Du côté de QS, le projet est en montée, mais relativement confiné à Montréal et avec les mouvements sociaux militants. Ce n’est pas rien. Pour la première fois depuis le FRAP, un parti de gauche sort des ornières d’une vision étriquée et rigide. Sans renier les racines socialistes, le projet épouse les attentes d’une grande partie de la population qui sont du côté de la justice sociale, de l’écologie, du féminisme et de l’altermondialisme. C’est une approche qu’il faut préserver contre ceux et celles qui voudraient retourner à une certaine vision romantique et sectaire. En même temps, cet ancrage a des limites, ne réussissant pas à se débarrasser d’une image montréalo-centrée ignorante, ou même parfois méprisante des réalités des couches populaires dans le reste de la province.
ON n’avait pas beaucoup de choix, ayant échoué le test de devenir une force politique réelle. Mais sa grande force, et c’est ce que ce parti amène dans la fusion, c’est d’être une référence pour une partie importante de la base du PQ. Ce nationalisme progressiste, appelons-le ainsi, est ce qui a déplacé les montagnes du Québec depuis 50 ans. Dans plusieurs régions à l’extérieur de Montréal, on constate qu’il y a un appétit pour cela.
Maintenant comme dans toutes choses dans la vie, il y a des risques. QS ne peut pas, ne doit pas, être un parti « parlementaire », même s’il doit être à l’assemblée nationale. Il doit être à côté des mouvements et des luttes sociales, être leur porte-voix. Ce qui impose parfois d’éviter des raccourcis, en apparence plus « payants », pour avoir plus de votes. Un exemple actuel est le débat sur le racisme systémique. Nonobstant les tentatives balourdes du PLQ d’utiliser cette question contre le PQ, il n’en reste pas moins que c’est un obstacle important dans nos luttes d’émancipation. Ne pas le prendre à bras de corps, c’est non seulement contre les principes de QS, mais c’est à terme une impasse, comme on le constate avec plusieurs partis de gauche, en Europe notamment, qui n’ont pas voulu se lever contre le racisme de peur de perdre des électeurs « blancs » ou « de souche ». Dans le mariage entre QS et ON, cela pourrait devenir problématique.
Le débat sur l’accession à l’indépendance et la constituante pourrait, s’il n’est pas bien géré, aboutir à une autre impasse. Le choix, ou le compromis de QS, de porter plus explicitement la bannière de l’indépendance, me semble douloureux, mais nécessaire. J’aimais mieux l’idée originale de créer les conditions pour qu’un débat large et inclusif ait lieu, quelque chose qui aurait, soyons utopique pour un instant, dépassé les clivages habituels. Pour ON, l’indépendance est une « cause sacrée », alors que dans une optique de gauche, c’est un moyen, on pourrait dire une stratégie, pour aboutir à une société émancipée. Espérons qu’au fur et à mesure que la fusion sera complétée, que chacun puisse mettre un peu d’eau dans son vin.
Au total, il faut regarder vers l’avant. Le projet de QS porte une perspective de transformation, on pourrait appeler cela une nouvelle hégémonie populaire, quelque chose qui peut rallier une majorité. Ce n’est ni simple ni évident et il faut éviter à tout prix une compréhension facile de la chose. Il ne faut pas s’illusionner. Le dispositif du pouvoir au Québec s’appelle l’État canadien et la bourgeoisie canadienne, fonctionnant main dans la main avec l’impérialisme américain. Ce n’est pas vrai qu’ils vont se laisser faire. Ce n’est pas vrai qu’ils vont être plus respectueux de la démocratie libérale et représentative que ne le sont les voyous qui gouvernent l’Espagne.
Alors, on le sait, on est loin de l’objectif final. Mais le fait est qu’on avance.
Les Zapatistes nous disent avec beaucoup de sagesse, « cours, camarade, mais comprends bien que tu es dans un marathon, et non dans un sprint »…
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