Édition du 14 mai 2024

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Tribune : la moitié des viols sont conjugaux, l’urgence d’éduquer la société au consentement dans les couples

«  Le lieu où les femmes sont le plus en danger, sont le plus assassinées en France, c’est chez elles […] l’homme le plus dangereux pour une femme c’est son mari  » – Anne-Cécile Mailfert sur RMC.

Tiré de Entre les lignes et lesm ots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2023/08/24/tribune-la-moitie-des-viols-sont-conjugaux-lurgence-deduquer-la-societe-au-consentement-dans-les-couples-petition/

C’est cette triste vérité, inaudible pour la société, que nous tentons de mettre en lumière à travers la création du Collectif Français contre le Viol Conjugal (CFCVC).

Actuellement dans notre pays, près d’un viol sur deux est perpétré par un conjoint ou un ex-conjoint. En moyenne, 121 femmes sont victimes de viols conjugaux chaque jour en France. Ce fait, pour le moins gravissime, est pourtant très peu médiatisé et conscientisé par la population générale. Malgré la vague #Metoo en 2017, le mythe du devoir conjugal reste bel et bien toujours ancré dans les mœurs.

Le viol conjugal, et le viol en général, peut s’effectuer sans violence physique par pression psychologique, culpabilisation et insistance. Le viol sur conjoint est une violence sexuelle qui demande une prise en charge adaptée de par sa spécificité. La complexité des violences sexuelles conjugales se retrouve sur différents plans : affectif, financier, familial, psychologique et médical. De plus, le viol conjugal est très exposé au déni et à l’amnésie traumatique.

Le mythe du devoir conjugal, quant à lui, est au cœur de l’absence de notion de consentement dans les couples. Beaucoup de victimes témoignent avoir été forcées par leur partenaire mais ne posent pas le mot « viol » sur leur vécu, pensant que leur conjoint est dans son bon droit. Bon nombre d’agresseurs admettent d’ailleurs forcer leur partenaire, tout en se sentant légitime de le faire sous couvert de devoir conjugal.

Nous réclamons d’une part davantage de prévention au consentement dans le couple et de la prise en compte de sa particularité dans le contexte conjugal, et d’autre part un meilleur accompagnement des victimes à toutes les étapes post traumatiques s’adaptant aux situations particulières de chacune (dépendance financière, assistance sociale et psychologique, dépôt de plainte et procédure judiciaire…).

« Selon le dernier rapport de l’état des lieux du sexisme en France du Haut Conseil de l’égalité homme/femme, 47% des viols sont conjugaux***. Considérant qu’il y a environ 94 000 femmes victimes de viols chaque année*, le nombre de viol conjugaux par an serait donc estimé à plus de 44 000. Ramené quotidiennement, on estime à plus de 120 victimes de viols conjugaux chaque jour, sachant que ce chiffre comprend uniquement les femmes victimes.

Cependant, malgré une évolution légale depuis les années 80, en qualifiant le viol entre époux comme circonstance aggravante, l’application des textes de lois sur ce sujet et la prise en charge des victimes n’est toujours pas au rendez- vous.

Rappelons que la loi française définit le viol comme tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, ou tout acte bucco‐génital commis sur la personne d’autrui ou sur la personne de l’auteur par violence, contrainte, menace ou surprise. Lorsqu’il est perpétré par le conjoint ou l’ex-conjoint, la peine encourue est alors de 20 ans de réclusion criminelle. Malheureusement, dans les faits, la majorité des viols conjugaux ne sont pas pris sérieusement en compte et sont requalifiés en tant que délit ou classés sans suite. Pour donner un ordre d’idée, en 2021, près de 80% des cas de viols étaient classés sans suite**.

Malgré les diverses luttes féministes menées depuis des décennies, le viol conjugal est laissé pour compte. Aucune association, collectif ou organisme dédié à cette cause n’existe alors qu’elle représente la moitié des viols recensés.

C’est pour faire face à ce fléau qui touche une femme sur trois dans notre pays*** – 33 % des femmes interrogées ont déjà eu un rapport sexuel suite à l’insistance de leur partenaire, alors qu’elles n’en avaient pas envie – que Ludvilla MALLET, créatrice du compte Instagram @dors_jemocuppedetout, a décidé de créer le Collectif Français Contre le Viol Conjugal avec l’aide de militantes et militants féministes dans toute la France.

