L’Union européenne souhaitait en limiter l’importation. Selon la directive sur la qualité des carburants, les fournisseurs devaient réduire de 6 % d’ici 2020 le contenu carbone de leurs produits. Pour évaluer ces efforts, la Commission a présenté en 2011 une première méthode de calcul qui inclut les émissions de l’ensemble du cycle de vie. Cette méthode aurait permis d’attribuer des valeurs plus élevées au pétrole issu des sables bitumineux, dont le mode d’extraction produirait 23 % de plus de gaz à effet de serre que le pétrole conventionnel [1].
Le vote sur cette proposition, attendu initialement en 2012, a été maintes fois reporté. La France s’est notamment illustrée en refusant de soutenir cette directive européenne (lire notre article). Ces derniers mois, « les pressions des lobbies se sont intensifiées, notamment au travers des négociations commerciales avec les États-Unis (Tafta) et le Canada (CETA) », soulignent les Amis de la terre [2]. La Commission européenne a finalement émis une nouvelle proposition le 6 octobre fortement affaiblie : les fournisseurs devraient désormais déclarer le niveau d’émission moyen des matières de base utilisées dans leurs produits.
La Commission abandonne ainsi l’idée de considérer les produits des sables bitumineux à part, leurs impacts négatifs étant dilués dans les moyennes fournies par les pétroliers. Cette proposition va maintenant être soumise pour décision au Conseil dans un délai de deux mois, et au Parlement européen pour examen.
Suspension de projets d’extraction outre-Atlantique
Au Canada, l’extraction de ce pétrole non conventionnel est en perte de vitesse. Fin septembre, l’entreprise norvégienne Statoil a reporté d’au moins trois ans un projet d’extraction de sables bitumineux d’une capacité de 40 000 barils par jour en Alberta (Canada). Elle a expliqué sa décision par des coûts de main d’œuvre et de matériaux devenus trop élevés. Cette annonce fait suite à celles de l’entreprise néerlandaise Shell et de la société française Total qui ont renoncé en 2014 à extraire respectivement 200 000 et 160 000 barils par jour dans les mines de Pierre River et de Joslyn, toujours en Alberta.
La compagnie Statoil a indiqué que l’accès limité aux pipelines pour transporter le pétrole de l’Alberta vers les marchés avait pesé dans sa décision. Le gouvernement états-unien tarde à donner son accord pour la construction du pipeline Keystone XL. Une hésitation qui s’explique par la forte mobilisation contre ce projet de pipeline de 3200 kilomètres, depuis les gisements de sables bitumineux de l’Alberta jusqu’aux raffineries texanes du golfe du Mexique (notre précédent article). Selon les organisations écologistes, la quantité de barils extraite dans le cadre du projet de Statoil aurait produit « l’équivalent d’une année d’émissions de 204 centrales au charbon américaines ». « Obama devrait jeter un œil à ces données, avant de prendre sa décision » arguent-elles.
La major de l’énergie nord-américaine TransCanada, en charge de la construction du pipeline, a besoin de l’accord de la Maison Blanche pour commencer à enterrer son oléoduc. D’abord favorable au projet, Barack Obama a depuis repoussé l’accord présidentiel à plusieurs reprises. Neuf prix Nobel, parmi lesquels le dalaï-lama (1989), Alfredo Pérez Esquivel (1980), Rigoberta Menchu (1992) et Shirin Ebadi (2003), ont exhorté le président états-unien à rejeter ce projet et à tenir « sa promesse de créer une économie faite d’énergie propre ». L’avis de la Maison Blanche sera donné après le mois de novembre, date des élections de mi-mandat.
Notes
[1] 107 grammes d’équivalent CO2 par megajoule d’énergie produite contre 87g pour le pétrole conventionnel : lire à ce sujet notre article.
[2] Nos articles sur ces accords de libre-échange.