Comme souvent, Christian Rioux reprend à son compte les idées reçues parmi les cercles bien-pensants, cette fois sur l’affrontement Gaza-Israël dans sa chronique du 10 novembre dernier. Il serait trop long de relever tous les sophismes que l’auteur utilise pour sinon justifier, du moins excuser "l’offensive de Tsahal pour éradiquer le Hamas..."

Sa vindicte vise surtout ceux qui utilisent "les mots du Hamas pour parler de ce qui se passe aujourd’hui en Palestine". Une remarque préliminaire mais révélatrice de sa façon de présenter les choses : il qualifie de "toute une faune militante (qui) n’hésite pas à les reprendre comme un mantra" les partisans fort nombreux de la cause palestinienne, lesquels condamnent la disproportion de la riposte israélienne par rapport à l’initiative militaire du Hamas du 7 octobre dernier. Benyamin Netanyahou pour sa part qualifiait les combattants palestiniens "d’animaux humains". Il y a donc une certaine parenté de pensée entre les deux hommes. Rioux et ses congénères sionistes écrivent des insultes à la cause palestinienne.

Par où commencer dans ce fatras de platitudes ?

Il est vrai que l’immigration juive en Palestine surtout en provenance d’Europe fin dix-neuvième-première moitié du vingtième siècle ne visait pas à transformer la région en colonie de peuplement pour en exploiter les ressources humaines ou matérielles. Sur ce point, Rioux a raison. Les sionistes voulaient donner aux Juifs un État pour assurer enfin leur sécurité et les soustraire aux persécutions dont ils étaient victimes en Europe. Il s’agissait d’Européens dont les ancêtres s’étaient convertis au judaïsme au fil des siècles et qui n’avaient jamais vécu en Palestine. Le judaïsme est une réalité religieuse et non ethnique. Mais, pour résumer beaucoup l’histoire complexe et tourmentée de l’implantation en Palestine d’une partie des Juifs européens et nord-américains aussi, les sionistes ont réalisé leur projet sur le dos de la population palestinienne dont bon nombre a du quitter le territoire de l’actuel État hébreu en 1947-1948 pour s’établir dans des pays avoisinants, y formant des camps de réfugiés misérables. Bref, le rêve sioniste s’est matérialisé au détriment de la population palestinienne qui occupait le territoire depuis des millénaires. Celle-ci ne pouvait accepter sa dépossession sans réagir. On n’emporte pas sa patrie à la semelle de ses souliers. La présente guerre entre Gaza et Israël n’est qu’un épisode de cet affrontement de longue durée.

Rioux, prisonnier de la pensée sioniste, qualifie l’offensive du Hamas le 7 octobre dernier de "pogrom". Pourtant, s’il y a des gens qui souffrent d’authentiques pogroms, ce sont les Palestiniens de Cisjordanie en proie aux attaques des colons israéliens extrémistes et des raids de l’armée israélienne dans certains camps de réfugiés. Sait-il que de janvier à septembre 2023, environ 233 Palestiniens (dont des enfants) ont été tués lors de ces exactions ? Les gouvernements occidentaux n’ont pas élevé la moindre protestation contre ces violences, tout occupés qu’ils étaient alors à soutenir l’Ukraine et à se présenter par conséquent comme le symbole même de la défense de la démocratie et de la liberté. D’autres Cisjordaniens ont été tués depuis par la troupe israélienne afin de mater les manifestations de solidarité envers les Gazaouis. Après tout, il s’agit du même peuple.
Rioux admet du bout des lèvres "le coût humain exorbitant" de l’actuelle contre-offensive israélienne à Gaza mais affirme qu’on ne peut la qualifier de génocide. À strictement parler, c’est vrai. Mais l’auteur passe sous silence la disproportion flagrante entre le nombre de victimes israéliennes (1,400) et celui provoqué par la riposte du gouvernement Netanyahou (environ 10,000). Dans le cas de Dresde qu’il évoque, l’anéantissement de son centre-ville par les aviations britannique et américaine du 13 au 15 février 1945 relevait de motifs tactiques (c’était un important centre ferroviaire) et psychologiques (démoraliser l’armée et la population allemandes). Par ailleurs, Robert McNamara, grand architecte des bombardements aériens américains sur les villes japonaises disait, non sans un certain cynisme que tout ce qui avait épargné à certains responsables alliés d’être traduits devant un tribunal pour crimes de guerre après le conflit, c’est qu’ils faisaient partie du camp des vainqueurs. À quand la fin de l’impunité israélienne ?

La mauvaise foi de l’auteur apparaît évidente quand il soutient au sujet de la contre-offensive israélienne : "rien qui ressemble aux bébés égorgés, aux femmes violées et autres horreurs du 7 octobre..." Dans quel monde vit-il ? Que fait-il des familles entières de Gazaouis broyées par les bombardements aériens israéliens et les hôpitaux détruits par cette même aviation ? Et ce, sans même évoquer le blocus maritime imposé par Netanyahou à la petite enclave. La situation devient de plus en plus tragique pour les Gazaouis.
Les pro-israéliens invoquent sans cesse le droit à l’autodéfense d’Israël, mais jamais celui à la résistance des Palestiniens.

Verdict : Christian Rioux est condamné à continuer d’écrire n’importe quoi.

Jean-François Delisle

*****

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d’avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d’avoir accès à ces articles.

Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :