Édition du 26 mars 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Politique québécoise

La saison du mépris

Le gouvernement Charest a misé sur l’usure, il a refusé toute discussion souhaitant de toute évidence qu’exaspérés les étudiants dérapent et que la lutte dégénère. La ministre Line Beauchamp nous rejoue le film de 2005 où le ministre de l’époque Jean-Marc Fournier avait réussi à créer une division au sein des associations étudiantes. Pendant ce temps Jean Charest fait des blagues avec ses amis, au sujet de l’émeute qui se déroule à l’extérieur des murs du Palais des Congrès, alors que des manifestant-e-s parmi lesquels des étudiants et des étudiantes se font poivrer et tabasser par la police.

Durant les derniers jours, des dizaines d’étudiants et étudiantes et même des professeurs ont été molesté-e-s et arrêté-e-s par la police, parfois à l’intérieur même des locaux universitaires comme à Gatineau. Jean Charest ne se bat pas pour les quelques dollars d’augmentation qui selon Simon Tremblay-Pepin de l’institut IRIS, lui rapportera moins de 1% (0,97%) du budget total du ministère de l’Éduction. Selon lui la valeur de la hausse pour le gouvernement serait réduite de 332M$ à environ 146 M$ si on tient compte des correctifs des coûts sous-évalués apportés par l’IREC ainsi que de la mise en place d’un éventuel remboursement proportionnel au revenu (RPR) annoncé il y a quelques semaines par la ministre de l’Éducation Line Beauchamp et le ministre des Finances Raymond Bachand.

Charest se bat pour imposer le principe néolibéral de l’utilisateur-payeur et maintenant plus que jamais pour écraser la résistance. Une percée du mouvement étudiant à l’heure actuelle pourrait signifier l’amorce d’un mouvement de lutte contre toute la politique de tarification et de privatisation des services publics, et cela il le comprend très bien. Ses choix sont clairs, le parti Libéral est un parti au service des financiers et des bien nantis et il en fait encore la preuve.

Les propos qu’il a tenus au Palais des Congrès dépassent toute mesure. C’était le discours d’un gars qui s’amuse avec ses chums. Et c’est bien le cas. Le Plan Nord est un bar ouvert pour les compagnies minières qui viendront s’enrichir à même nos ressources tout en détruisant la vie des peuples autochtones et des familles qui seront déracinées par les hausses de loyers découlant de la spéculation. Amir Khadir déclarait cette semaine à l’assemblée nationale, suite au reportage Enquête de Radio-Canada : « Dans la coupe de bois, sans appel d’offres, pour La Romaine, la part du lion va à Jolina, un fonds d’investissement qui appartient à la famille Saputo. Le milliardaire Saputo est dans les affaires avec son beau-frère Borsellino, baron de l’immobilier à Montréal. » Rappelant que d’autres « gros contrats d’infrastructure du chantier de La Romaine ont aussi été donnés à la famille Fava, collecteur de fonds libéral », il a ajouté ceci : « Est-ce que le ministre peut soumettre les grands contrats de La Romaine à un examen en commission parlementaire pour savoir à qui profite le chantier ? »

Le Plan Nord dans sa forme actuelle laissera des villes fantômes et des régions détruites économiquement et écologiquement. D’ailleurs pourquoi n’a-t-il pas invité des représentantes des femmes Innu qui marchent vers Montréal pour dénoncer cette catastrophe ? Pourquoi ne pas avoir invité des représentant-e-s des citoyens et citoyennes, de tous ceux et celles qui se questionnent et qui sont concerné-e-s. Non, il a invité ses amis.
La manifestation du vendredi 20 avril rassemblait des militants et militantes opposé-e-s au plan nord dont une bonne partie d’étudiants et étudiantes qui dénonçaient en ces termes, « Non à la gratuité minière, oui à la gratuité scolaire ». Avant de se rendre au Palais des Congrès, ils ont manifesté à juste titre devant les bureaux de SNC Lavalin et de Rio Tinto Alcan, ceux-là même qui bénéficient le plus des largesses du gouvernement Libéral et qui en sont les plus gros contributeurs financiers.

Les Jean Charest, André Pratte et compagnie ne craignent pas surtout les actes de débordement et de « violence », qui leur servent de prétexte, ce qu’ils craignent le plus c’est la lutte sociale. S’il y a débordement aujourd’hui c’est véritablement à ce niveau. La lutte étudiante a dépassé par la force des choses ce qui était à l’origine une lutte contre l’augmentation des frais de scolarité, elle est devenue une lutte qui dénonce la collusion, qui dénonce les politiques d’appauvrissement de la population à l’origine des hausses de tarifs, et qui revendique justice et équité. Voilà pourquoi les représentants politiques des bien nantis sont si méprisants, ils ne peuvent supporter qu’une voix forte s’élève contre eux et menace leurs privilèges.

L’adversaire dangereux aujourd’hui ce sont des jeunes de 17 à 22 ans pleins d’idées et d’espoirs, innovateurs dans leurs moyens de mobilisation, tenaces et solidaires malgré la pression, la répression, et les recours juridiques. Si le gouvernement est prêt à mettre tout son arsenal politique, répressif et judiciaire pour casser ce mouvement de la jeunesse, alors nous devons, syndicats, groupes de pressions, citoyens et citoyennes mener la lutte à leurs côtés, il en va de notre propre avenir.

André Frappier

Militant impliqué dans la solidarité avec le peuple Chilien contre le coup d’état de 1973, son parcours syndical au STTP et à la FTQ durant 35 ans a été marqué par la nécessaire solidarité internationale. Il est impliqué dans la gauche québécoise et canadienne et milite au sein de Québec solidaire depuis sa création. Co-auteur du Printemps des carrés rouges pubié en 2013, il fait partie du comité de rédaction de Presse-toi à gauche et signe une chronique dans la revue Canadian Dimension.

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