenir puissent compter sur des services équivalents.
Il est faux de prétendre que les générations actuelles et passées ont eu accès à un bar ouvert et ne laissent que des miettes aux générations suivantes. Les baby-boomers, n’en déplaise aux ténors des radios d’extrême-droite et de la grande presse, laissent aux personnes qui formeront la société de demain des services et des équipements (que l’on veut utiles au développement d’une société) qui leur bénéficieront. Ces services et équipements ont été mis à mal par la gestion néolibérale du laisser-faire et du tout au privé qui a coûté cher au trésor québécois. Dans les faits, les néolibéraux n’ont que corruption, copinage et gaspillages à fournir comme pièces à conviction de leur gestion des trente dernières années. Rien à voir avec une quelconque surconsommation de services de la part des classes populaires.
La déprédation des ressources naturelles, le « travailler plus pour gagner moins », la mise à mal de l’environnement et le dérèglement climatique sont autant d’héritages que lèguera le capitalisme aux générations à venir. Ce « leg » ne figure pas dans les discours des porte-paroles de l’oligarchie. La dégradation des conditions de travail et de vie actuelles et à venir des classes ouvrières et populaires actuelles non plus. L’endettement des ménages non plus. Des infrastructures qui tombent en ruine à défaut d’avoir été entretenues convenablement non plus. Des services à deux vitesses non plus.
Il est temps de claironner haut et fort : « ces gens mentent effrontément depuis plus de 30 ans. » Tous et toutes avons subi les attaques des néolibéraux. Les élites claironnent qu’elles veulent créer de la richesse mais elles monopolisent les fruits de cet enrichissement. La volonté des élites est de détruire toute volonté d’émancipation, de protestation, tout désir de lutter et de réfléchir à une nouvelle alternative sociale au capitalisme agonisant. Pour un média comme Presse-toi à gauche, faire écho aux résistances devient un enjeu central. C’est le point de départ de la redéfinition d’une alternative à ce système qui a fait son temps.
Façonner le discours des classes ouvrières et populaires
Le rôle d’un média comme Presse-toi à gauche est d’offrir à ceux et celles qui veulent participer à la définition de cette nouvelle alternative au capitalisme de réfléchir, d’analyser, de faire part de leurs opinions afin de contribuer à un débat citoyen sur la question. L’élite voudrait nous enfermer dans une situation où il n’existe pas d’horizon au-delà du capitalisme. Ce serait nous contraindre à accepter les conditions d’un nouveau développement des profits pour l’oligarchie aux dépends des classes ouvrières et populaires. Au prix de baisses importantes des salaires et avantages sociaux. Au prix d’une dépossession de nos richesses naturelles. Au prix d’une détérioration importante de l’environnement.
Il faut inventer, fabriquer des outils qui multiplient la capacité des classes populaires à redévelopper un discours de l’opposition à un système qui n’a plus à offrir qu’un simulacre de démocratie. Démontrer qu’un développement pour quelques-uns se fait au détriment de l’immense majorité de la population et de l’environnement et qu’il consacre davantage d’énergie à la guerre qu’à la paix. Contre la fatalité et le pessimisme, nous voulons avec nos modestes moyens participer à cette entreprise à contre-courant et faire écho aux initiatives citoyennes, aux débats dans les mouvements sociaux, aux actions exemplaires contre l’offensive austéritaire. Nous invitons toutes celles et tous ceux qui souhaitent y contribuer à voir Presse-toi à gauche comme l’une de leurs tribunes.