C’est avec l’aide d’Alma MENAGER FLORES, co-créatrice de Main Violette Caen et initiatrice du #metooviolconjugal, qu’elle coordonne les actions du CFCVC.

Le collectif a pour objectif de sensibiliser la société au consentement au sein des couples et de lutter contre le viol conjugal et ses conséquences. Tout au long de l’année, le CFCVC mènera des campagnes de sensibilisation, organisera des actions militantes et mettra en place des projets pour une meilleure prise en charge des victimes.

Nos Revendications

Une meilleure éducation au consentement dans le couple et davantage de formation à la complexité du viol conjugal

Nous revendiquons une meilleure sensibilisation du viol conjugal, que ce soit dans la population en général ou dans les corps de métier en contact avec les victimes.

Nous voulons pointer dans un premier temps l’importance de l’éducation au consentement dès le plus jeune âge : nous demandons au gouvernement de faire venir des associations formées dans les écoles afin de sensibiliser les enfants au consentement et au respect de son propre corps et de celui des autres. Nous réclamons également que soit évoqué le consentement dans le couple dans les cours dédiés à l’éducation sexuelle au collège et au lycée.

Par ailleurs, la formation des corps de métiers en contact avec les victimes de viols conjugaux est essentielle pour une meilleure prise en charge. Il est en effet urgent, au vu de nombreux témoignages de victimes relatant un mauvais accueil de leurs plaintes auprès de différents professionnels, de les former à cette thématique. C’est pour cela que nous demandons une journée de formation obligatoire dédiée au viol conjugal pour tout les fonctionnaires publics en contact avec des victimes. Nous réclamons également que la notion de viol conjugal soit abordée dans le cursus d’études supérieures des élèves de droit, psychologie et médecine.

Enfin, il nous paraît important que les associations féministes et d’accompagnement de victimes de violence puissent être formées à cette thématique.

Reconnaissance légale du viol conjugal en tant que crime et abolition du devoir conjugal dans l’application de la loi

Le domaine de la preuve tel qu’il est appliqué lors des instructions judiciaires aujourd’hui pose question par l’absence de reconnaissance de viol sans traces physiques ou preuve matérielle. Nous demandons pour y remédier une modification de l’interprétation de la notion de consentement, qui doit être positif et affirmatif plutôt qu’un consentement par défaut, qui laisse libre cours à l’interprétation de la « zone grise ».

Par ailleurs, la notion de « devoir conjugal » doit être précisée en terme juridique pour pouvoir être abolie de manière définitive dans les interprétations de textes de loi, sans que cet argument puisse encore être utilisé comme argument de faute grave lors de divorces. Ainsi, l’article 215 du Code civil, qui oblige les époux à une communauté de vie, interprétée par la jurisprudence comme incluant le devoir conjugal, doit être révisé et détaillé pour affirmer l’absence d’obligation sexuelle dans le couple.

Enfin, nous réclamons une application légale de la notion de circonstance aggravante qui figure dans les textes de lois lors d’un viol commis par conjoint. Nous demandons que ces peines incluent également un accompagnement psychologique de l’agresseur afin de limiter les risques de récidive une fois la peine purgée.

Une reconnaissance systématique et systémique du viol conjugal dans la population française

Comme exposé plus haut, les viols conjugaux représentent près de la moitié des viols recensés. Acceptant ce constat, il est logique d’étudier le phénomène de plus près. Nous incitons donc les organismes de recherche publics et privés à considérer le viol conjugal comme un objet sociologique, psychologique et juridique à étudier afin de mieux comprendre les mécanismes sous-jacents. L’approfondissement des connaissances concernant ce crime permettront à la société et l’Etat de mieux le prévenir.

De façon plus générale, nous demandons explicitement au gouvernement de se pencher sur nos différentes revendications, en prenant en compte que, étant donné les chiffres alarmants sur le viol conjugal, il est un enjeu de santé publique contre lequel il convient d’agir urgemment contre sa récurrence et ses méfaits.

Le consentement n’est pas et ne doit jamais être une option, quel que soit le contexte relationnel.

Le Collectif Français Contre le Viol Conjugal
Tribune rédigée par Ludvilla Mallet et Alma Ménager-Flores, coordinatrices de CFCVC le 4 août 2023.

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