Édition du 16 avril 2024

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Assurance-emploi

Rapatrier l’assurance-emploi au Québec

Il semble bien qu’un « spectre hante » la colline parlementaire d’Ottawa : le nouveau gouvernement du Québec voudrait rapatrier des pouvoirs dont celui, si dérangeant semble-t-il, de l’assurance-emploi. Stéphane Dion a commis un texte sur la question, Bob Rae ainsi que les ministres Finley et Paradis ont fait des déclarations.

Au Conseil national des chômeurs, nous avons initié une réflexion sur cette question il y a un peu plus d’un an (l’argumentaire : Le temps d’agir). Nous l’avons fait de façon responsable, en nous entourant de personnes fort calibrées en la matière. Dans tout ce travail de préparation, nous avons eu des échanges avec le Parti québécois, la Coalition Avenir Québec et Québec solidaire, tout en cherchant à discuter avec le Parti libéral du Québec.
Nous cherchons à ouvrir une nouvelle voie parce que nous considérons qu’en matière d’assurance-emploi, le gouvernement fédéral a failli à ses responsabilités. En effet, tous les gouvernements qui se sont succédé à Ottawa depuis 25 ans ont imposé des compressions à ce régime, tout en détournant entre 1996 et 2009 près de 60 milliards de dollars des cotisations ouvrières et patronales. Aujourd’hui, ce sont plus de 50% des chômeurs qui ne sont plus assurés. L’application de ce programme est complexe, judiciarisée et fondée sur la mauvaise foi. Nous prenons à témoin la récente réforme des conservateurs qui s’attaque nommément aux travailleurs saisonniers. Il faut savoir que 40% des demandes d’assurance-emploi déposées au Canada par des travailleurs de l’industrie saisonnière proviennent du Québec !

Nous avons cru pendant toutes ces années, et Dieu sait que nous y avons cru, qu’il pouvait être possible, au fédéral, de renverser ces tendances. C’est ainsi que nous avons levé d’innombrables campagnes d’opinion publique (les Sans-Chemise), organisé une Marche de Montréal jusqu’à Ottawa, réuni une large coalition parlementaire et syndicale à Ottawa, bien au-delà des intérêts partisans et de ces mentalités de clans.

S’il faut continuer à exercer une pression sur le gouvernement Harper et sa récente réforme, il est aussi possible d’envisager de nouvelles avenues.
Rapatrier l’assurance-emploi au Québec va dans ce sens. Rappelons au passage que nous en avons déjà rapatrié des bouts, avec la création il y a quelques années du Régime québécois d’assurance parentale. Ce projet avait été initié sous un gouvernement du Parti québécois et il a été complété sous la gouverne de Jean Charest. Comme société, nous y avons gagné. Qui prétend qu’on ne peut pas s’occuper du reste ?

Certains vont objecter le supposé caractère partisan du projet, alors que nous savons l’engager sur de larges avenues, respectueuses de nos différences. On invoquera le blocage constitutionnel, alors qu’il « pourrait être possible d’utiliser une procédure bilatérale pour un transfert ciblé vers le Québec » (Tom Flanagan, « Why not let Quebec manage its own EI ? », Globe and Mail, 27 août 2012 – quelques extraits traduits par Jean-François Lisée sur son blogue de L’actualité). D’autres utiliseront l’argument de l’argent même si nous savons que le gouvernement fédéral ne contribue d’aucune façon à la caisse d’assurance-emploi ; même si nous savons que nous avons subi 12 baisses successives du taux de cotisation depuis l’année 2000, de telle façon que le taux actuel est moins élevé que celui de 1983 ! Si nous voulons améliorer le régime, et tel est notre volonté, nous devrons nous poser la même question qu’on aurait soulevée à Ottawa : on commence par quoi, ça va coûter combien, on rééquilibre la cotisation à quel niveau ?

Stéphane Dion a raison sur une chose : « le nouveau gouvernement du Québec devrait bâtir une argumentation solide et réfuter rationnellement les objections avant d’exiger du gouvernement fédéral qu’il lui transfère la responsabilité [d’un tel programme] » (« L’indésirable dévolution », La Presse, 8 septembre 2012).

C’est pourquoi nous verrions d’un bon œil la mise en place d’une commission québécoise pour étudier l’ensemble de la question, pour aller à la rencontre des citoyens, des différentes représentations de la société civile et des partis politiques, de façon à formuler une proposition qui pourrait être déposée à l’Assemblée nationale aux fins de débats.
Pour notre part, nous sommes convaincus d’une chose : les travailleurs et les travailleuses doivent bénéficier d’une sécurité économique en cas de chômage, c’est la mission d’un régime d’assurance-chômage. Nous sommes convaincus d’une autre chose : le Québec doit devenir le maître d’œuvre de ce programme social si important pour les travailleurs et leurs familles.


Pierre Céré 13 septembre 2012

Porte-parole du Conseil national des chômeurs

Pierre Céré

Porte-parole du Conseil national des chômeurs (CNC)

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