Édition du 14 mai 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Afrique

Tunisie : reprendre les chemins de la solidarité internationaliste

Depuis quelques temps, la Tunisie est plongée dans une situation de répression violente à tous les niveaux : déclarations et violences racistes contre les migrant·e·s subsahariens, arrestations de syndicalistes, d’opposant·e·s politiques, de militant·e·s, pressions sur des journalistes et des juges…

Tiré du blogue du collectif.

Rappelons d’abord quelques éléments de contexte. Le 14 janvier 2011, la Tunisie vit une révolution qui permet de dégager son dictateur Ben Ali et qui donne de l’espoir à tout son peuple mais aussi aux peuples du monde arabe et partout dans le monde puisqu’elle sera suivie peu de temps après par l’Egypte. Dix ans plus tard, en juillet 2021, le président populiste Kaïs Saïed élu en octobre 2019, dans un contexte de crise économique, politique et sociale, et d’inflation, gèle le parlement et s’arroge les pleins pouvoirs. Une nouvelle constitution est adoptée par référendum dans la foulée avec seulement 28 % de participation : une constitution qui réduit considérablement les pouvoirs des parlementaires. Les élections législatives de décembre enregistrent un taux record d’abstention de plus de 90 %.

Mais la situation a pris un tournant plus violent encore à partir du mois de février de nombreux opposant·e·s politiques sont arrêtés dont plusieurs dirigeants du Front du Salut National, coalition de plusieurs partis politiques formée depuis le coup d’état, mais aussi de l’arrestation d’un dirigeant de l’UGTT (principal syndicat en Tunisie) et du directeur de la radio Mosaïque, première radio privée du pays. Les motifs : corruption, complot contre l’État,… Une pression est mise aussi sur les juges afin qu’ils ne libèrent pas celles et ceux qui sont arrêté·e·s.

Le 21 février, la violence monte d’un cran puisque le président Kaïs Saïed déclare dans un communiqué : “Il y a un plan criminel préparé depuis le début de ce siècle pour métamorphoser la composition démographique de la Tunisie. L’objectif des vagues successives de la migration clandestine est de considérer la Tunisie comme un État africain n’ayant aucune appartenance arabe et islamique”. Cette déclaration permet un déchaînement de violences contre les migrant·e·s d’une part par la police mais aussi par une partie de la population. Les migrant·e·s mais aussi l’ensemble des populations noires en Tunisie vivent à présent dans la terreur de ces violences : ils se font expulser de chez eux, des étudiant·e·s ne peuvent sortir de leur chambre par peur, des maisons sont détruites. De nombreux migrant·e·s se réfugient devant leurs ambassades et ceux qui veulent leur porter secours sont à leur tour criminalisés. Si le silence du gouvernement français face à ces déclarations n’est guère étonnant : après tout la chasse aux migrant·e·s et la criminalisation de celles et ceux qui leurs viennent en aide est de mise en Europe, l’extrême droite, elle, ne se trompe pas puisque Eric Zemmour a tout de suite retweeté les propos du président Tunisien.

Le 23 février, ce sont deux foyers de migrant·e·s LGBT subsahariens qui ont été violemment attaqués, la police a arrêté certain·e·s des migrant·e·s, déchiré les cartes de réfugiés en les insultant de sales pédés.

La situation est donc à la fois une criminalisation des syndicalistes, des opposant·e·s politiques, de la liberté d’expression via la presse, à laquelle s’ajoute une violence raciste sans précédent commise à la fois par une partie de la population et par les structures de l’État. C’est donc un tournant de fascisation que l’on peut voir à l’œuvre ici.

Face à cette situation, une première manifestation a eu lieu dans les rues de Tunis samedi dernier contre le racisme regroupant un millier de personnes et l’UGTT appelle à une manifestation pour les libertés syndicales et les libertés fondamentales, le samedi 4 mars après une grève massive dans le ferroviaire le jeudi 2 mars. De son côté, le Front du Salut National appelle à un rassemblement le 5 mars, déjà interdit par le pouvoir. Mais au vu de la situation que vivent les Tunisien·ne·s on comprend que se mobiliser aujourd’hui peut être particulièrement difficile.

C’est pourquoi la construction d’une solidarité internationaliste, ici en France et partout dans le monde est particulièrement importante. Nous ne le rappellerons jamais assez, pour nous il ne doit pas y avoir de frontières entre les travailleurs et travailleuses. Le sort de celles et ceux qui sont opprimé·e·s et exploité·e·s partout dans le monde nous regarde et nous devons construire avec elles et eux une solidarité. Pour cela, prendre conscience que faire pression sur notre propre gouvernement qui entretient toujours une relation coloniale avec la Tunisie est essentiel. Nous avons d’autres biais de mobilisations : visibiliser la situation, pouvoir participer aux récoltes d’argent, être disponibles pour celles et ceux qui luttent là-bas.

Une première manifestation à lieu ce soir, vendredi 3 mars à 17h devant l’ambassade de Tunisie à l’appel de dizaines d’organisations dont des associations tunisiennes, mais aussi des syndicats et des organisations politiques du mouvement ouvrier. Bien que l’appel est signé largement, les organisations de gauche ont perdu depuis un moment les réflexes internationalistes, il n’y a qu’à voir comment les mobilisations pour la Palestine sont faibles ces dernières années alors que le peuple palestinien se fait silencieusement assassiné par l’État colonial israëlien. Construire une solidarité entre les peuples, c’est renforcer le rapport de force contre le capitalisme car lui n’a pas de frontières dans l’exploitation et l’oppression. Alors que l’extrême droite, les réactionnaires et les fascismes montent partout dans le monde, c’est notre responsabilité que de rappeler cette phrase de Karl Marx toujours aussi actuelle : “Prolétaires de tous les pays, unissez-vous !”

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Sur le même thème : Afrique

Sections

redaction @ pressegauche.org

Québec (Québec) Canada

Presse-toi à gauche ! propose à tous ceux et celles qui aspirent à voir grandir l’influence de la gauche au Québec un espace régulier d’échange et de débat, d’interprétation et de lecture de l’actualité de gauche au Québec...