Soulignons que l’investissement de Bell est d’abord et avant tout un coup de publicité rapportant énormément en visibilité et en capital de sympathie à une entreprise ayant un passé houleux sur le sujet, tant pour ses employés (sexisme, harcèlement, culture toxique au travail) que pour ses clients vulnérables (1,25$/minute chez les prisonniers pour faire des appels extérieurs). Rappelons d’ailleurs que les deux pistes de solutions proposées par Bell sont problématiques en soi :
1) La sensibilisation. Dans l’article de La Presse du 9 janvier 2022, on apprend que « La campagne multimédia s’intitule On doit changer ça et mettra l’accent sur les actions que tout le monde peut entreprendre tout au long de l’année pour améliorer la santé mentale au Canada. » Comme nous l’écrivions en 2020, « la vision des problèmes de santé mentale proposée par Bell Canada est une conception individualiste […] principalement le problème d’un individu, et non un problème de société ».
2) Les dons aux organismes. Tel qu’exploré dans notre rapport annuel de 2018 Le philanthrocapitalisme des fondations en santé, le modèle de financement caritatif a plusieurs effets pervers. Il engendre un financement instable des organismes qui sont forcés à consacrer une bonne partie de leurs ressources à solliciter annuellement des dons et mène à un désengagement progressif de l’État du milieu communautaire. La charité, contrairement à la solidarité à la base de notre filet social, est un modèle basé avant tout sur la bonne volonté et sur les préférences personnelles des donateurs.
En bref, bien qu’une déstigmatisation et un meilleur financement des services en santé mentale soient des objectifs louables, ce serait manquer la cible que de prétendre qu’une “conversation entre boys après un match de hockey” ou “un don non-récurrent de 20 000$ à l’organisme du jour” vont venir régler les inégalités socio-économiques largement en cause dans les troubles de santé mentale. Mettre le fardeau de ces inégalités sur tout le monde alors que l’écart se creuse de manière fulgurante au profit des plus riches, est-ce une lutte contre la stigmatisation ou une tentative de diversion par l’une des compagnies les plus riches du Canada ?
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