Édition du 19 novembre 2024

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Environnement

Biogaz : "il faut juste un trou pour « domper » les déchets"

« Ici, on vend enfin du gaz naturel ! ». C’est ce qu’on peut lire sur la page couverture du Courrier de Saint-Hyacinthe du 1er février.[1] Et on peut y voir Mme Melançon, ministre de l’Environnement, en train de couper le traditionnel ruban pour marquer l’ouverture officielle du projet. Après plus de 25 ans de lutte pour une saine gestion des déchets dans la région maskoutaine, la production de biogaz (le mot biométhane serait plus précis !) d’origine renouvelable est une bonne nouvelle. Cependant, il faut remettre les choses en perspective.

Certes, les autorités de la ville ont raison de dire que « Saint-Hyacinthe devient d’ailleurs la première municipalité au Québec à injecter du gaz naturel renouvelable dans le réseau d’Énergir. » Qui plus est, le projet serait rentable dès cette année. Ainsi, au lieu de payer pour enfouir les déchets putrescibles, la ville en retirera un revenu ; le développement de cette innovation technologique est donc un avantage économique pour le contribuable.

Et la ministre de l’Environnement a raison de souligner qu’à terme, « plus de 200 000 tonnes de résidus organiques seront valorisées chaque année à l’usine de Saint-Hyacinthe, ce qui entraînera une réduction annuelle de 49 000 tonnes de gaz à effet de serre, l’équivalent de la consommation de 13 000 voitures » Ce qui n’est pas rien ! Et comme bénéfice, l’usine pourra « produire chaque année 13 millions de mètres cubes de gaz naturel renouvelable » dès qu’elle aura atteint sa vitesse de croisière.

Cette initiative a « emballé » la PDG de Gaz Métro, entreprise qui veut être connue sous le vocable d’Énergir. Sa présidente, Mme Sophie Brochu, a reconnu que Saint-Hyacinthe « a tiré [Énergir] vers le haut » en matière environnementale. Comme militants et militantes pour l’environnement, nous en sommes heureux-euses ! Mais il faut mettre quelques bémols.

Oui, la ville de Saint-Hyacinthe va vendre du biogaz au réseau d’Énergir ; c’est un pas dans la bonne direction. Mais ce biogaz va constituer une minuscule fraction de tout le gaz vendu sur le territoire du Québec. Et la très, très vaste majorité du gaz vendu par Énergir sera d’origine fossile ; ce sera, soit du gaz dit conventionnel, soit du gaz de schiste. Les trois formes de gaz sont des combustibles de qualité égale ; mais contrairement au biogaz, le gaz conventionnel et le gaz de schiste sont des ressources non-renouvelables.

Malgré les questions que nous avons posées à Gaz Métro lors du BAPE # 329 [2], nous n’avons pas pu savoir quelle était la proportion du gaz de schiste dans son réseau. Cependant, comme Énergir s’alimente sur le marché nord-américain et qu’au niveau continental, plus des deux tiers du gaz sont extraits par la controversée fracturation hydraulique, nous pouvons en déduire que le réseau d’Énergir continuera de vendre du gaz de schiste dans les mêmes proportions ; peut-être plus, car la proportion de gaz de schiste est à la hausse. D’après de nombreux chercheurs, dont le prof Anthony Ingraffea de l’université Cornell, l’empreinte totale du gaz de schiste est aussi lourde que celle du charbon.[3]

Donc, bravo pour le biogaz, mais c’est Saint-Hyacinthe qui a pris l’initiative et non GazMétro/Énergir. Cette entreprise ne doit pas se péter les bretelles comme elle le fait dans une série de publicités que l’on voit à la télé depuis quelques mois.[4] De plus, la majorité de son énergie est et continue d’être du gaz de schiste, une énergie fossile non-renouvelable, très dommageable pour l’environnement. C’est pourquoi j’ai surligné en gras le mot « renouvelable » pour parler du biogaz produit par la ville de Saint-Hyacinthe. Avant de sabrer le champagne pour s’auto-couronner championne des énergies vertes, la société Énergir doit attendre que la majorité de son gaz soit du biogaz ; ce n’est pas encore pour demain.

Cependant, le chemin parcouru par la ville de Saint-Hyacinthe dans le domaine de la gestion des déchets nous donne un espoir pour la planète. En effet, je me souviens qu’au cours de la séance de février 1996 du Conseil municipal, cinq conseillers-dinosaures de notre ville votaient pour la nième fois contre la prise en charge des déchets par la municipalité ; en cela, ils étaient fidèles à leur principe obsolète qu’il faut juste un trou pour « domper » les déchets. Si l’action politique peut faire changer les mentalités des Maskoutains et Maskoutaines en seulement 22 ans, nous pouvons espérer que les Trump-osaurus Rex qui font la pluie et le beau temps au sud du 45e parallèle seront remplacés par des personnes qui comprendront la nécessité de faire des gestes concrets pour combattre les changements climatiques.

Gérard Montpetit
Membre du Comité des citoyens et citoyennes pour la protection de l’environnement maskoutain.
Le 5 février, 2018

1] Le Courrier de Saint-Hyacinthe - édition du 1er février 2018 - Page couverture et pages 8 et 9, http://www.lecourrier.qc.ca/stha01-01-02-18-9007/ici-vend-enfin-gaz-naturel

2] www.bape.qc.ca Commission #329 (projet de stockage de gaz naturel liquéfié et de regazéification)

3] https://www.desmogblog.com/cornell-fracking-shale-gas-more-dangerous-than-coal-climate

4] https://www.youtube.com/watch?v=1IxZCyosPEI

Gérard Montpetit

Membre du comité Non au schiste La Présentation

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