Édition du 17 décembre 2024

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Chili - Les Mapuches refusent la proposition du gouvernement

Les grévistes de la faim, qui mènent leur protestation depuis plus de 70 jours, exigent de ne pas être poursuivis selon la loi antiterroriste, une législation qui a été introduite pendant le régime d’Augusto Pinochet (1973-1990). Cette loi aggrave leurs peines et les soumet à un jugement obéissant au Code de Justice Militaire.

Les rapports entre le gouvernement [présidence de Piñera, grand capitaliste] du Chili et la communauté Mapuche de ce pays se sont à nouveau tendus ce mardi 21 septembre 2010, après que les représentants du peuple indigène aient refusé un appel au dialogue proposé par le président Sebastian Piñera [voir article publié sur ce site en date du 20 septembre].

Vendredi 18 septembre, dans le cadre des festivités du Bicentenaire de l’indépendance du Chili, Piñera avait convoqué une « table de dialogue » avec des représentants du gouvernement, de la communauté Mapuche, de l’Eglise et des organisations civiles pour mettre un terme à la grève de la faim menée par 34 Mapuches, détenus dans des prisons.

La porte-parole des prisonniers a transmis ce mardi l’information selon laquelle ils avaient décidé de refuser l’invitation car ils considéraient que la proposition ne répondait pas à leurs revendications.

Les grévistes de la faim, qui mènent leur protestation depuis plus de 70 jours, exigent de ne pas être poursuivis selon la loi antiterroriste, une législation qui a été introduite pendant le régime d’Augusto Pinochet (1973-1990). Cette loi aggrave leurs peines et les soumet à un jugement obéissant au Code de Justice Militaire.

Le sociologue Tito Tricot [1] a expliqué à BBC Mundo (Veronica Smink) que les militants Mapuches sont le seul mouvement social jugé d’après cette norme.

Le Plan Araucania

Dans sa convocation, Piñera avait affirmé que son appel avait pour objectif de faire avancer le plan Araucania, un programme social et économique qui cherche à « améliorer la qualité de vie et les possibilités de développement » des Mapuches et d’autres communautés indiennes.

Le chef de l’Etat a ajouté : « Nous avons une dette à l’égard de nos peuples originaires, et en particulier à l’égard du peuple Mapuche ». Cette annonce avait été reçue favorablement par l’opposition (social-démocrate) et d’autres secteurs qui avaient réclamé une table de dialogue.

Cependant, Natividad Llanquileo, la porte-parole des grévistes, a estimé que la proposition de l’Exécutif n’abordait pas la principale revendication de ce mouvement de protestation, à savoir qu’on cesse d’utiliser la loi antiterroriste pour poursuivre les Mapuches alors qu’ils exigent qu’on leur rende ce qu’ils estiment être leurs terres ancestrales.

Les 34 prisonniers sont accusés d’avoir commis des actes de violence, y compris des attaques incendiaires, contre des terrains privés [qui leur ont été historiquement arrachés] dans la région au sud de La Araucania, épicentre des revendications Mapuches.

La réponse du gouvernement

Ce mardi 21 septembre, le ministre secrétaire de la Présidence, Cristian Larroulet – un des fonctionnaires qui allait représenter le gouvernement à la table de dialogue – a critiqué l’attitude des prisonniers Mapuches.
« On a satisfait leurs demandes et il faut que ces personnes cessent leur grève de la faim », a-t-il affirmé lors de plusieurs déclarations à Radio Cooperative.
Pour Larroulet, le récent projet de loi que le gouvernement a envoyé au Congrès pour modifier la loi antiterroriste et la Justice militaire répond ponctuellement à la principale revendication des grévistes.
Par contre, Victor Alonqueo Boudon, qui travaille avec des communautés Mapuches, a assuré à BBC Mundo que ces modifications envisagées sont insignifiantes. Il a réitéré que la revendication est qu’on cesse d’utiliser la loi antiterroriste pour poursuivre les indios.

« L’esprit du bicentenaire »

Au cours de ces derniers jours, le mouvement de ce peuple originaire, qui dure depuis des années, a eu une répercussion inhabituelle dans les médias et dans la société chilienne.
Il y a moins de deux semaines, quatre parlementaires de l’opposition ont offert leur soutien aux grévistes, en se joignant à leur grève de la faim. Un groupe d’étudiants, de syndicalistes et de défenseurs des droits humains a également adhéré à la grève.

Maria Emilia Tijoux, experte en affaires indigènes de l’Université Catholique du Chili, a déclaré à BBC Mundo que l’« esprit bicentenaire » avait obtenu que beaucoup de Chiliens prennent conscience de la situation dans laquelle se trouve le peuple originaire.

Pour sa part, l’Eglise catholique et l’Eglise évangélique ont ajouté leurs voix au mouvement de protestation et ont demandé aux autorités de chercher une issue à la grève, laquelle est en train d’entrer dans une phase critique [une grève sèche, c’est-à-dire sans boire d’eau] et peut mettre fortement en danger la vie des grévistes.

L’archevêque de Concepcion [centre-sud, capitale de la province homonyme], Ricardo Ezzati – qui avait accepté la demande du président de dialoguer avec les grévistes – a affirmé ce mardi que « les familles des Mapuches attendent encore une réponse de la part du gouvernement, et jusqu’à maintenant, cette réponse n’est pas arrivée ».

(Traduction A l’Encontre)

* Veronica Smink a rédigé cet article pour le site en langue espagnol de la BBC.

1. Tito Tricot est sociologue et directeur du Centro de Estudios de América Latina y el Caribe (CEALC), Chili.

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